Ouvrir les voies de la paix pour la République d’Artsakh

La République d’Artsakh, grande comme le Liban et peuplée de 150 000 Arméniens, doit faire face à une offensive militaire turco-azérie qui menace leur survie. Ce conflit qui repose sur des causes anciennes a pris une dimension nouvelle, mettant en péril les fragiles équilibres dans le sud du Caucase.

En 1920, l’Azerbaïdjan et l’Arménie rejoignaient l’URSS. Staline décidait alors de couper l’Arménie en deux, faisant du Haut-Karabakh un oblat annexé à Bakou. À la faveur de la Perestroïka, qui offrait une plus grande autonomie aux républiques soviétiques, Stepanakert proclamait la République et votait sa réunification à Erevan, confirmée par un référendum en 1991. Immédiatement l’Azerbaïdjan dépêchait des troupes et organisait un blocus provoquant une catastrophe humanitaire faisant 30 000 victimes dans des combats de grande ampleur qui devaient durer jusqu’en 1994. Des pogroms anti-arméniens eurent lieu à Soumgaït, Bakou, Kirovabad et Maraga, ravivant la mémoire du génocide de 1915. Sous l’égide du groupe de Minsk, co-présidé par la Russie, les États-Unis et la France, un cessez-le-feu fut adopté tandis que des négociations s’ouvraient après l’intégration du Haut-Karabakh et de sept districts au sein de l’Arménie. Des affrontements sporadiques eurent lieu en 2000 et 2016, tandis que le choix des Arméniens était amplement confirmé en février 2017, à l’occasion d’un nouveau référendum constitutionnel.

L’offensive criminelle d’Ilham Aliev qui vient de débuter contre la République d’Artsakh a pris une tournure radicalement nouvelle avec l’intrusion de la Turquie dans le conflit. Depuis plusieurs mois, R.T. Erdogan a multiplié les déplacements à Bakou, soutenant une première offensive en juillet et organisant des manœuvres communes turco-azéris. Il a planifié le déplacement de nombreux combattants djihadistes engagés sur les fronts syriens ou libyens qui se sont déployés et engagés dans les zones de combat. Ce sont les mêmes qui ont commis des meurtres, des viols, des enlèvements et des tortures au Kurdistan syrien. En difficulté dans son pays, R.T. Erdogan est engagé dans une fuite en avant expansionniste usant de toutes les opportunités pour imposer le fait accompli militaire et le leadership d’Ankara au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Méditerranée orientale.

« Ce conflit est d’une extrême gravité. Les communistes appellent à un cessez-le-feu immédiat. »

Sur le terrain, les affrontements sont particulièrement meurtriers sur les deux fronts ouverts par l’Azerbaïdjan. On recense officiellement plus de 400 victimes, même si cette évaluation est largement sous-évaluée. Les civils sont particulièrement visés, contraignant les populations arméniennes à fuir ou à se terrer dans des caves en raison de l’intensité des bombardements, de l’utilisation de drones et de bombes à sous-munition interdites, ainsi que de l’appui de F16 turcs. Bakou, grâce à ses revenus gaziers et pétroliers, a acquis une supériorité militaire en achetant massivement des armes à Israël, à la France, à la Russie et à la Turquie. En dépit de cette dissymétrie, l’offensive piétine, ouvrant la perspective d’une guerre d’usure longue, meurtrière et déstabilisatrice.

Les risques d’embrasement du Caucase sud sont à craindre dans une région volatile traversée par des oléoducs et la présence de puissances concurrentes que sont la Russie, la Turquie et l’Iran. Les manifestations nationalistes à Bakou appellent clairement à une politique génocidaire. Moscou qui est lié par un accord militaire avec Erevan et dispose de deux bases en Arménie joue, pour le plus grand profit de son complexe militaro-industriel, sur les deux tableaux en vendant des armes aux belligérants. L’implication de la Turquie met cependant en porte à faux Moscou qui n’entend pas perdre son rôle d’arbitre dans la région. Un cessez-le-feu précaire devait entrer en vigueur samedi même si Ankara et Bakou le rejettent afin d’accroître leur pression diplomatique.

Ce conflit est d’une extrême gravité. Les communistes appellent à un cessez-le-feu immédiat et effectif afin d’empêcher de nouveaux crimes contre les Arméniens. Ils expriment leur solidarité avec le peuple de la République d’Artsakh, qui ne sont pas des séparatistes, qui ont fait la démonstration de leur attachement à la démocratie au prix de sacrifices immenses et de leur volonté de faire de l’Arménie une terre de paix. Afin de mettre un terme aux surenchères nationalistes qui ne manquent pas de s’exprimer, le Conseil de sécurité de l’ONU a confié au groupe de Minsk le soin de trouver une solution qui ne peut être que pacifique. Il n’y a pas d’autre alternative. Cela passe par la condamnation sans équivoque de la politique agressive et expansionniste de la Turquie. Il y a un an, le Parti communiste français appelait à placer les populations du Haut-Karabakh sous protection internationale. Il interpellait également le Président de la République, «parce que cela constituerait une première étape dans un indispensable processus d’apaisement dans la résolution du conflit […] à prendre acte du processus démocratique par lequel la population du Haut-Karabakh a proclamé la République […] et à agir en ce sens auprès des instances européennes et internationales».

Ce choix ouvrirait la voie d’une paix durable.

Pascal TORRE
responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient