Pour l’interdiction des lanceurs de balles de défense

Les LBD (lanceurs de balles de défense) marquent un usage excessif et dramatique de la force publique, estime le groupe CRCE du Sénat qui a déposé, le 22 janvier dernier, une proposition de loi visant leur interdiction.

Le texte établit un état des lieux dramatique : « Depuis l’acte I des gilets jaunes (le 17 novembre 2018) le bilan ne cesse de s’alourdir. Deux mille blessés chez les manifestants, environ un millier parmi les forces de l’ordre, selon le ministère de l’Intérieur. Pour plusieurs observateurs, spécialistes du maintien de l’ordre, on dénombrerait, au 17 janvier, une centaine de blessés graves, parmi lesquels 71 liés à des tirs de lanceurs de balles de défense (LBD), pour nombre d’entre eux irréversibles. Le volume de tirs d’armes dites « intermédiaires » « à létalité réduite » ou encore « sublétales » a atteint un niveau historique ces dernières semaines. »

Pourtant le gouvernement persiste à nier l’évidence.  Sur le papier, l’usage du lanceur de balles de défense est très encadré. Pourquoi les dérives actuelles ? Le texte pointe plusieurs explications.

Il y a lieu de s’interroger sur la doctrine d’emploi des forces de l’ordre dévoyée depuis les années Sarkozy. C’est toute la doctrine traditionnelle d’évitement entre la police et les manifestants qui est remise en cause. Par ailleurs, le caractère dit « non létal » minimise l’usage de ces armes dites « intermédiaires » auxquelles certains policiers ont recours de manière « décomplexée » voire en toute impunité.En outre, il apparaît notable que la formation des forces de l’ordre en matière d’usage des armes, et en particulier des lanceurs de balles de défense, est défaillant.

Seulement, aujourd’hui, le contexte législatif semble peu enclin à ce type de réflexions. L’heure est à la surenchère répressive, au renforcement du tout sécuritaire au détriment des libertés publiques.

« Il est temps de faire machine arrière et d’adopter une logique inverse afin de garantir et de réaffirmer le droit de manifester comme l’expression la plus pure du peuple de s’exprimer démocratiquement. »

La proposition de loi vise donc à interdire l’usage des lanceurs de balles de défense.

« Bien entendu, il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause l’emploi de la force publique légitime qui doit rester un outil de sauvegarde de la sécurité publique, dans le cadre du respect de la Constitution, du droit et des lois. Mais il s’agit avant tout de garantir l’effectivité d’un droit fondamental et constitutionnel, celui de manifester. »

Le texte montre que d’autres doctrines d’emploi des forces de l’ordre existent, notamment en Europe, pour pacifier le maintien de l’ordre. Un travail d’ampleur doit être engagé pour mettre en oeuvre des stratégies de désescalade efficaces et celui-ci doit commencer par une étude sérieuse, complète, détaillée et documentée des avantages et des inconvénients de chaque type de doctrine.

Le texte propose donc « trois mesures simples » :

« L’article 1er vise à interdire immédiatement l’usage des lanceurs de balles de défense dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre et en particulier lorsqu’un attroupement nécessite sa dispersion par les forces de l’ordre qui peuvent faire usage directement de la force si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent..

L’article 2 vise à permettre une plus grande transparence des données relatives à l’usage des armes par les policiers, au regard des derniers événements liés au mouvement des gilets jaunes. Car si les cas recensés n’étaient pas relayés sur les réseaux sociaux par quelques spécialistes de la question du maintien de l’ordre, nous n’aurions aucunes données. Or, le manque de transparence du pouvoir sur ces sujets nuit à notre démocratie.

L’article 3, enfin, est porteur de solutions pour le long terme. Il s’agit de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport détaillé et documenté sur les stratégies de désescalade et de pacification à mettre en oeuvre dans le cadre du maintien de l’ordre, notamment en s’appuyant sur les modèles européens.