Projet de loi d’orientation agricole

Publié le 05 avril 2024

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Le Ministre de l’Agriculture vient de présenter son projet de loi « pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture ». Après plus d’un an d’échanges et de concertations avec les acteurs du monde agricole, la montagne semble accoucher d’une souris.

Le texte est ainsi très éloigné d’une véritable loi d’orientation agricole fixant des objectifs clairs à atteindre, et mettant en place des politiques publiques avec des outils et des moyens ambitieux. Pire, il s’apparente à un simple ripolinage des dispositifs d’accompagnement à l’installation déjà existants et des parcours de formation, entretenant même l’idée que le problème de fond serait le seul manque d’attractivité du métier. Les problématiques centrales de l’accès au foncier et du coût du capital à reprendre sont à peine abordées. Celle de l’insuffisance des revenus tirés de la production, totalement évacuée.

Ce projet de loi n’est clairement pas à la hauteur de l’immense défi agricole et alimentaire qui se pose à la société française.

 

Une grave crise agricole et alimentaire qui aurait dû déboucher sur un texte fondateur

 

Notre pays a encore perdu 100 000 exploitations agricoles ces dix dernières années et le nombre d’actifs non-salariés agricoles – près de 450 000 personnes – continue de reculer. D’ici dix ans, près de 45 % des agriculteurs seront en âge de prendre leur retraite alors même que les installations nouvelles ne compensent aujourd’hui qu’un peu plus de la moitié des départs.

Dans le même temps, notre dépendance alimentaire se creuse sous le double effet de la baisse du nombre d’exploitants et de l’ouverture croissante des marchés, avec une hausse continue des importations de produits agricoles. Cette situation met sévèrement en cause notre capacité à garantir demain notre sécurité et notre souveraineté alimentaires.

Le contraste est donc particulièrement frappant, entre l’ampleur de la crise agricole, et le manque d’ambition politique de ce texte.

 

Régulation, assurance et formation publiques : l’autre triptyque défendu par les communistes

 

Le Parti communiste français fait de la régulation, de l’assurance et de la formation la pierre angulaire d’une ambitieuse politique d’installation. Une politique qui doit se fixer des objectifs clairs, avec un minimum de 500 000 agriculteurs en 2030.

Un tel objectif, indispensable pour assurer notre souveraineté alimentaire, nécessite de mettre en œuvre immédiatement une politique d’intervention publique sur les prix et un régime public d’assurance et de gestion des risques afin de sécuriser le revenu et les investissements des producteurs. Ces dispositifs seraient adossés, pour tous les nouveaux installés, à de nouveaux prêts bonifiés, à des compléments de prix garantis sur des volumes plafonnés ainsi qu’à des aides couplées, tous trois conditionnés au respect de critères sociaux et environnementaux visant notamment la sortie de la spécialisation régionale des productions et la diversification des exploitations.

En plus de ces mesures, les communistes défendent une plus forte régulation de l’accès à la terre et la sécurisation du foncier. Cela passerait entre autres par un renforcement du pouvoir des SAFER en leur donnant notamment les moyens d’intervenir sur le transfert de foncier sous forme de parts sociales ainsi que la sanction de toute entrave au statut du fermage (« pas-de-porte », sous-location, vente d’herbe etc.). Nous nous opposons donc fermement à toute entrée de capitaux financiers dans la gestion du foncier agricole comme le texte le prévoit avec la création de groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI).

Et comme il n’y a pas d’installation sans une bonne formation, le Parti communiste français promeut l’investissement massif dans l’enseignement agricole public, via l’embauche de plusieurs centaines de nouveaux enseignants et l’ouverture d’établissements supplémentaires, de la 4ème au Bac+8 en développant les liens entre enseignement et recherche agronomique publique.

Néanmoins, ces mesures de mieux-disant social et environnemental sont incompatibles avec la signature d’accords commerciaux où l’agriculture est vue comme une variable d’ajustement. En ce sens, les communistes demandent la mise en place d’une exception agricole, avec la nécessité de protéger notre agriculture face aux traités de libre-échange, notamment le CETA rejeté par le Sénat à l’initiative des sénateurs du groupe CRCE-K. De même, l’accord avec le Mecosur serait catastrophique pour les éleveurs de bovins allaitants européens. Fidèle à ses convictions internationalistes, le PCF refuse la mise en concurrence entre agriculteurs de régions du monde différentes et préfère de nouvelles coopérations, notamment entre pays du Nord et du Sud.

 

La reprise d’exploitation facilitée par la mise en œuvre de pratiques moins consommatrices de capital

 

Défenseur de pratiques agricoles basées sur l’adaptation à l’environnement, l’observation, le renforcement des liens éleveur-animal, l’anticipation et le lissage des risques, le Parti communiste français porte la transformation agroécologique de nos systèmes agricoles comme une condition essentielle du renouvellement des générations en agriculture.

Que dire d’une politique défendant en même temps le triptyque numérique-génétique-robotique et l’installation de jeunes agriculteurs et agricultrices ? Sans renier l’innovation et la science, il est urgent de renouer avec des pratiques moins consommatrices de capital reposant, entre autres, sur les grands principes de l’agroécologie, avec, comme clé de voûte, la complémentarité entre espèces animales et végétales, le bouclage des cycles de l’eau et des nutriments ou encore le maintien de la biodiversité. Ces principes reposent sur une plus forte incorporation de travail humain dans les processus de production, plutôt que l’accroissement des consommations d’engrais minéraux, de produits phytosanitaires et vétérinaires ou de machines.

Un tel changement de paradigme s’accompagne d’une complexification des pratiques, ce qui induit une plus grande connaissance des agroécosystèmes, un partage des savoirs entre pairs et la possibilité d’expérimenter au champ. En tendant vers des pratiques plus autonomes et plus économes, les agriculteurs se passeraient de quantités d’investissements onéreux et se libèreraient progressivement de l’accumulation effrénée en tracteurs toujours plus puissants, en matériel toujours plus large et en bâtiments d’élevage toujours plus vastes. En « dégonflant » le stock de capital à reprendre, la transmission serait indéniablement facilitée ce qui ouvrirait le champ des possibles de l’installation, en lien avec une politique de régulation foncière renforcée.

Plutôt que de prendre ce chemin, le Gouvernement s’obstine à soutenir les profits de l’agrofourniture en promouvant et subventionnant des solutions technicistes et aliénantes qui entretiennent le surinvestissement et la substitution de quantités de travail par du capital au détriment de l’emploi. La promotion d’un paquet technique basé sur le numérique, la génétique et la robotique ne ferait qu’accroître les montants de capital à reprendre et renchérir la reprise.

 

Commission Agriculture Pêche Forêt, 4 avril 2024