Le Secours rouge international – Aux origines du SRI (1)

Paris, cimetière du Père-Lachaise, le 27 mai 1923. Au milieu des milliers de participants à la traditionnelle montée au mur des Fédérés, venus rendre hommage aux communards massacrés en 1871, une poignée de militants placés sur le bord du cortège donnent de la voix. Munis de brassards rouges, ils vendent des cartes postales au profit du Secours rouge international (SRI), une organisation nouvellement constituée dans plusieurs pays pour aider les victimes de la répression capitaliste et du fascisme.

La fondation du SRI, décidée quelques mois plus tôt à Moscou lors du 4e congrès mondial de l’Internationale communiste (ou Komintern), intervient dans un contexte défavorable pour le mouvement révolutionnaire. Partout en Europe les communistes sont confrontés au reflux de la poussée révolutionnaire qui, dans le sillage de la prise du pouvoir des bolcheviques en Russie, avait ébranlé le vieux continent à la sortie de la Première Guerre mondiale. Dans de nombreux pays (Allemagne, Finlande, Hongrie…), les insurrections ouvrières ont été écrasées et ont laissé la place à des régimes anticommunistes et autoritaires qui se livrent à une implacable répression. Dans ces conditions, la formation d’un organisme transnational de secours des victimes de la « terreur blanche » s’est imposée comme une nécessité pour assurer la survie des organisations communistes et ouvrières.

Elle répond également au mouvement de repli stratégique engagé par le Komintern qui, prenant acte de l’éloignement de la perspective de la révolution mondiale, se concentre sur le renforcement des partis communistes et lance le mot d’ordre de « conquête des masses ». La création du SRI s’inscrit alors dans le développement d’organisations auxiliaires « de masse », conçues pour faciliter la pénétration des idées communistes auprès de publics plus larges et dépassant le cercle des militants encartés.

En France, une section du Secours rouge voit le jour en mai 1923, sous l’impulsion du Parti communiste et de la CGTU, qui décident de fusionner plusieurs petits comités spécialisés dans l’accueil des victimes du fascisme italien et des révolutionnaires étrangers en exil. Cette nouvelle organisation se situe dans le prolongement des expériences d’avant-guerre de solidarité ouvrière et de défense des libertés démocratiques. Toutefois, elle s’inscrit en rupture avec des structures plus anciennes comme la Ligue des droits de l’homme (LDH) ou celles issues du syndicalisme révolutionnaire, qui sont accusées de ne plus répondre aux enjeux du moment, ni aux nouvelles formes de répression frappant le mouvement ouvrier après 1918.

En concurrence avec la LDH ou le Comité de défense sociale d’inspiration anarchiste, le Secours rouge s’impose dès le milieu des années 1920 comme le principal outil de défense des militants ouvriers et communistes face à la répression. Sous la conduite d’anciens prisonniers emblématiques, comme André Marty (le célèbre mutin de la mer Noire), il se structure sur l’ensemble du territoire national et dans les colonies, groupant quelques dizaines de milliers d’adhérents (plus de 40 000 à la fin des années 1920). La section française du SRI, spécialisée dans l’organisation de campagnes de solidarité, devient alors l’une des organisations majeures de la galaxie communiste.µ

Corentin Lahu