Verdict du procès de l’assassinat de Thomas Sankara : Une victoire devant l’histoire et contre l’impunité

Trente-cinq ans après l’assassinat du président Thomas Sankara et douze de ses compagnons, la justice du Burkina Faso vient de rendre son verdict. Les trois principaux accusés, Blaise Compaoré, Hyacinthe Kafando et Gilbert Diendéré, sont condamnés à la prison à perpétuité. Les deux premiers sont en fuite, en Côte d’Ivoire, le dernier en prison au Burkina, pour son implication dans la tentative de putsch réactionnaire et meurtrier de 2015.

Ce jugement est un pas important dans la lutte contre l’impunité qui a gangrené le Burkina Faso pendant les 27 années de pouvoir de l’autocrate Blaise Compaoré. Il témoigne de l’indépendance de la justice burkinabé, un acquis précieux à préserver. Un signal est également envoyé clairement : les crimes de sang et crimes économiques ne sont plus impunis et leurs auteurs devront dorénavant rendre des comptes devant la justice burkinabé.

L’issue du procès est l’aboutissement de 25 ans de procédures, portés par les familles des victimes, dont la courageuse et emblématique épouse de feu Thomas Sankara, Mariam Sankara. Il faut mesurer également l’immensité des efforts produits par des militants et des organisations engagés en faveur de la justice et des droits humains. Ils et elles sont nombreux, à l’image de l’avocat de la famille Sankara, Maitre Bénéwendé Sankara, créateur de l’Unir-Mouvement sankariste, figure de l’insurrection de 2014, et ministre de l’Urbanisme dans le précédent gouvernement.

Une large part de la vérité est établie, 35 ans après les faits. Mais des zones d’ombre persistent, notamment sur les complicités internationales. Il conviendra donc de poursuivre inlassablement ce travail pour la vérité. Raison pour laquelle le PCF réitère la demande que toutes les archives françaises à ce sujet soient ouvertes.

Avec l’assassinat de Thomas Sankara et ses compagnons le 15 octobre 1987, un ensemble de forces réactionnaires au Burkina Faso et à l’extérieur, notamment en Côte d’Ivoire et en France, a mis fin à une expérience progressiste qui commençait à mobiliser les ressources intérieures du pays et à produire des résultats très intéressants pour les populations.

Il faut rappeler qu’en plus de cette responsabilité criminelle, aujourd’hui établie, Blaise Compaoré et ses 27 ans de régime autocratique ont produit une situation catastrophique. Sous son règne, le pays a acquis un Indice de développement humain parmi les plus bas de la planète. Il a accumulé des retards considérables liés à des choix politiques fortement inégalitaires, initiant un modèle de croissance sans développement. Il a été au service de nombreux coups fourrés et déstabilisations en Afrique de l'Ouest. Pion essentiel de la Françafrique, il se présentait comme le pompier de la sous-région, alors qu'en réalité il a trempé dans les affaires les plus sombres, favorisé guerres et rebellions, de la Sierra Léone au Liberia, en passant par la Côte d'Ivoire et jusqu'au Mali. Au Burkina, il a pactisé avec les forces obscurantistes du djihadisme et du banditisme, installées dans les quartiers huppés de Ouagadougou. Ces forces se sont retournées ensuite pour déstabiliser le Burkina une fois l’autocrate chassé du pouvoir par le peuple.

Rappelons également que Blaise Compaoré a été sauvé in extremis par l’État français en 2014, lors de l’insurrection burkinabé. Les troupes françaises l’ont exfiltré pour le placer à l’abri en Côte d’Ivoire chez son ami Alassane Ouattara à la solde de Paris, pour ne pas qu’il parle et afin qu’il tire les mauvaises ficelles contre le Burkina.

Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire devrait extrader Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando au Burkina Faso pour qu’ils y purgent leur peine. À défaut, ils pourraient être appréhendés s’ils foulent le sol de pays avec lesquels le Burkina Faso entretient des accords judiciaires.

Au moment où les peuples africains expriment avec de plus en plus de force leur volonté d’exercer concrètement leurs souverainetés, les objectifs que s’était fixés Thomas Sankara sont plus d’actualité que jamais dans son pays comme ailleurs en Afrique. Le PCF fait par ailleurs sienne sa vision selon laquelle il faudrait « encourager l’aide qui nous aide à nous passer de l’aide ».

Collectif Afrique PCF