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Le 25 mai 1963, sous l'impulsion des dirigeants ghanéen et éthiopien Kwame Nkrumah et Haïlé Sélassié, naissait l'Organisation de l'union africaine (OUA). En 2002, elle deviendra à Durban l'Union africaine (UA) et réunit aujourd'hui 55 pays d'Afrique.

Le 36e Sommet des chefs d'État de l'Union africaine (UA) s’est tenu à Addis-Abeba, la capitale de l'Éthiopie, les 18 et 19 février 2023.

Plusieurs dizaines de décisions, déclarations, résolutions et autres motions ont été adoptées et Azali Assoumani, le président comorien, a succédé au président sénégalais, Macky Sall, à la tête de l'organisation. Le Sommet a abordé plusieurs sujets, notamment les guerres au Sahel et en République démocratique du Congo, le projet de zone de libre-échange continentale et la question des crises alimentaires sur un continent confronté à une sécheresse historique.

Ce Sommet s’est tenu dans un contexte marqué par des crises sécuritaires, diplomatiques, des guerres et les conséquences socio-économiques de la guerre en Ukraine. Le ralentissement de l’économie mondiale s’est ajouté aux divers chocs connus par le continent. Le renchérissement des produits alimentaires et de l’énergie pénalise les populations, tandis que la dette publique et l’inflation se situent à des niveaux inédits depuis des décennies.
Le secrétaire général de l'ONU a tenu un important discours en déclarant notamment : « Le xxie siècle a tout pour être celui de l'Afrique. »

La question des régimes issus des coups d’État militaires au Mali, au Niger et en Guinée a été discutée. Ils restent suspendus des instances de l’UA mais Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l'UA, a fait le constat que « ces sanctions ne semblent pas produire les résultats escomptés ».

Coups d’État : le double standard

En clôture de son Sommet, l’Union africaine a tenu à redire son rejet sans exception des prises de pouvoir imposées par la force hors du verdict des urnes et du respect de la loi. Bankole Adeoye, le commissaire aux Affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l’UA, a martelé : « L'assemblée a réaffirmé sa tolérance zéro face aux changements de gouvernement anticonstitutionnels. L'Union africaine maintient qu’elle ne tolère, en aucun cas, les méthodes non démocratiques pour accéder au pouvoir politique. » Mais on notera au passage l’ambiguïté de la position de l’UA qui n’a pris aucune sanction contre le régime tchadien pourtant issu d’un processus non constitutionnel. De même, aucune mention n’est faite des modifications opportunistes des constitutions permettant à des régimes de se maintenir.

Le Mali, le Burkina Faso et la Guinée, trois pays dirigés par des militaires issus de coups d'État, à la suite desquels ils ont été suspendus de l'UA, ont envoyé des délégations à Addis-Abeba pour plaider la levée de ces exclusions temporaires. Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l'UA, avait déclaré avant le Sommet à l'AFP que le conseil « paix et sécurité » de l'institution se réunirait, à une date non précisée, pour décider d'une éventuelle levée de la suspension de ces trois pays.

Au contraire des affirmations de Moussa Faki Mahamat sur l'impact des sanctions, la situation montre que celles qui ont frappé ces pays aggravent les difficultés de populations déjà durement éprouvées dans leur vie quotidienne, sans pour autant affaiblir les juntes en place.

Les crises à l’est de la RDC, du Sahel et de l’Éthiopie au scanner

La situation dans l'est de la RDC en proie aux groupes armés, notamment dans la zone frontalière du Rwanda, a été abordée au cours d’une réunion tenue en présence du chef de l'État congolais Félix Tshisekedi et de son homologue rwandais Paul Kagame. Lors de cette réunion, des chefs d'État de la Communauté d'Afrique de l'Est (EAC), composée de sept pays, ont appelé à un « retrait de tous les groupes armés » d'ici au 30 mars de cette année.

À propos de l'Éthiopie, son Premier ministre Abiy Ahmed a salué devant l'assemblée l'accord de paix signé, sous l'égide de l'UA, entre son gouvernement et les rebelles de la région du Tigré, ayant permis, selon lui, de faire « taire les armes ».

La ZLEC : leurre ou panacée ?

Le Sommet s’est penché sur les questions économiques notamment sur celle de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLEC) qui doit devenir le plus grand marché mondial en termes de population avec 1,4 milliard de personnes concernées. Il a été décidé de l'« accélération » de sa mise en place afin de favoriser le commerce au sein du continent et d'attirer les investisseurs. Il reste cependant beaucoup de chemin à parcourir car le commerce intra-africain ne représente aujourd'hui que 15 % du total des échanges continentaux. Selon la Banque mondiale, la ZLEC est censée créer 18 millions d'emplois et « sortir 60 millions de personnes de l'extrême pauvreté ». À notre avis, elle doit éviter de copier le fonctionnement de l'Union européenne si elle ne veut pas creuser des inégalités plus graves entre les pays qui la composeront. Elle devrait se doter de mécanisme qui aide à une véritable coopération pour une égalité de développement et de bien-être pour les populations concernées.

À y regarder de près, la configuration du continent et le niveau de développement économique de la plupart de pays africains rendent sujette à caution une zone de libre-échange continentale. La ZLEC procède d’une lecture erronée des causes de la faiblesse du commerce intra-africain. Si les pays africains échangent peu entre eux, ce n’est pas principalement du fait des barrières tarifaires et non tarifaires. La raison fondamentale est que ces pays sont pauvres et très peu diversifiés sur le plan économique, réalités héritées de la colonisation et aggravées par la mise en place des plans d’ajustement structurel au début des années 1980 et par le protectionnisme des pays riches. Si cette ZLEC venait à se mettre en place, elle bénéficierait davantage au capital international qu’aux pays africains, qui souvent, comme dans le cas des pays de la Zone Franc, n’ont aucune maîtrise de leur politique monétaire et de leur politique de change.

La pomme de discorde du statut d’observateur pour Israël

En 2021, le président de la Commission de l'Union africaine, Moussa Faki, outrepassant ses prérogatives, sans consultation et au mépris total de l'Acte constitutif de l'Union africaine, avait accordé à Israël un statut d'observateur de l'Union africaine. Face à la vive opposition de nombreux pays, il avait été décidé de suspendre la décision du président de la Commission et de créer un comité ad hoc qui ferait des propositions. Le Sommet n’a pas permis néanmoins d’avancer sur le sujet, la décision reste en suspens depuis une année en attendant le rapport du comité ad hoc qui ne s’est pas réuni jusqu’ici. Les chefs d’États ont préféré attendre ses conclusions. Preuve des tensions à ce sujet, l’incident diplomatique intervenu à l'ouverture du Sommet où, à la demande de l’Algérie et de l’Afrique du Sud, une diplomate israélienne a été expulsée de la cérémonie d'ouverture. Israël a dénoncé un acte « grave » et l'UA répondu que la diplomate en question n'avait pas été invitée.

Les controverses autour du statut d’observateur à accorder à Israël par l’UA ne peut se comprendre qu’à l’aune de la question palestinienne. Les pays les plus en pointe – Algérie et Afrique du sud – dans le rejet de ce statut évoquent la situation en Palestine pour justifier leur position. Depuis la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, les dirigeants politiques sud-africains reprochent régulièrement au gouvernement israélien de mener une politique similaire à l'encontre des Palestiniens. « Notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens », avait déclaré Nelson Mandela.

La France et l'Afrique selon Emmanuel Macron

Quelques jours après le Sommet, le président de la République française a tenu un nouveau discours sur l'Afrique prélude à son dix-huitième déplacement sur le continent.

Dans son discours, Emmanuel Macron a déclaré : « La France doit faire preuve d'une profonde humilité en Afrique. » En s'exprimant ainsi, c'est reconnaître que ce n'était pas le cas jusqu'à présent, ce que nous savions depuis longtemps. Quand il parle des intérêts de la France, il faut comprendre qu'il s'agit, pour lui, des intérêts des multinationales à base française, lesquelles se livrent à une concurrence acharnée avec d'autres, sur le dos des populations des pays où elles sont implantées.

En prononçant un discours sur l'Afrique sans faire référence à l'Union africaine, comme vient de le faire le chef de l'État français, c'est ignorer les organismes créés par les Africains pour trouver des réponses à leurs problèmes.Le respect absolu de la souveraineté des pays africains reste le cœur de l'établissement de nouvelles relations entre la France et le continent africain.

Félix Atchadé et Daniel Feurtet
Collectif Afrique du PCF
membres de la commission des relations internationales du PCF