Après l’élection présidentielle, Chypre confrontée à des défis cruciaux

L’élection présidentielle à Chypre des 5 et 12 février 2023 s’est traduite par un résultat extrêmement serré.

Nikos Christodoulides, candidat dissident du parti au pouvoir (Disy) et soutenu par le Parti démocratique (Diko), le parti social-démocrate (Edek) et le Mouvement de solidarité (Dipa), l’emporte avec 51,97 % des voix au second tour. Andreas Mavroyiannis, le candidat indépendant, soutenu par les communistes du Parti progressiste de travailleurs (AKEL) et le parti Génération changement, obtient 48,03 % des suffrages.

Le candidat du parti conservateur au pouvoir (Disy), Averof Neofitou, a été distancé nettement lors du premier tour où l’extrême droite ultranationaliste a obtenu 6,78 %.

Le taux de participation de 72 % est en léger recul par rapport à l’élection de 2018.

L’excellent résultat obtenu par Andreas Mavroyiannis traduit d’abord la persistance d’un mouvement de soutien important aux propositions défendues par AKEL et, notamment, son engagement de relancer le processus de négociation de la question chypriote (la réunification de l’île) sur les bases des résolutions de l’ONU et du respect du droit international.

Pour AKEL et Andreas Mavroyiannis, qui fut un des acteurs de cette négociation et le représentant permanent de la République de Chypre à l’ONU, le combat contre l’occupation illégale, depuis 1974, d’un tiers du territoire de Chypre par la Turquie reste la priorité du moment politique ; avec comme perspective, l’espoir pour les communautés gréco-chypriote et turco-chypriote d’être enfin réunies, à égalité politique, dans un État souverain réunifié : une fédération bizonale, bi-communale à souveraineté internationale unique, telle que la définissent les résolutions de l’ONU.

Ces dernières années, et notamment depuis le gel des négociations dites de Crans Montana (Suisse) en 2017, la position de la Turquie s’est considérablement durcie, visant de fait à tenter d’imposer une solution à deux États. Elle s’est doublée d’une recrudescence d’agressivité du pouvoir turc en Méditerranée orientale avec des violations flagrantes du droit international dans la zone maritime économique exclusive de Chypre ainsi qu’à Famagouste.

Cette attitude de la Turquie est lourde de dangers potentiels, non seulement pour la sécurité de Chypre, mais pour celle de l’ensemble des pays du Sud et de l’Est méditerranéen où s’exacerbent tensions et conflits, et où l’exigence de démilitarisation devient un enjeu crucial.

Le nouveau président élu saisira-t-il la « fenêtre d’opportunité » que lui offre la nouvelle situation politique issue des élections en reprenant les négociations sur des bases conformes aux intérêts souverains du peuple chypriote ?

L’enjeu est d’autant plus crucial que, dans le même temps, Chypre, comme l’ensemble des pays européens, subit les conséquences collatérales du conflit entre la Russie et l’Ukraine sur son économie, ce qui contribue à aggraver les effets néfastes des politiques de régression sociale pratiquées par la droite depuis qu’elle est au pouvoir.

AKEL, qui dispose d’un groupe parlementaire conséquent, va désormais continuer, dans l’opposition constructive au nouveau pouvoir, à faire grandir les exigences de justice sociale, de lutte contre la corruption, de sécurité et de paix dont le peuple chypriote a tant besoin.

Les défis auxquels est confrontée la République de Chypre concernent donc l’ensemble des forces de la gauche de transformation sociale en Europe. C’est pourquoi AKEL et les progressistes chypriotes peuvent compter sur le soutien indéfectible du Parti communiste français.

José Cordon
commission des Relations internationales-Europe