A la conquête des pouvoirs
Par Laurence Cohen, sénatrice, responsable de la commission féministe du PCF
La démocratie s'est longtemps conjuguée uniquement au masculin. En 1789, la promulgation du droit de vote dit « universel » ne concerne en réalité que les hommes. Exclues de la prise de décisions, les femmes sont même rejetées en dehors de l'universel, aux bans de la cité. Malgré l'action de féministes dès la révolution française, le droit de vote et d'éligibilité des femmes n'a été conquis que 155 ans plus tard. Il faudra encore 56 ans d’actions et une politique volontariste pour obtenir la parité.
En 2017, le constat est clair. L’accès à la citoyenneté sociale, économique, politique et aux pouvoirs pour toutes et tous reste l’un des combats essentiels pour évoluer vers une société émancipée. Notre société s’est construite sur des normes patriarcales : les hommes occupent la sphère publique et les femmes restent au foyer. Nous devons faire voler en éclats ce schéma profondément ancré dans les mentalités qui sert à maintenir exploitations et dominations.
Alors, les lois dites sur la parité de 2000, 2002 et 2007 ont permis de féminiser les lieux institutionnels. Mais à y regarder de près, combien de femmes sont maires, présidentes de régions ou de conseils départementaux ? Et que dire des communautés d’agglomération, de toutes les instances autour des métropoles, bref de tous les lieux de pouvoirs qui échappent aux lois sur la parité ?
L’exigence du partage du pouvoir à égalité entre femmes et hommes est une question de justice et de démocratie. Il faut déconstruire les normes de la société, et surtout en faire émerger de nouvelles empreintes d’égalité, de mixité. Nous devons permettre que les pouvoirs, quels qu’ils soient, professionnels, économiques ou politiques, soient exercés par autant de femmes que d’hommes.
Nous avons de nombreux défis à relever. Quelle place des femmes dans l’entreprise ? Quel rôle d’intervention de la salarié-e dans l’organisation du travail, la gestion de l’entreprise ? Les syndicats, les partis politiques ont tout autant besoin d’interroger leurs pratiques et de les remettre en cause. La société a changé, les rythmes de vie aussi, il est temps d'en tenir compte.
Mais l’égalité se conquiert aussi dans vie personnelle, intime. Comment articuler les temps de vie ? Quelle égalité dans les couples, dans le partage des tâches, des responsabilités, dans l’élaboration des décisions de la vie commune. La démocratie n’a pas de domaine où elle pourrait être exclue, elle doit être au cœur de tous les espaces, publics comme privés.
Faire vivre le pouvoir du peuple, c’est bousculer l’ordre établi et les mentalités, c’est exiger pour toutes les élections, un mode de scrutin à la proportionnelle, et c’est obtenir un véritable statut de l’élu-e. Ces batailles font partie de nos actions pour une 6ème république, centrée sur la démocratie et la parité.
Les femmes sont des citoyennes à part entière, dont le statut doit être reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui, en l’état, « favorise l’égalité » mais ne la garantit pas ! Nous devons institutionnaliser un certain nombre de droits comme l’interruption volontaire de grossesse.
Il nous faut gagner l’ensemble des militantes et des militants à analyser la société, les transformations nécessaires à la libération de chaque être humaine d’un point de vue marxiste et féministe.
La démocratie est un moteur de toutes nos luttes, au centre de toutes les avancées, elle ne peut exister que si elle est paritaire.
Analyser notre combat sous cet angle, celui des pouvoirs partagés, est essentiel pour faire avancer le respect de chacune et chacun, pour inventer une nouvelle façon de faire de la politique, pour bâtir une société d’émancipation humaine.
