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Le 26 octobre prochain se tiendront les élections générales en Bolivie, lors desquelles seront élus président et vice-président de l’État, députés et sénateurs. Convoqué en conséquence du coup d’État d'octobre-novembre 2019, le scrutin devait à l’origine être organisé le 3 mai, avant d'être repoussé à plusieurs reprises au nom des risques posés par la crise sanitaire: 17 mai, 6 septembre, et finalement 16 octobre.

Si la pandémie de Covid-19 pose réellement, comme dans chaque pays, de grandes difficultés, elle a été utilisée par le «gouvernement de transition» issu du coup d’État comme une opportunité pour renforcer son image auprès de la population et un prétexte pour retarder au maximum le scrutin. Pari raté, la gestion de la crise par la «présidente par intérim» Jeanine Áñez ayant été marquée par son incompétence et un retentissant scandale de corruption dans l'achat de respirateurs artificiels, payés le double du prix du marché et inadaptés face au coronavirus.

Résultat: Áñez s'est retirée de la course présidentielle devant l'effondrement des intentions de vote en sa faveur dans les sondages. Une décision également motivée par la crainte d'une défaite de la droite et d'une victoire de Luis Arce, ancien ministre de l'économie et candidat du MAS-IPSP (Mouvement vers le socialisme – Instrument politique pour la souveraineté des peuples), parti de l'ancien président renversé, Evo Morales.

Les récentes enquêtes d'opinion donnent en effet le binôme Luis Arce - David Choquehuanca largement en tête au premier tour, suivi par l'ancien président néolibéral Carlos Mesa, le leader réactionnaire évangélique Luis Fernando Camacho et divers petits candidats de droite. Selon la loi bolivienne, un candidat peut l'emporter au premier tour s'il obtient plus de 50% des voix, ou plus de 40% et une différence de 10 points sur le second.

Le jeu reste donc ouvert, d'autant plus que 19% des sondés indiquent ne pas encore avoir fait leur choix, et il n'est pas à exclure que Luis Arce puisse l'emporter au premier tour. L'enjeu prioritaire pour la droite est d'empêcher ce scénario et d'obtenir un second tour, lors duquel Carlos Mesa aurait de grandes chances de l'emporter.Bolivie-LuchoArce.jpg

Bien qu'actuellement divisée, la droite pourrait ainsi s'unir tout ou en partie autour du mot d'ordre «faire barrage à la gauche», comme en témoigne le retrait d'Áñez et la rumeur de la possibilité de celui de l'ancien président Jorge Quiroga (autour de 2% dans les sondages).

Dans leur stratégie pour assurer leur reconquête du pouvoir politique et la destruction des conquêtes sociales, les secteurs réactionnaires continuent également à user des armes qui avaient assuré le succès du coup d’État en 2019: la répression, la criminalisation et la calomnie.

Dans un récent rapport, la Défenseure du peuple, Nadia Cruz, pointe certaines des principales atteintes aux droits depuis le coup d’État: «polarisation politique fondée sur des postures radicales et conservatrices; faits de discrimination et de racisme; atteintes au principe de laïcité, matérialisée par l'imposition de l'usage de la Bible comme élément central de l’État; attaques contre des personnes et organisations autochtones originaires paysannes; atteinte à la wiphala en tant que symbole représentatif des nations et peuples autochtones, originaires et paysans et de la plurinationalité; ainsi que répression policière et militaire contre des manifestants s'auto-identifiant avec une nation et un peuple autochtone originaire paysan».

La persécution judiciaire et gouvernementale contre les dirigeants du MAS continue. Evo Morales, réfugié en Argentine, est ainsi poursuivi pour «terrorisme, financement du terrorisme et sédition», et le gouvernement de facto a annoncé lancer une procédure à l'encontre de Luis Arce pour «enrichissement illicite».

Sur le plan extérieur, le ministre de l'intérieur de facto Arturo Murillo, a effectué une visite aux États-Unis fin septembre, lors de laquelle il a rencontré le Département d’État et Luis Almagro. Le tristement célèbre secrétaire général de l'OEA avait joué un rôle déterminant durant le coup d’État en remettant en cause, très rapidement et sans preuve, la légitimité du scrutin qui avait vu la réélection d'Evo Morales. Malgré la preuve de la fausseté de ces accusations, le chef de la mission électorale de l'OEA, Manuel González, sera de retour en Bolivie pour le 16 octobre.

Dans ce contexte, de sérieux doutes existent quant au déroulement du scrutin à venir. C'est pourquoi, à la demande du MAS, le PCF participera à la mission d'observation des élections par l'envoi d'une représentante. Le PCF réaffirme ainsi son plein soutien au MAS et aux forces de gauche et démocratiques boliviennes, qui mènent une lutte difficile pour la récupération de la démocratie, de l’indépendance et du progrès social.

 

Cyril BENOIT
membre du collectif Amérique Latine du PCF