La Corse a un besoin urgent de justice sociale, pas d’un reflux de la solidarité nationale

Publié le 18 mars 2024

Ce 11 mars, le ministre de l’Intérieur, au nom du président de la République, et une délégation de la Collectivité de Corse ont fini de s’accorder sur une « écriture constitutionnelle » visant à modifier le statut de ce territoire. Un « statut d’autonomie » lui serait reconnu dans la Loi fondamentale, tenant compte de « ses intérêts propres liés à une insularité méditerranéenne, à sa communauté historique, linguistique, culturelle ayant développé un lien singulier à sa terre ».

Il en découlerait un projet de loi organique prévoyant un « pouvoir d’adaptation » des normes législatives et réglementaires de la République, ainsi qu’un « pouvoir normatif propre ».

La spécificité de la Corse est une réalité et nous la soutenons. Elle est issue de son insularité, née de sa culture propre, et de sa longue histoire, forgée dans la construction de la République (dont la Corse est cofondatrice, depuis le 30 novembre 1789 dans l’esprit même des Lumières et de Pascal Paoli jusqu’à l’insurrection patriotique du 9 septembre 1943 qui se fixait pour objectif de libérer « un premier morceau de France »). Les communistes de Corse, de la Résistance jusqu’à leur engagement dans les collectivités corses ont largement contribué à faire vivre la spécificité corse et continuent de le faire aujourd’hui. Ils ont été à l’origine de l’apprentissage de langue corse dans les écoles publiques, comme ils ont été à la pointe du combat pour protéger le littoral de la bétonisation et de la spéculation immobilière. Ils sont toujours là, aussi, pour promouvoir des services publics efficaces en matière de santé ou d’Éducation nationale, et pour protéger l’île de l’inflation et des monopoles patronaux.

Les gouvernements ont fait le choix, ces dernières années, d’inscrire quatre réformes institutionnelles en quelques années, pour doter le territoire de compétences fortes dans des domaines essentiels pour la vie de nos compatriotes de Corse. Est-ce que cela a changé la vie quotidienne des Corses ?

La Corse se retrouve à chaque fois dans le haut du tableau des tristes records : pauvreté, chômage, inflation, déserts médicaux, logement, transports… C’est le fruit des politiques libérales, faites de désengagement massif de l’État envers ses services publics, d’absence de propositions d’avenir construites avec les élus et les forces vives de l’île.

Les dernières annonces du gouvernement n’apporteront pas de réponses à ces questions. Elles peuvent, de plus, conduire à briser l’unité et l’indivisibilité de la République, car la loi organique prévoit de transférer les compétences législatives et fiscales à la collectivité.

L’égalité entre les citoyennes et les citoyens est inséparable de l’existence de lois nationales garantissant à tous et toutes l’accès aux mêmes droits fondamentaux et aux mêmes règles fiscales. La solidarité entre régions métropolitaines découle elle-même des mécanismes en vigueur de péréquation et de redistribution de la richesse nationale. Remettre en cause ces principes menacerait donc de creuser les inégalités et d’entraîner dans une compétition violente les populations sur l’ensemble du territoire national, aggravant de ce fait les logiques néolibérales dont les Françaises et les Français souffrent depuis trop longtemps.

La Corse a aujourd’hui surtout besoin de justice sociale, pas d’un reflux de la solidarité nationale qui la rendrait plus dure à vivre pour l’immense majorité de ses habitants. L’urgence est d’abord au blocage des prix, à l’augmentation des salaires, à un soutien massif à l’Éducation nationale et à la santé, au lancement d’un vaste plan de construction de logements sociaux et au respect de la loi SRU, à un soutien massif au développement des services publics. Elle appelle au renforcement de la solidarité nationale, en veillant à ce que celle-ci, comme c’est le cas avec les réfactions de TVA, ne soit pas accaparée par les principaux acteurs économiques, regroupés au sein du Consortium des patrons corses qui contrôlent des secteurs névralgiques de l’île, tels que les transports, la grande distribution, ou le BTP.

Les questions soulevées par l’accord du 11 mars ne sauraient être évacuées par la procédure parlementaire à la hussarde que semblent souhaiter Emmanuel Macron et son gouvernement. Elles doivent faire l’objet d’un débat de toute la nation.

Les Corses, en premier lieu, doivent pouvoir se prononcer par référendum sur une réforme qui prétend répondre à leurs attentes. Plus généralement, les Françaises et les Français dans leur ensemble ne peuvent être tenus dans l’ignorance des conséquences possibles de dispositions qui pourraient lourdement impacter l’avenir de leur République. Déjà, s’engouffrant dans la brèche ouverte, des présidents de région revendiquent d’être à leur tour bénéficiaires de changements institutionnels du même type.

Nous ne voulons pas que la Corse serve ainsi à l’expérimentation d’une dynamique de fédéralisation du pays, débouchant sur la mise en concurrence des régions françaises appelées à s’insérer dans une Europe des régions, représenterait une régression démocratique et sociale sans précédent. Dans le contexte d’une globalisation capitaliste cupide, elle s’opérerait inévitablement, en France aussi, au détriment des régions les plus pauvres et les moins compétitives, à commencer par la Corse.

Le Parti communiste français entend, par les propositions qu’il portera dans le débat public, contribuer à cette indispensable mobilisation citoyenne pour que la République reste la République.

Parti communiste français,

Le 18 mars 2024.