De retour de délégation d’observation en Turquie 

Le PCF, en lien avec nos camarades du HDP, a envoyé une délégation d’observation à l’occasion des élections présidentielle et législatives qui se sont tenues en Turquie dimanche 14 mai. Ils se sont rendus à Kars. Voici leur compte-rendu. 

Kars est une ville d’Anatolie orientale, aux portes du Kurdistan, composée de 80 000 habitants. Sa région compte 260 000 habitants. Une des membres de notre délégation était déjà venue à Kars en 2015 pour les mêmes raisons, ce qui nous a permis de voir les différences et les changements en 8 ans. 

Nous sommes partis avec l’espoir que Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir en Turquie depuis 2003, puisse être enfin battu.

Nous sommes arrivés dans une Turquie en crise : crise économique, alors que le pays a connu sa plus forte inflation à l’automne 2022, crise suite au séisme de février dernier où au moins 50 000 personnes sont mortes, crise démocratique où les opposants sont pourchassés, souvent enfermés, toujours menacés. Nous y allions aussi en pensant à tous nos camarades, en France et dans le monde, originaires de Turquie ou du Kurdistan et qui ne peuvent plus revenir, au risque de leurs vies. 

Nous avons été reçus par le HDP, particulièrement dans le viseur de Erdogan, qui est menacé d’interdiction. Face à ce risque, ils ont dû, aux élections législatives, s’allier avec le Parti de la gauche verte sous le sigle du «Yesil Sol Parti». 

Pour l’élection présidentielle, un large rassemblement autour du CHP (parti social-démocrate) et de son candidat Kemal kilicdaroglu s’est organisé pour se donner le plus de chances de battre Erdogan.

Lors de ce week-end, nous avons pu rencontrer les trois candidats aux législatives du Yesil Sol Parti et celui du CHP à Kars. Ils nous ont confirmé l’importance de cette élection et l’urgence démocratique de battre Erdogan. Ainsi que pour le HDP l’espoir de la libération de leurs camarades et des maires emprisonnés, et celui de pouvoir militer pour leurs idées sans avoir la peur au ventre.

Cette élection est aussi l’espoir de sortir de l’économie de guerre dans laquelle Erdogan les a mis au détriment de la population.

Comparées aux dernières élections où une délégation du Parti était venue, les élections ont paru moins tendues. Même si dans la région de Kars aucun incident ne nous a été signalé, des affrontements ont eu lieu lors des meetings ainsi que des arrestations pendant la campagne. Les partis de gauche avaient ici organisé la sécurité dans les bureaux et empêché la fraude avec notamment vingt avocats. Néanmoins, ils nous ont dit hier qu’ils estimaient la fraude aux alentours d’1,5 %.

Nous avons pu constater une forte mobilisation de la population. Par exemple à Dagpınar, ville où le maire HDP a été destitué par Erdogan, les habitants refusaient de quitter les bureaux de vote après avoir voté malgré la présence des militaires et de la police à l’intérieur du bureau de vote.

Hélas, à l’heure où nous écrivons ces quelques lignes dans le vol qui nous ramène, 12 h après la clôture du vote, l’ensemble des bulletins ne sont pas encore comptabilisés. À cette heure, Erdogan est en tête de l’élection présidentielle. Une tendance se dégage cependant : un second tour sera organisé le 28 mai. Aux élections législatives, le parti du président Erdogan, l’AKP, bien qu’il recule tant en pourcentage qu’en nombre de députés, garde une majorité grâce à son alliance avec le mouvement d’extrême droite, le MHP. Quant à la gauche, elle progresse un petit peu, mais ce progrès profite essentiellement au social-démocrate CHP.

Deux longues semaines de campagne attendent encore nos amis turcs. Nous leur souhaitons bon courage !

Elie Joussellin, Flore Munck, Raphaëlle Primet