Débat « Cent ans de luttes », intervention de Vincent Boulet à la Fête d'Avante

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Chers camarades,

J’apporte le salut fraternel des communistes français au PCP à l’occasion de cette 45e Fête d’Avante, ainsi que nos plus chaleureuses félicitations pour votre centenaire. Les liens de solidarité entre le PCF et le PCP sont anciens et solides ; ils remontent au temps de la dictature et du fascisme, au temps de la résistance du peuple portugais contre la dictature.

Les cent ans de luttes, ce sont cent ans de luttes des peuples et des travailleurs contre la domination du capital, contre le fascisme et pour la démocratie et la souveraineté populaire, contre les inégalités et les discriminations et pour l’égalité pour toutes et tous, contre les dominations impérialistes et le colonialisme. Les communistes ont toujours été au premier rang de ces luttes. Beaucoup l’ont payé du prix de leur vie, de leur liberté, ou de l’exil.

Ces cent ans de luttes puisent eux-mêmes leurs racines dans l’élan universel de la Grande Révolution française de 1789 et dans « l’espoir mis en chantier » que fut la Commune de Paris.

Cela rend d’autant plus honteuse la résolution du Parlement européen de septembre 2019 qui ose renvoyer dos à dos communisme et nazisme. C’est une insulte à toutes celles et tous ceux qui ont lutté pour la justice sociale, pour la démocratie, pour la paix, pour l’égalité, pour la libération des peuples. C’est une insulte à la résistance des communistes, des progressistes, des démocrates, des peuples d’Europe et des peuples soviétiques contre le fascisme. C’est également chercher à jeter l’opprobre sur toutes les luttes présentes et à venir, sur toute perspective politique de rupture sociale et démocratique contre l’ordre capitaliste établi.

Les cent ans de luttes ne sont pas seulement un objet d’histoire. C’est un enjeu politique, pour le présent, et pour l’avenir, dans le contexte des grandes confrontations actuelles et à venir.

Depuis plus d’un an, nous sommes confrontés à une terrible épreuve. Il y a celles et ceux qui y font face en donnant le meilleur d’eux-mêmes. Et il y a ceux qui en tirent profit. Le capitalisme a démontré une nouvelle fois son incapacité à apporter des réponses à la hauteur des enjeux humains. L’extrême gravité de la crise climatique qui s’est tragiquement manifestée cet été dans plusieurs pays européens montre l’ampleur du défi de civilisation auquel est directement et immédiatement confrontée toute l’humanité.

Je l’illustrerai en disant quelques mots de la situation française. La crise française est profonde et multiforme. On peut parler de crise de la nation française, qui réfracte et renforce les éléments de la crise générale. J’évoquerai rapidement trois éléments :

Premièrement, la politique du président français Emmanuel Macron renforce l’offensive du capital. Il utilise pour ce faire une méthode autoritaire qu’illustrent la répression accrue contre les mouvements sociaux et la marginalisation des instances délibérantes, du Parlement, des syndicats…. Son objectif est clair : mettre la France aux normes de la mondialisation capitaliste en détruisant l’ensemble des conquêtes sociales que le peuple français a réalisées dans la suite de la Résistance contre le fascisme et de la Libération de 1944. Cela a une conséquence très concrète : alors que les taux de marge des entreprises n’ont jamais été aussi élevés depuis 1949, un Français sur cinq est confronté à la pauvreté.

Cela accélère la délégitimation de toutes les formes de représentation et de tous les repères qui ordonnaient auparavant les confrontations politiques et idéologiques dans notre pays, doublée d’une individualisation grandissante et de recul des solidarités entretenus par l’idéologie néolibérale. On peut voir les effets de cet éclatement de la société française dans l’importance de l’abstention, qui atteint désormais les deux tiers de l’électorat. Le fait que les classes dominantes n’aient pas respecté le choix majoritaire du peuple français lors du référendum de 2005 contre la constitution libérale de l’UE, entre autres, a laissé des traces durables.

Enfin, l’alignement atlantiste de la politique internationale de la France, notamment depuis le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, enlève au pays toute possibilité d’occuper une place particulière dans le monde.

L’ensemble de ces éléments favorisent la montée des courants d’extrême-droite, xénophobes et autoritaires en France, qui affichent leurs ambitions pour les élections présidentielles et législatives qui auront lieu au printemps 2022. Ces courants sont aujourd’hui en capacité d’imposer leurs termes au débat politique.

Face à la crise de la mondialisation capitaliste, face à l’exacerbation des concurrences inter-impérialistes, face à la montée des courants réactionnaires et xénophobes, face à la crise climatique, les communistes et les progressistes ont une responsabilité particulière pour faire bouger les lignes pour ouvrir des brèches dans la domination du capital et pour construire un autre ordre du monde de peuples souverains et associés.

Le point crucial en France est la reconquête des classes populaires comme base d’une nouvelle majorité.

Dans ce contexte, le PCF souligne la nécessité d’avancer vers un Front Populaire du 21e siècle pour reconstruire la gauche en France dont le niveau, à 25% de l’électorat, est dramatiquement faible. Le Front Populaire français de 1936, construit pour faire face au fascisme, ne réunissait pas seulement les organisations politiques, mais également les forces syndicales et du mouvement social.

Avec ses militants, ses deux groupes parlementaires, ses élus locaux (et un doublement du nombre de conseillers régionaux communistes aux élections régionales de juin 2021), le PCF a décidé de porter la candidature de son secrétaire national, Fabien Roussel, à l’élection présidentielle et de proposer à l’ensemble de la gauche un pacte d’engagements communs pour les élections législatives.

Le PCF propose un pacte pour la France. Un pacte pour affronter la finance et s’attaquer à l’évasion fiscale, un pacte pour en finir avec le chômage en sécurisant les parcours professionnels, en produisant en France par la relance de filières industrielles, un pacte pour le pouvoir d’achat et les services publics, un pacte pour la jeunesse et l’éducation.

Pour cela il est nécessaire de prendre le pouvoir sur la finance, de lutter réellement contre l’évasion fiscale. Cela implique de remettre en cause avec les traités européens et les règles européennes pour construire de nouvelles coopérations en Europe entre peuples et nations souveraines dans leurs choix démocratiques de développement et associées dans les grands enjeux sociaux, climatiques et de paix qui s’imposent au continent. Ce n’est pas dans la farce que fut le « sommet social » de Porto qu’une quelconque alternative réelle pourra émerger.

Enfin, pour retrouver une voie forte et indépendante dans le monde, la France doit rompre avec l’OTAN et proposer aux peuples européens et au-delà des frontières de l’UE de constituer un espace commun de paix, de sécurité collective et de coopération.

Je vous remercie.