Élections allemandes : le temps des incertitudes

Les élections au Bundestag n’ont pas seulement marqué la fin de l’ère Merkel, elles ouvrent une nouvelle période de l’histoire politique de l’Allemagne avec un paysage politique inédit, source de nombreuses incertitudes.

Le temps de la domination de deux grands partis qui ont regroupé à eux deux plus de 75 % de l’électorat pendant des décennies semble définitivement révolu : en 2021, SPD et CDU n’atteignent pas les 50 %, et s’ils veulent mettre fin à leur « grande coalition », ils seront obligés d’établir une coalition à 3 partis, ce qui n’a jamais été le cas depuis la fondation de la République fédérale en 1949.

Le SPD arrive légèrement en tête et revendique le poste de chancelier, mais il devra s’entendre avec les Verts et les libéraux du FDP, lesquels peuvent également s’allier avec la CDU pour constituer la nouvelle majorité. Ainsi, les Verts, qui font moins bien que ne leur attribuaient les sondages, et le FDP qui a su séduire un électorat jeune, ont acquis un poids politique plus important que leur poids électoral ; cependant ces deux partis voués à gouverner ensemble ne sont guère d’accord entre eux : pour aller vite, les Verts veulent réguler l’économie, le FDP souhaite déréguler. Ils ont donc décidé de d’abord discuter entre eux avant de se tourner vers le SPD et la CDU, là encore une situation inédite.

Quoi qu’il ressorte des longues tractations à venir pour former le gouvernement et malgré les incertitudes quant à sa composition, une chose est sûre : il n’y aura pas d’inflexion majeure dans la politique du pays, les forces en présence pouvant se neutraliser et empêcher des orientations trop marquées dans un sens ou dans un autre. L’immobilisme reproché à la grande coalition sortante risque de se perpétuer…

Le nouveau Bundestag comptera comme l’ancien six groupes parlementaires : l’AfD populiste perd en influence mais s’établit durablement dans le paysage politique, notamment à l’est de l’Allemagne. Quant à Die Linke, elle parvient à sauver sa représentation parlementaire sans avoir atteint les 5 % nécessaires, car elle a obtenu 3 mandats directs à Berlin et Leipzig, ce qui lève la clause des 5 %.

Il n’en reste pas moins que les résultats sont désastreux pour Die Linke qui perd plus de deux millions de voix, soit près de la moitié de son électorat de 2017. Elle n’a pas été en mesure d’imposer auprès des électeurs ses thèmes primordiaux de la justice sociale, de la restructuration socio-écologique, de la défense des services publics et de la paix. Une partie de son électorat a sans doute été sensible à l’appel au « vote utile » en faveur du SPD, mais Die Linke elle-même se remet en cause pour ne pas avoir su ouvrir des perspectives politiques convaincantes. À noter qu’à Berlin, Die Linke, qui a été en pointe dans la lutte pour le logement et qui a soutenu le référendum victorieux visant à exproprier les sociétés immobilières, a réussi à maintenir son influence électorale. Il revient maintenant à Die Linke de tirer toutes les leçons de ce scrutin où elle a évité le pire de justesse. Il lui faudra démontrer son utilité pour regagner en influence et peser sur la politique allemande.

Partis

%

Sièges

SPD 25,7 (+5,3) 206
CDU / CSU 24,1 (-8,8) 196
GRÜNE (VERTS) 14,8 (+5,7) 118
FDP 11,5 (+0,8) 92
AfD Aternative für Deutschland 10,3 (-2,2) 83
DIE LINKE 4,9 (-4,3) 39
Autres 8,7 (+3,5) ---

Taux de participation : 76,6 % (+ 0,4 %) 734 sièges. Majorité absolue : 368

Alain Rouy
commission des Relations internationales du PCF