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Après deux années de guerre en Éthiopie, un accord de cessation des hostilités a été signé en Afrique du Sud sous l'égide de l'Union africaine entre le gouvernement fédéral et les Tigréens.

Certes, comme tout accord de ce genre, la prudence est de mise. Mais réjouissons-nous de ce premier pas et nous souhaiterions qu'il en fût de même ailleurs.

Notons que cet accord de cessez-le-feu a été construit par les Africains eux-mêmes. Un des conflits actuel les plus meurtriers au monde, largement ignoré des grands médias français.

Pourtant, ce conflit a engendré, selon les organisations internationales, plus de 500 000 morts civils, 200 000 morts militaires, des milliers de femmes violées, deux millions de personnes déplacées, des enfants sans école, des infrastructures et services publics détruits.

La population du Nord de l’Éthiopie souffre de plus en plus de la faim et de l'absence de soins.

Comme le souligne le responsable de l'Union africaine qui supervisait le dialogue de Prétoria : « ce n'est pas la fin du processus de paix mais le début de la mise en œuvre de l'accord de paix signé aujourd'hui est essentiel ».

En effet, il faudra beaucoup de volonté politique, de sagesse, de confiance entre les deux parties pour faire taire définitivement les armes.

Je pense, en particulier, au retrait indispensable de l'armée du dictateur érythréen du Nord de l’Éthiopie.

Il conviendra d'entreprendre les réparations humaines et psychologiques pour réaliser une véritable réconciliation, juger et punir celles et ceux qui ont commis, comme le souligne l'ONU, « des crimes d'atrocité ». Rien ne peut être laissé dans l'oubli si on veut éviter que s'installe un esprit de vengeance.

Notons que cet accord prévoit la garantie de l'unité du pays et son armée nationale dans le cadre de la constitution. A l'extérieur, certains agissaient, notamment aux États-Unis, pour la « balkanisation » de l’Éthiopie, ce qui aurait été redoutable pour la stabilité de la corne de l'Afrique. La crainte de l'éclatement du pays semble être aujourd'hui écartée.

Le secrétaire général de l'ONU a salué cet accord en indiquant : « Nous allons examiner les détails mais c'est une première étape qui pourra commencer à apporter du réconfort aux milliers de civils éthiopiens qui souffraient terriblement de ce conflit ».

Aujourd'hui, l'heure est à la poursuite de la construction de la nation éthiopienne commencée depuis vingt siècles. Une mosaïque qu'il faut patiemment unifier tant du point de vue du bien-être que du point de vue politique.

Pour son bien-être, l’Éthiopie va pouvoir bénéficier de l'électricité (la moitié de la population n'y a pas accès) produite par le barrage Renaissance construit sur le Nil Bleu. D'autres pays de la région pourraient en profiter.

Cette nouvelle situation politique devrait apporter un peu de tranquillité sur le continent souffrant d'autres conflits et aider les pays de la corne de l'Afrique à trouver partout des réponses démocratiques auxquelles les peuples aspirent.

L’Éthiopie aura besoin de toute l'aide internationale, en particulier l'aide financière sous forme principalement de subventions et non de prêts ou d'ajustements structurels chers au FMI. Une réaffectation accrue des droits de tirage spéciaux (DTS) non utilisés par les pays riches peut être également une piste sérieuse en la matière.

L’Éthiopie doit se regarder et être regardée non comme un pays demandant l’aumône mais comme un pays qui par son histoire, la diversité de sa population, ses richesses, sa position géographique, siège de l'Union africaine peut participer à ce grand défi planétaire pour construire une sécurité humaine globale sur terre. Sécurité qui peut s’appuyer sur les objectifs du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ratifié par 171 États depuis septembre 2021.

Cette guerre a été une meurtrissure pour les populations d’Éthiopie. Une anormalité monstrueuse en complet décalage avec les espoirs et les défis de notre époque. Malgré les haines et les violences accumulées depuis deux ans, la paix a réussi à se frayer un chemin. Parmi les raisons il y en a une qui sonne comme une évidence : il n’y a pas de solutions militaires. C’est la politique et la diplomatie qui ont pu prendre le dessus sur les logiques de guerre fratricide.

Ce qu’il a été possible de faire et d’obtenir en Éthiopie n’a pas été plus simple qu’ailleurs. Que cela serve de leçon pour la guerre en Ukraine qui est tout aussi désastreuse et se prolonge parce que des forces le décident, des deux côtés. Des forces se nourrissant de nationalisme, de haines, d’envie d’en découdre, et poursuivant des objectifs moins avouables d’intérêts stratégiques et de profits considérables.

La guerre est une bonne affaire et sa poursuite également. Sans oublier le moins du monde qu’il y a un agresseur qui a déclenché les hostilités, dans un contexte miné de part et d’autre, constatons aujourd’hui que l’enfermement des protagonistes dans cette logique d’escalade est une impasse. Les peuples que l’on voudrait cantonner au rôle de spectateurs, doivent donc s’immiscer pour rappeler qu’il n’y aura pas d’issue militaire à ce désastre humain. Seules la diplomatie et la raison pourront faire taire les armes et apporter paix et sécurité en Ukraine et pour toute l’Europe. Peut-être que l’exemple de l’Union africaine pourrait inciter à agir en ce sens.

Daniel Feurtet
membre du collectif Afrique du PCF
membre de la commission des relations internationales