Forum européen – Une autre utilisation de l’argent pour lutter contre la logique libérale-capitaliste de l’UE au cœur des débats du forum européen

La séance d’ouverture du forum européen, le 8 novembre dernier, est largement revenue sur l’urgence d’une autre utilisation de l’argent pour lutter contre la domination du capital en Europe et pour ouvrir des brèches dans la construction capitaliste de l’UE.

La semaine passée fut marquée par deux évènements importants de ce point de vue. L’ « accord », présenté comme « historique », entre le Conseil et le Parlement européen, se solde par l’ajout de 16 milliards au budget pluriannuel de l’UE pour les années 2021-2027. Cela demeure insuffisant par rapport à l’ampleur de la crise européenne, sanitaire, économique et sociale. Les fonds alloués pour la santé avaient été quasiment supprimés du budget de l’UE et transférés dans le programme de « relance » de 750 milliards d’euros, limité dans le temps, par la décision du Conseil européen du 20 juillet dernier. La nouvelle mouture adoptée la semaine dernière alloue seulement, au total, et pour six ans, la somme de 5 milliards d’euros à la santé, contre les 9,4 milliards qui figuraient dans la toute première proposition. L’accord soi-disant « historique » se traduit donc par une division par deux du budget européen sur la santé et reste dans la logique initiale d’un budget de l’UE adossé à un plan de relance gravement sous-dimensionné, et financé en grande partie par un endettement remboursable sur les marchés financiers. Les demandes formulées, par exemple, par le gouvernement espagnol en avril dernier, d’un plan de relance chiffré à 1 500 milliards et financé par de la dette perpétuelle, donc non remboursée, demeurent lettre morte.

Cet « accord » a été précédé par un appel commun, passé inaperçu, de trois gouvernements, les Pays-Bas, la Suède et la Roumanie, à constituer une nouvelle institution de l’UE, une « structure permanente de coordination de crise » dont l’objectif n’est pas de répondre aux besoins des peuples mais d’empêcher « des ruptures du Marché unique », c’est-à-dire de protéger la sacro-sainte règle capitaliste de la concurrence libre au sein de l’UE. Cette proposition provient de gouvernements qui s’opposent à l’émission de dettes communes à l’UE et qui cherchent à en proposer une alternative.

Ces deux évènements illustrent à la fois l’absence de projet commun des bourgeoisies européennes pour sortir de la crise européenne et la volonté de protéger, voire de relancer, l’intégration capitaliste européenne, par des biais contradictoires. Entre E. Macron qui cherche à faire du plan de « relance » une ébauche de la « souveraineté européenne » et qui prépare une conférence européenne fin 2021 dans l’espoir de lancer le processus d’un nouveau traité européen, A. Merkel et la bourgeoisie allemande qui cherchent à éviter l’effondrement de la zone Euro et qui sont contraints à des bouger tactiques et, espèrent-ils, temporaires, un ensemble de bourgeoisies au nord du continent qui veulent à tout prix défendre le libre-échange, des gouvernements d’Europe de l’Est qui piétinent en même temps les droits fondamentaux, et les pays du sud, dont la crise renforce le caractère périphérique, les divergences s’accentuent dans les classes dirigeantes européennes. Mais elles se retrouvent sur la nécessité de maintenir la domination du capital sur l’Europe et la logique néolibérale de la construction européenne, représentée par les traités européens, l’indépendance et les missions de la BCE, les règles de surveillance budgétaires, qui sont atténuées mais maintenues, et le carcan de la dette publique. La question de l’utilisation de l’argent, qu’il procède de l’UE ou de la BCE, celle de la dette publique, et celle de la lutte contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux sont plus centrales que jamais. La fraude et l’évasion fiscale représentent en Europe une somme bien supérieure au plan de « relance » de l’UE. Tout comme est centrale la nécessité du contrôle démocratique, par les peuples et des nations, sur l’argent, pour le réorienter des banques aux citoyens, vers la santé, l’emploi et les services publics. C’est une bataille centrale de rapports de force de classes en Europe. 

Le 4e forum européen des forces de gauche, progressistes et écologistes a vocation à poser ses questions centrales et à travailler à des initiatives communes montrant qu’il est possible de changer de logique, d’ouvrir des brèches dans la construction libérale-capitaliste européenne en associant la question sociale, la question écologique et la question de l’exercice de la souveraineté démocratique des peuples et des nations, et de faire bouger les rapports de force.

Un débat sera donc important dans le calendrier : le 26 novembre, de 18 h à 20 h, sur « Quel nouveau modèle de production et de travail face à l’explosion du chômage ? » avec la participation de Fabien Roussel.

Le programme complet est à retrouver et les inscriptions se font sur le site du forum : https://europeanforum.eu/ 

Vincent Boulet
responsable Europe du PCF
membre de la commission Internationale