Irak : Un voyage du pape François sous le signe de l’espoir et de la réconciliation

visuel_pape-ayatollah.jpg

Le pape François a effectué un voyage en Irak du 5 au 8 mars. Sous les auspices de la solidarité et de l’espoir, il a souhaité s’adresser à une communauté chrétienne meurtrie et décimée mais aussi à l’ensemble de la population irakienne.

Ce déplacement a été marqué par deux sommets interreligieux de toute première importance. Celui d’Ur réunissait les communautés musulmanes, chrétiennes, yézidies, zoroastriennes et sabéennes. La rencontre entre le pape François et l’ayatollah Ali Sistani fut un événement sans précédent puisqu’elle a permis de réunir les plus hauts dignitaires du christianisme et du chiisme. De manière convergente, ils ont défendu la liberté de conscience et la liberté religieuse. Tous deux ont promu l’exigence de tolérance, de justice, de vivre-ensemble, de liberté de circulation des migrants et de citoyenneté. Ils ont dénoncé la corruption, les abus de pouvoir, toutes les formes d’oppression et la pauvreté. Fermement, ils ont rappelé les droits des minorités et ont dénoncé les tentatives de génocide à l’égard de la communauté yézidie lors de l’offensive de Daesh. Le pape François a rappelé que « Personne ne doit être considéré comme un citoyen de seconde zone ». Enfin, tous deux se sont insurgés contre le terrorisme et les pourvoyeurs d’armes : « Assez de violence, que les armes se taisent ».Contre ceux qui attisent les braises de la guerre des civilisations, ils ont répondu par le dialogue œcuménique, la réconciliation et la concorde. Ces prises de position constituent un précieux relais pour tous ceux qui se battent en faveur de ces valeurs.

Cette rencontre entre le pape François et l’ayatollah Ali Sistanine fut cependant pas sans conséquences politiques. Elle pourrait se traduire par une déclaration commune. Par ailleurs, elle déstabilise le rapport de force dans le champ chiite au détriment de celui incarné par le guide suprême iranien Ali Khamenei. Ce programme comportait une faille avec l’absence de rencontres avec des personnalités sunnites, marginalisées depuis 2003. Le document commun ratifié entre le Vatican et l’université sunnite d’Al-Azhar (2019) n’occultera pas leur sentiment d’exclusion pouvant participer au retour de Daesh. Enfin, le pape François, en dirigeant une messe à Erbil, s’est positionné aux côtés du gouvernement général du Kurdistan dont les relations avec Bagdad ne cessent de s’envenimer.

Centré sur la réconciliation, le pape François a pu mesurer, dès son arrivée, l’ampleur des traumatismes qui fracturent cette société et le caractère monumental des enjeux. Ce pays est miné par la corruption, le confessionnalisme, la menace de groupes armés, le terrorisme qui revient en force, les ingérences turques et iraniennes qui empêchent l’Irak de retrouver sa souveraineté. L’État en situation de faillite mène une politique favorable à la communauté chiite. Il s’avère incapable de représenter les différentes communautés qui se replient sur le registre de l’appartenance religieuse même si les Irakiens, attachés à l’unité nationale, refusent de se recroqueviller sur des identités infranationales. Un puissant mouvement social qui affecte le pays depuis 2015 porte ces revendications de justice, de dignité et de liberté.

Si les Irakiens ont accueilli avec beaucoup de fierté le pape François, cette visite ne va pas changer le fait que le pays est en proie à la guerre, à la violence et que tout le travail reste à faire. Ces prises de position symboliques peuvent donner une impulsion qui ne portera ses fruits qu’avec une implication de la communauté internationale, un processus de reconstruction et de réconciliation nationale, le renforcement de l’État de droit et de la démocratie.

Pascal Torre
responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient