La levée en masse du peuple indien contre Modi

Depuis près de deux mois, rassemblements, manifestations et autres actions pacifiques se multiplient contre l’amendement sur la loi sur la citoyenneté adopté par les deux chambres du Parlement indien le 11 décembre dernier.

Le texte a modifié la loi sur la nationalité de 1955 (Citizenship Amendment Bill, CAA) en légalisant l’octroi de la nationalité indienne sur la base de l’appartenance religieuse d’un individu, démantelant les fondements démocratiques laïques de la République de l’Inde et portant atteinte par là même à la Constitution. Cette loi discriminante exclut de la naturalisation les immigrés de confession musulmane.

Face aux protestations, la police a déclenché une répression brutale, portant à près de trente le nombre de manifestants tués, tous dans des États gouvernés par le BJP, Bharatiya Janata Party de Nahendra Modi, national-libéral actuellement au pouvoir.

Les étudiants fortement mobilisés ont été particulièrement touchés par la répression. Les universités Jamia Millia, Jawaharlal Nehru et d’Aligarh ont été vandalisées. Le 5 janvier, des individus masqués et armés ont saccagé l’université Nehru de New Delhi et attaqué brutalement les étudiants et les enseignants sous le regard indifférent de la police.

Déjà visée par cette loi, la minorité musulmane indienne l’est aussi par le registre national des citoyens (NRC). À partir du 1er avril et jusqu’au 30 septembre 2020 aura lieu le processus de recensement qui sera la base du nouveau registre national. Testé l’année dernière dans l’État de l’Assam, il a privé de la nationalité indienne 1,9 million d’habitants, principalement des musulmans. Chaque Indien devra prouver qu’il est entré en Inde avant 1971, date à laquelle le Bangladesh a acquis son indépendance. Or nombre d’Indiens sont dépourvus de tout document. Plusieurs millions de personnes perdraient ainsi leur nationalité : les musulmans mais aussi des dalits (Intouchables), des transgenres et des membres d’autres communautés marginalisées. Les partis communistes indiens appellent la population à ne pas répondre aux questions du registre national et les États hostiles au BJP à s’opposer au CAA et à la mise en œuvre du recensement.

Dans le même registre, il y a cinq mois, le gouvernement Modi s’en est pris à l’État du Jammu-et-Cachemire, à majorité musulmane, et a mis fin à son autonomie, en supprimant l’article 35 de la Constitution qui interdisait aux non-Cachemiri d’y acquérir des terrains et de travailler dans la fonction publique, en coupant les communications et en emprisonnant la plupart des dirigeants politiques.

Chacune de ces dispositions mises en œuvre par le gouvernement Modi est dans la droite ligne de la doctrine « hindutva », une Inde hindoue, prônée par le BJP et le RSS (Rashtriya Swayamsevak Sangh), organisation ultranationaliste et paramilitaire antimusulmane dont Modi et son ministre de l’Intérieur, Amit Shah, fervent défenseur de cette politique xénophobe, sont issus.

“250 millions d’Indiens en grève pour protester contre la politique économique actuelle”

Narendra Modi, qui a été largement réélu au printemps 2019, ne s’attendait sûrement pas à une telle contestation. D’autant plus qu’au refus des politiques racistes s’ajoutent de fortes mobilisations sociales. Le 8 janvier dernier, 250 millions d’Indiens de tous les secteurs d’activité – transport, éducation, administrations, ouvriers, agriculteurs… – étaient en grève à l’appel de dix des onze syndicats du pays pour protester contre la politique économique actuelle : hausse des prix, augmentation du chômage, fermetures d’usines et licenciements de centaines de milliers de travailleurs et, en parallèle, contre les concessions faites aux riches et la réduction des impôts payées par les sociétés.

Le Parti communiste français, solidaire du mouvement populaire indien de lutte contre la politique raciste et ultra-libérale de Nahendra Modi et la répression policière, apporte son plein soutien aux PCI et PCI-M dont les forces militantes sont largement engagées dans ce combat.

Méline Le Gourriérec
membre de la commission des Relations internationales du PCF