La saga des vaccins : les big pharmas versus la santé publique

La semaine dernière étaient découvertes 29 millions de doses d’AstraZeneca dans un entrepôt italien. S’en est suivi des passes d’armes entre l’UE et le Royaume-Uni ou, devrait-on dire, des larmes de crocodiles de part et d’autre. Cet évènement pourrait constituer le nouvel épisode d’un feuilleton télévisé s’il n’illustrait pas de nouveau l’antagonisme entre les besoins de santé publique et les profits des grandes entreprises pharmaceutiques.

En effet, dans un tour de passe-passe dont les dirigeants européens ont désormais le secret, le scandale des retards dans la campagne de vaccination et la pénurie de vaccins... seraient en fait dû à un problème d’exportation et de guerre commerciale.

Mais revenons un peu en arrière. Depuis plusieurs mois maintenant, l’Union européenne a conclu, dans le plus grand secret, des contrats avec les entreprises pharmaceutiques pour financer la recherche et les capacités de production. Le montant de ces contrats ? On l’ignore, mais il est estimé à 2,1 milliards d’euros. Les garanties dans ces contrats ? Elles sont faibles sinon inexistantes. Alors que se passe-t-il exactement ? Tout simplement, les big pharmas, qui comme toute entreprise capitaliste ont pour objectif principal le profit, jouent la concurrence, font monter les prix et organisent la pénurie.

Dès lors, la seule solution pour sortir de la crise sanitaire n’est pas le nationalisme vaccinal mais bien le développement de la production. Quand bien même demain toute la population européenne serait vaccinée, si les variants continuent à circuler dans le monde le virus et la pandémie seraient toujours là et tout serait à recommencer. Cela, les big pharmas l’ont bien compris et le voient comme une opportunité pour d’avantage de profits encore. Mais de l’autre côté ce sont des vies humaines qui se comptent aujourd’hui par millions (2,5 millions de morts depuis le début de la pandémie).

Le cynisme de la situation se résume bien dans cette question : À combien évaluez-vous une vie humaine ? Autrement dit, combien êtes-vous prêt·e·s à payer pour la sauver ? Des solutions s’imposent pourtant : lever les brevets, mutualiser la production et faire des vaccins et des traitements des biens communs de l’humanité !

En France, le code de la Santé publique et la loi de 2020 autorisent, « si l'intérêt de la santé publique l'exige et à défaut d'accord amiable avec le titulaire du brevet, [...] de soumettre par arrêté au régime de la licence d'office ». La loi du 20 mars 2020 nous permet de réquisitionner les entreprises comme Sanofi à cet effet. Au niveau international, plus de 100 pays menés par l’Inde et l’Afrique du Sud portent cette exigence. Que l’UE et la France arrêtent de les bloquer systématiquement !

La campagne « Pas de profit sur la pandémie » regroupe aujourd’hui plus de 200 organisations au niveau européen, dont plus de 30 au niveau français. Il nous faut encore l’amplifier et construire ce rapport de force pour faire des vaccins et traitements anti-pandémiques des biens communs de l’humanité. Dans la prochaine période, il est essentiel que les élus et les municipalités s’engagent, en soutenant (par des vœux) et en diffusant (dans les médias municipaux, sur les frontons des mairies...) l’initiative citoyenne : https://noprofitonpandemic.eu/fr/ .

Au-delà, il faut sortir la santé des mains du marché. Notre revendication de longue date d’un pôle public du médicament est aujourd’hui largement partagée dans la population et le monde médical. Servons-nous de cette campagne pour mobiliser largement sur ces questions.

Nous ne sommes pas dans une tragédie grecque, la fin n’est pas inéluctable. Alors ensemble sortons de ce mauvais feuilleton que veulent nous vendre nos dirigeants pour faire en sorte que demain notre santé soit un droit et plus jamais une source de profit pour les capitalistes !

Charlotte Balavoine