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Ce dernier numéro du bulletin électronique du secteur international vous présente un vaste, mais non exhaustif, récapitulatif des travaux réalisés en dix ans par ses membres. Près d'une cinquantaine de militantes et militants bénévoles se sont investis au cours de ces années dans le renforcement des relations du PCF avec les forces communistes et de transformation sociale en Europe et sur tous les continents, avec les représentantes et représentants de celles de ces forces en exil en France, avec des responsables associatifs ou d'ONG actrices et acteurs de la solidarité internationale, et dans la représentation du PCF au sein de divers collectifs de solidarité ou cadres de travail internationaliste ponctuels ou réguliers.

Elles et ils ont travaillé à la mise en œuvre des orientations définies par les communistes, ont contribué à l'approfondissement des analyses et propositions, aux prises d'initiatives militantes et parlementaires, à l'expression publique du Parti communiste français en matière de politique de défense et internationale de la France. Qu'elles et ils soient ici toutes et tous chaleureusement remerciés de leur apport, de leur disponibilité, de leur esprit critique tout autant que de fraternité et de solidarité qu'elles et ils ont toujours su faire régner dans le secteur comme avec tous nos interlocuteurs. De nombreux messages parvenus au cours des dernières semaines manifestent de la reconnaissance de cet engagement collectif, de même que des qualités de l'action et de la participation du PCF dans les grands combats internationalistes et pour la paix de notre temps. Je n'en citerai qu'un, celui qui fait sans doute le plus écho à notre fibre internationaliste et au choix fait par chacune et chacun d'entre nous de rejoindre un jour le PCF, de même qu'aux enjeux que les peuples et des forces comme le PCF affrontent au quotidien : « Chère camarade, par ces mots, je veux exprimer, au nom de ma famille, notre gratitude envers vous et envers les camarades français qui se sont engagés fraternellement à nous faire sortir de l'enfer afghan. Je suis fier d'appartenir à ce mouvement qui vise à libérer l'humanité. Nous continuons la lutte au sein de notre parti qui mène le combat dans des conditions terribles » (S.N.A., le 30 janvier 2023).

Le travail réalisé demeure un bien commun précieux, à faire fructifier encore tant les défis auxquels l'humanité et, particulièrement, les forces du travail et de la création font face sont immenses.

Car il ne peut s'agir ni d'un hasard ni d'un effet de simples circonstances que de puissants mouvements sociaux balaient ces mois-ci plusieurs pays à travers le monde. Les exigences de salaires décents, d'accès à une digne protection sociale et aux droits à la retraite en bonne santé, d'investissements publics majeurs dans le système de soins et l'emploi mais aussi de démocratie entrent bien sûr en opposition frontale avec des décisions politiques récentes – comme c'est le cas en France avec le projet d'allongement de l'âge de départ en retraite. Mais il s'agit bien, plus fondamentalement, d'un temps mondial de contestation de l'ordre existant, ouvert depuis que les forces du capital, à la suite de la crise des subprimes de 2008, ont lancé une véritable guerre sociale contre les peuples entraînant une nouvelle phase de la mondialisation capitaliste.

En janvier 20201, nous avions raison de souligner que « si le capital pilote l'actuelle mondialisation avec ses pouvoirs, ses règles, ses modalités, ses institutions, il doit faire face à des résistances, à des mouvements sociaux de plus en plus prégnants. On les retrouve partout ». Depuis le printemps des peuples des années 2010, pas une année ne s'est déroulée – y compris pendant la pandémie de Covid-19 – sans mobilisations populaires. Certaines ont même débouché sur de nouvelles ères politiques nationales, d'autres ont dû faire face à des répressions d'une rare violence, d'autres encore ont été un temps détournées de leurs objectifs initiaux ou ont manqué de perspective politique mais, partout, on a vu « les peuples à la recherche d'idées neuves pour avoir prise sur le monde, sur leur situation et avenir politiques, exigeant un renouvellement profond du politique, une demande de démocratie et une forte expression du social ».

La pandémie de Covid a ensuite constitué un précipité de cette nouvelle phase qu'il faudra continuer d'analyser. L'apparition du Covid-19, au dernier trimestre 2019, et la pandémie qui en résultera dès le début de l'année 2020 a « bouleversé » nos vies.

L'exceptionnelle agressivité d'un virus jusqu'ici inconnu et dont l'origine reste à déterminer avec certitude, ses modes de transmission, l'absence de traitement éprouvé et de vaccin dans un premier temps, son extrême variabilité et résistance expliquent pour leur part l'étendue de la pandémie de Covid-19 dans un monde d'intenses mobilités humaines et échanges commerciaux. Mais, et bien que les gouvernants eussent été bien inspirés d'en tirer quelques enseignements de fond (à commencer par les besoins en matière de santé publique et de recherche sur les coronavirus dont les fonds européens avaient été supprimés quelques années auparavant seulement), la pandémie s'est caractérisée singulièrement des précédents épisodes connus, y compris des plus récents.

D'abord, son échelle : elle a été à proprement parler mondiale, c'est-à-dire que la pandémie et la crise sanitaire qu'elle a générée dans chaque pays et au plan international ont frappé de plein fouet les pays les plus développés, pays du « Nord », pays « occidentaux », qui se croyaient depuis plusieurs décennies à l'abri des épidémies virales du fait de l'existence de systèmes de santé organisés, publics et/ou privés. Or, la pandémie et la crise sanitaire ont révélé au grand jour l'effet général désastreux des logiques strictement financières (baisses des dépenses publiques, privatisations, concurrences commerciales) des politiques économiques imposées depuis plusieurs décennies par les chantres du néo- et de l'ultra-libéralisme, les traités de l'Union européenne et autres « règles d'or », leurs limites devant une épidémie : pas assez de lits en réanimation et limités à quelques milliers pour des populations de dizaines de millions d'habitant-e-s... Ces orientations libérales de tout acabit qui ont relégué à l'arrière-plan les exigences sociales, humaines et écologiques sont en premier lieu comptables de l'incapacité de faire face à la crise sanitaire dans les pays du « Nord ».

Ensuite, la pandémie et la crise sanitaire ont remis en question nos sociétés, le sens même de leur organisation, de leur logique, de leur « philosophie ». D'une part, parce qu'est apparu assez vite que les modes de vie imposés par le capitalisme contemporain (surpoids, « malbouffe » – dominants dans les pays du « Nord », mais aussi fragilité des systèmes respiratoires du fait de la pollution atmosphérique...) élèvent considérablement les risques de morbidité. D'autre part, parce que les recherches sur l'origine du virus ont mis en exergue l'impact sur les écosystèmes de l'intervention humaine dans ses « formes les plus contemporaines de l'expansion mondiale du capitalisme » (autrement dit, l'ère capitalocène) : urbanisation accélérée, densification, agro-business, multiplication des réseaux de communication, particulièrement routiers, au détriment de milliers d'hectares d'espaces naturels, inégalités socio-économiques2.

Enfin, la pandémie et la crise sanitaire ont agi comme un « révélateur3 » de l'état de nos sociétés et du monde dans lequel nous vivons, ainsi que de la nature des logiques dominantes et dynamiques contemporaines des relations internationales. La course au vaccin et le début des campagnes de vaccinations ont, à leur tour, mis en évidence les limites et le caractère néfaste de ces logiques. La concurrence acharnée à laquelle elles ont donné lieu et la mise en compétition des peuples, au prix de millions de vies humaines, affaiblissent les capacités mêmes des vaccins dont l'exigence d'en faire des biens communs mondiaux ne doit pas être abandonnée.

Nul pays n'était préparé à une telle épidémie. Et il serait judicieux de garder en mémoire l'avertissement de l'OMS quelques mois tout juste avant la pandémie : « Le monde doit s’efforcer de mettre en place les systèmes et la collaboration nécessaires pour détecter et combattre les flambées épidémiques potentielles. Ces mesures de préparation sont un bien public mondial qui doit permettre de mobiliser de manière constructive les communautés, du niveau local au niveau international, dans les activités de préparation, de détection, de riposte et de redressement. L’investissement dans la préparation aux situations d’urgence sanitaire améliorera les résultats sanitaires, renforcera la confiance de la communauté et réduira la pauvreté, contribuant ainsi également aux efforts déployés pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. Les responsables de tous niveaux ont les cartes en mains. Il est de leur responsabilité de donner priorité à la préparation en incluant l’ensemble de la société afin de mobiliser et de protéger tout le monde ».

Comme le souligne le récent rapport de l'OIT : « Les salaires des ménages et leur pouvoir d’achat ont été fortement amputés au cours des trois dernières années, non seulement en raison de la pandémie liée au Covid-19, mais également, alors même que l’économie mondiale commençait à redémarrer, du fait de la hausse de l’inflation dans le monde ». Ceux des dirigeants occidentaux qui se plurent à invoquer un « monde d'après » ont rapidement recouvré leurs esprits au sortir des confinements. Et les mobilisations contre la réforme des retraites ou encore celles que connaissent la Grande-Bretagne ou l'Allemagne, pour ne prendre que des exemples proches, sont d'autant plus fortes qu'elles sont le fait des premières victimes (les « premiers de corvée ») de cette expérience collective, mondiale, que furent la pandémie et les crises sanitaires.

L'OIT avertit : « Les données disponibles pour l’année 2022 suggèrent que cette hausse de l’inflation se traduit par une croissance négative des salaires réels dans de nombreux pays, réduisant ainsi le pouvoir d’achat de la classe moyenne et frappant plus durement les populations à faible revenu. Cette crise du coût de la vie vient s’ajouter à d’importantes pertes en termes de masse salariale totale des travailleurs et de leur famille pendant la crise liée au Covid-19, qui a principalement heurté dans de nombreux pays les populations à faible revenu. Faute de réponses politiques adéquates, nous pourrions être confrontés dans un proche avenir à une forte baisse du revenu réel des travailleurs et de leur famille, associée à une augmentation des inégalités, fragilisant ainsi la reprise économique et risquant d’accroître les tensions sociales ».

Parce que rien ne va de soi, automatiquement ou mécaniquement, vers des perspectives de transformation sociale, la recherche de même que la construction d'alternatives représentent « le défi politique et idéologique à relever pour tenter de ''révolutionner'' la mondialisation sous domination capitaliste ».

Tâche d'autant plus urgente, et d'autant plus exigeante, que la guerre déclenchée contre l'Ukraine par le président russe Vladimir Poutine, alimentée par les forces de l'Otan, États-Unis en tête, ajoute, chaque jour, plus de souffrances et de destructions pour le peuple ukrainien, plus de régression politique et sociale pour le peuple russe, plus de menaces d'embrasement pour les peuples européens alors même que les effets de cette guerre se font durement sentir sur tous les continents. Premier conflit mondialisé du genre, cette sale guerre se déroule sur fond de mise en place d'économies de guerre4 et de risques nucléaires réels.

Dès lors, notre combat pour une sécurité humaine collective, pour la paix et, en particulier, pour un arrêt de la guerre en Ukraine et l'ouverture de négociations est en phase avec une opinion publique qui en majorité estime (62 %) que, quoi qu'il advienne, c'est par la négociation plutôt que par la victoire militaire de l'Ukraine (21 %) ou de la Russie (15 %)5 qu'un terme sera mis au conflit. Encore faut-il que cette voix soit entendue.

Cette tâche immense appelle beaucoup d'humilité, de patience et d'efforts, d'écoute et d'initiatives pour construire ce monde de solidarité et d'émancipation que les peuples appellent de leurs vœux6.

Lydia Samarabakhsh
Responsable des relations internationales du PCF

 

1. Rapport de Fabien Roussel - CN 30 janvier 2020

2. Bernard Vasseur, Après la crise sanitaire, l'après-capitalisme ? Editions de l'Humanité, Paris, 2020, p. 13.

3. Pierre Dharréville : http://www.pierredharreville.fr/index.php/cahier-de-crise/238-le-virus-revelateur-de-decivilisation 

4. Article publié le 1er février 2023 dans CommunisteS Loi de programmation militaire : Macron s'en va-t-en-guerre

5. https://www.opinion-way.com/fr/component/edocman/opinionway-pour-le-parisien-les-francais-et-un-an-de-guerre-en-ukraine-fevrier-2023/viewdocument/3049.html?Itemid=0

6. https://www.un.org/africarenewal/fr/a-la-une/onu75-lavenir-que-nous-voulons-lonu-dont-nous-avons-besoin