Le piège Le Pen tente de séduire aussi l’Afrique

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Voilà une contradiction qui en dit long. Quelques jours seulement après les attaques racistes de la fachosphère contre Omar Sy et les appels venant de l’extrême droite au boycott de l’excellent film Tirailleurs (courez le voir !), une des principales vitrines politiques de cette extrême droite, Marine Le Pen, s’est rendue au Sénégal. D’emblée, on se demande que faut-il croire ? Le langage sans filtre des snipers haineux sur les réseaux « sociaux » à Paris, ou les faux discours de l’opération séduction de Le Pen à Dakar ?

Soit dit au passage, les appels au boycott ont fait flop car le film d’Omar Sy est en passe de franchir le million d’entrées.

Il y a certes des antécédents : Jean-Marie Le Pen reçu par Félix Houphouët-Boigny en 1987 et la même Marine Le Pen par le feu autocrate tchadien Idriss Deby en 2017.

Mais là il s’agit du Sénégal. Si ce déplacement était impensable il y quelques années encore, tant il aurait provoqué de tollés et manifestations, aujourd’hui, même si le coup a été monté par surprise, force est de constater qu’il ne suscite pas de réactions à la hauteur. Signe, ici et là-bas, d’un affaissement des digues démocratiques, et sûrement d’un recul idéologique.

Il faut dire que le piège du RN est bien huilé. Rappelons quelques faits. Le Front national devenu RN existe en France depuis 50 ans. Groupuscule au départ, il est aujourd’hui un pivot hideux de la vie politique française, surfant sur toutes les crises, économiques, démocratiques et, le tout, grâce à une promotion médiatique insensée qui ne cesse de s’amplifier.

Il n’a jamais rien gagné pour le peuple français, pas un centime sur une fiche de paie, pas une seule amélioration des conditions de vie. Rien. Il sert même de levier pour faire régresser les droits et les acquis sociaux car il détourne la colère de nombreux citoyens, divise, pourrit le terrain des idées et sème la confusion dans les têtes. Il sert à tromper les citoyens, à absorber la colère pour la stériliser ou la retourner contre les victimes du capitalisme.

Des générations, des millions de Français ont été pris dans les mailles du filet, parce qu’ils ne le voient pas, usés par une sourde colère et par le sentiment d’une absence de perspective. Ils n’ont pas compris la nature du piège et, pour les forces de progrès, le dévoiler reste un défi tant la tâche est immense.

C’est ce piège qui s’est invité au Sénégal pour, à la fois, séduire les diasporas africaines, poursuivre la dédiabolisation du FN et asseoir une pseudo-crédibilité présidentielle auprès du monde politique et des affaires. Et tout est bon pour séduire. Y compris les faux discours dont le RN est passé maître en France. Ainsi il fait mine d’être contre la réforme des retraites au Parlement tout en s’opposant aux actions des travailleurs et des syndicats dans les entreprises et dans la rue. À Dakar, Le Pen a parlé souveraineté, corde sensible des peuples africains qui luttent pour leur deuxième indépendance. Mais il s’agit d’une fausse souveraineté. Elle s’est d’ailleurs bien gardée de révéler son véritable positionnement pro-FCFA, pro-domination militaire et économique. On peut illustrer cette tromperie politique par son absence lors du débat parlementaire, fin 2020, sur la pseudo-réforme du franc CFA, débat rendu possible par les parlementaires communistes. Le fond reste le même, l’extrême droite a toujours été du mauvais côté, lors de la colonisation et après.

De son côté, en recevant Le Pen alors que rien ne l’y obligeait, le président sénégalais Macky Sall a franchi toutes les lignes rouges. Il prouve ainsi qu’il ne recule devant rien pour tenter de s’offrir une nouvelle alliée à l’international. Il faut dire que les amis étrangers ne sont jamais assez nombreux quand il s’agit d'occulter ses turpitudes. Rappelons qu’il songe à imposer, en violation de la constitution du Sénégal, sa candidature à l’élection présidentielle de 2024, quitte à réprimer et embastiller pour cela.

Avec cette visite, Le Pen et l’extrême droite française franchissent un nouveau cap. Bien qu’Emmanuel Macron et les réseaux qui lui sont proches soient restés d’un mutisme assourdissant, il est certain que le pouvoir français a été informé en amont de cette visite. Dans ce cas comme sur d’autres sujets, cela pourrait être motivé par des calculs politiciens sordides participant à continuer de faire de l’extrême droite sa « meilleure ennemie », tout en reprenant une partie de son programme. C’est extrêmement dangereux. Il est du devoir des communistes et des autres forces de gauche et démocratiques de nos deux continents de mettre fin à ce jeu de dupes et de faire grandir la perspective d’un véritable changement de société prenant en charge les défis économiques, sociaux et environnementaux.

Collectif Afrique du Parti communiste français