Le Secours rouge international - « À bas le colonialisme assassin ! » (5)

Publié le 05 juillet 2023

Le Secours rouge devient au tournant des années 1930 un acteur central de la politique anticoloniale du Komintern. Après avoir fait ses premières armes en défendant les militants communistes de métropole inculpés du fait de leur engagement en 1925-1926 contre la guerre au Maroc, le SRI mène campagne en 1930 contre le centenaire de la colonisation de l’Algérie, avant d’animer un an plus tard l’agitation à Paris contre l’exposition coloniale internationale.

Il est aussi associé à la préparation de la contre-exposition, intitulée « La vérité sur les colonies », qu’organise la Ligue contre l’impérialisme et qui constitue un important moment de convergence entre communistes, surréalistes et militants anticolonialistes.

Alors que toute activité révolutionnaire ou indépendantiste est immédiatement réprimée dans les colonies, le Secours rouge est en première ligne dans la défense des militants communistes et nationalistes, qui écopent de lourdes peines et sont parfois menacés de mort. Par l’intermédiaire des avocats dépêchés sur place et des marins qui assurent les liaisons depuis la métropole vers les grands ports coloniaux, le SRI parvient à s’implanter dans plusieurs colonies et participe à la construction de mouvements légaux pour mener la lutte. À Madagascar par exemple, la présence du Secours rouge a permis de former ensuite une section du Parti communiste.

Mais c’est la question indochinoise qui, à partir de 1930, concentre la plupart des efforts du SRI. Dans cette colonie lointaine, une répression de masse s’exerce contre les aspirations indépendantistes du peuple vietnamien. Plusieurs soulèvements nationalistes et communistes sont écrasés, tandis que les autorités se livrent à une véritable épuration, au prix de plusieurs milliers de morts, dans les zones reprises aux mains des insurgés. « L’impérialisme français nage dans le sang en Indochine », peut-on lire dans La Défense, le journal du SRI.

Entre l’écrasement de la révolte nationaliste de Yen-Bay en février 1930 et le procès monstre de Saigon en mai 1933 qui condamne huit révolutionnaires à mort, le Secours rouge multiplie les protestations. Dans les meetings, sur les bancs de l’Assemblée nationale ou dans les délégations au ministère des Colonies, on réclame l’amnistie pour les 10 000 prisonniers politiques indochinois. Des dizaines d’écrivains et intellectuels, parmi lesquels Henri Barbusse, André Malraux, Romain Rolland ou Andrée Viollis, offrent une caisse de résonance à ces mobilisations en constituant un Comité d’amnistie et de défense des Indochinois et des peuples colonisés.

En 1931, le gouvernement fait expulser de métropole Nguyen Van Tao, membre du Comité central du PCF, arrêté quelques mois plus tôt après avoir organisé une manifestation d’étudiants vietnamiens sous les fenêtres de l’Élysée. Dénonçant un « enlèvement » politique, le SRI envoie à Saigon l’un de ses avocats, Gaston Pérau, qui se voit interdit par les autorités locales de plaider pour défendre 150 inculpés indochinois ayant pourtant fait appel à lui.
La mobilisation culmine avec le départ d’une délégation chargée d’enquêter sur les crimes coloniaux commis en Indochine. Financée par une grande souscription populaire, elle est composée du secrétaire du SRI Jean Barthel (pseudonyme de Jean Chaintron), d’Elie Bruneau de la CGTU et du député communiste Gabriel Péri, qui s’embarquent de Marseille le 26 janvier 1934. Constamment surveillés par la police, confrontés à l’hostilité des milieux coloniaux locaux, les trois délégués arpentent durant un mois la région. Forts de leurs observations et des nombreux témoignages recueillis, ils dressent à leur retour un sombre tableau de la colonie, qu’ils présentent dans une soixantaine de meetings.

Corentin Lahu