Les voix du Sud montent en puissance et bouleversent le monde

Traduisant la recomposition géopolitique mondiale en cours, le Sud, au « Sommet pour un nouveau pacte financier mondial » réuni à Paris, est monté au front contre les institutions de Bretton Woods et les grandes puissances industrielles responsables de la crise climatique, économique et sociale de leurs pays.

Pas d’aumônes mais des réformes profondes et des changements structurels des institutions mondiales ! Les voix du Sud se sont fortement élevées au « Sommet pour un nouveau pacte financier mondial », convoqué par Emmanuel Macron à Paris. L’exaspération et la colère étaient ostensibles chez les dirigeants de ces pays dont bon nombre subissent de plein fouet une crise multiple dans un contexte post-pandémie aggravée par les conséquences du conflit en Ukraine qui engloutit, relevait le président zambien, Hakainde Hichilema, « ressources et argent ». Face aux déséquilibres mondiaux et aux atermoiements des puissance occidentales, ces revendications clairement exprimées caractérisent le tournant géopolitique en cours et le mouvement ascendant d’États qui le portent. «Les institutions de Bretton Woods ne fonctionnent plus. Avec ce mécanisme, celui qui est riche est toujours riche et celui qui est pauvre est toujours pauvre », a lancé Lula exigeant la réforme des grandes institutions financières internationales bloquées par les États-Unis, et dénonçant la responsabilité des grandes puissances industrielles dans la crise climatique et le sous-développement d’une partie de la planète.

Cette « architecture financière actuelle est injuste, punitive et inéquitable », renchérissait William Ruto, président du Kenya. Leurs principaux actionnaires ne veulent pas perdre le pouvoir de poser leurs conditions pour accorder de l’argent aux pays les plus pauvres. » Pour les transformer, assurait-il, les pays en voie de développement ne peuvent rester spectateurs mais doivent participer à leur « solution », c’est-à-dire à la prise de décision économique internationale. Même tonalité revendicative chez le chef de l’État sud-africain, Cyril Ramaphosa, pour qui les nations du Sud attendent « non seulement une réforme de l'architecture financière internationale, mais aussi qu'elles se traduisent par des projets pratiques concernant notamment les infrastructures. C'est à cette condition que nous, les Africains, serons convaincus que cela vaut la peine de se rendre à ce genre de sommet, d'aller jusqu'en Europe et d'écouter toutes ces promesses », a-t-il prévenu.

Cette montée en puissance des voix du Sud s’inscrit dans la nouvelle dynamique impulsée par les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui bouleverse la configuration mondiale. En contestant la domination du dollar de plus en plus insupportable pour les pays émergents et en développement, minés par l’inflation, le surendettement, le groupe leur ouvre de nouvelles perspectives de partenariat en travaillant à une alternative au billet vert. Lors de sa récente visite en Chine, Lula, de concert avec Pékin, annonçait l’accélération d’une monnaie commune pour leurs transactions internationales, non seulement au sein des BRICS mais aussi dans d'autres organisations internationales. Les attentes sont immenses à la hauteur des intentions affichées par les BRICS et inscrites à l’ordre du jour de prochain Sommet qui doit se tenir en août à Johannesburg : outre la question de la dédollarisation, celle de l’élargissement du groupe est à l’ordre du jour suscitant un intérêt considérable : une trentaine de pays ont déjà exprimé leur volonté de participer à ses travaux et près d’une vingtaine ont déjà officiellement demandé à y adhérer. On réalise aisément le poids futur d’un tel mouvement : À cinq, la part des BRICS dans le PIB mondial n’équivalait-il pas à 31,5 , contre 30,7  pour les grands du G7 (États-Unis, Allemagne, Canada, France, Italie, Japon, Royaume-Uni) ? Autant dire qu’un tremblement se prépare à l’échelle planétaire.

Dominique Bari
membre de la commission des relations internationales du PCF