Mali, Burkina, Niger : Un départ de la CEDEAO qui vient de loin

Publié le 07 février 2024

Quoi que l’on en pense, le départ annoncé du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la CEDEAO (Communauté des États d’Afrique de l’Ouest) est un évènement historique. L’avenir dira s’il s’agit d’un élément de pression (les statuts de l’organisation prévoient une durée d’un an pour un départ effectif), ou d’un remodelage durable de la sous-région.

Rappelons qu’en 2023, la CEDEAO avait suspendu de ses instances quatre de ses membres (Mali, Niger, Guinée, Burkina Faso, pour cause de putschs). Rappelons également que ce coup de tonnerre n’arrive pas dans un ciel serein. Déjà le 9 juillet 1987, lors d’un sommet de la CEDEAO, Thomas Sankara, président du Burkina Faso, avait déclaré ceci à propos de l’organisation : « Nous devons dénoncer l’impérialisme qui continue de dominer ce genre de structure, qui continue à vouloir régner en Afrique. » Il sera assassiné le 15 octobre de la même année par les forces réactionnaires de son pays avec la complicité de dirigeants de pays voisins et de puissances impérialistes dont la France.

Depuis cette époque, force est de constater que rien n’a véritablement changé. La CEDEAO s’avère incapable d’améliorer les conditions de vie de ses habitants et de réduire pauvreté et inégalités. En matière militaire le bilan n’est pas plus reluisant. Et l’absence de mécanismes démocratiques en font une sorte de syndicat des chefs d’États alors qu’il faudrait une « CEDEAO des peuples ».

En septembre 2023, face aux sanctions, Mali, Niger et Burkina Faso (66 millions d’habitants) ont créé l’Alliance des États du Sahel (AES), accord de sécurité collective visant la création d’une union économique, avec une monnaie commune. Ils dénoncent aujourd’hui une CEDEAO soumise à des influences étrangères, l’absence d’aide apportée dans la lutte contre le terrorisme et les conséquences néfastes des sanctions mises en place par elle.

L’aspiration grandissante des populations pour une deuxième indépendance, l’incapacité des pouvoirs français successifs à prendre des mesures de rupture tenant compte de ces aspirations et l’opportunisme de militaires qui ont surfé sur ces aspirations afin de prendre le pouvoir et se construire une base populaire à bon compte parmi les jeunesses urbaines, a achevé de produire la situation actuelle. Après le coup d’État au Niger en juillet 2023, les sanctions et menaces militaires de la CEDEAO, soutenues notamment par la France, n’ont fait que renforcer cette tendance, tout comme les réactions à deux poids et deux mesures concernant les coups d’État constitutionnels et militaires de ses pays membres.

L’aspiration des peuples à la souveraineté est irréversible. Raison de plus pour les forces de progrès de saisir cette occasion afin d’agir en faveur d’une politique de progrès sociaux et démocratiques, au risque sinon d’engendrer une déception lourde de dangers. Les chantiers des pays de l’AES comme de la CEDEAO amputée et affaiblie sont immenses en termes de scolarisation, de mise en place de systèmes de santé solidaires, d’industrialisation, etc.

Les communistes ont des propositions en la matière tant du point de vue de la coopération que du soutien à un développement et des choix endogènes. En vue de retrouver une crédibilité et reprendre une initiative dans cette région, la France devrait annoncer des mesures de rupture comme le retrait de ses bases militaires et l’abandon du franc CFA, instruments auxquels le PCF s’est opposé depuis le début des indépendances. Elle doit aussi prendre acte que les États africains, y compris ceux de son ancien « pré carré », diversifient leurs partenariats économiques et militaires. C’est seulement dans ces conditions que notre pays jouera dans la sous-région un rôle utile pour nos peuples respectifs et pour construire de nouvelles coopérations entre peuples souverains.

Collectif Afrique PCF

Article publié dans CommunisteS, n°982, 7 février 2024.