Nouvelle crise au Burkina Faso et attaques contre les représentations françaises : comment en est-on arrivé là ?

C’est le deuxième coup d’État en huit mois au Burkina Faso, pays déstabilisé par la violence de groupes armés mêlant banditisme et djihadisme.

Le lieutenant-colonel Damiba a été poussé vers la sortie par le capitaine Traoré pour, d’après lui, rétablir la situation sécuritaire. Le pouvoir sortant s’était discrédité par le passage éclair à Ouagadougou de l’ancien dictateur Blaise Compaoré, pourtant condamné à la prison à vie pour son implication dans l’assassinat de Thomas Sankara. Un discrédit renforcé par un certain nombre d’actes qui étaient vus comme une restauration de l’ancien régime.

Des "Assises nationales" se tiendront les 14 et 15 octobre pour désigner un président de transition avant l'organisation d'élections et un retour de civils au pouvoir au plus tard en juillet 2024.

Mais ce qui a retenu l’attention pendant le coup d’État du 30 septembre se sont les attaques de vandalisme contre des représentations françaises. Des rumeurs présumant l’implication de Paris aux côtés de Damiba pour préparer une contre-offensive ont mis le feu aux poudres. Quoi qu’il en soit, une forte mobilisation populaire a permis aux putschistes de consolider leur prise de pouvoir, le tout sur fond de sentiment anti-français. Un comble !

Comment en est-on arrivé à un tel rejet ? Le Burkina Faso a été longtemps un pays francophile, ce qui interpelle d’autant plus. Mais progressivement et surtout depuis une bonne dizaine d’années, l’image de la France s’est dégradée.

Précisons d’emblée qu’il n’y a globalement pas de ressentiment contre les ressortissants français en tant que tels, mais contre la France officielle.

Une perte d’influence et un rejet niés par les autorités françaises qui se contentent de pointer du doigt les manipulations, avérées, de réseaux russes essentiellement. Mais ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : un lourd passif s’est accumulé tout au long de l’histoire du Burkina et de l’Afrique de l’Ouest. Depuis l’assassinat de Thomas Sankara, et le refus d’ouvrir et de transmettre toutes les archives françaises, en passant par la guerre en Libye dont le désastre a essaimé dans une grande partie de l’Afrique subsaharienne, sans oublier les liens avec l’ancien dictateur Blaise Compaoré, pièce maîtresse de la Françafrique, que Paris a exfiltré en Côte d’Ivoire afin qu’il tire les ficelles de la déstabilisation.

À cela s’ajoutent l’échec de Barkhane, la présence rejetée des bases militaires en Afrique, la persistance du franc CFA/ECO, ou encore le deux poids deux mesures de la politique française, quand par exemple un putsch est dénoncé au Mali, alors qu’il est clairement soutenu au Tchad.

Il est temps de changer du tout au tout. Et de comprendre que la France n’est plus seule, y compris dans son ancien pré-carré et y compris en matière de coopération sécuritaire. Elle doit se singulariser, non plus par des logiques de force et de domination et par des réflexes postcoloniaux, mais par une créativité et une invention de nouveaux modes de coopération et d’échanges, mutuellement avantageux, où tout le monde serait gagnant. Il faut une bonne fois pour toutes accepter que les pays d’Afrique fassent des choix endogènes et souverains.

C’est seulement en favorisant ce cadre que la France pourra reconstruire dans la durée des liens de confiance, et apporter une pierre décisive à un monde plus vivable et en paix. Et elle serait à nouveau une voix écoutée.

Dominique Josse
responsable du collectif Afrique du PCF
membre de la Commission des relations internationale du PCF