Petite histoire des journalistes et réalisateurs communistes à la radio-télévision (3)

D’autres réalisateurs « rouges » de cet âge d’or de la télévision culturelle s’imposent. Marcel Bluwal (1925/2021 ; il est décédé le 23 octobre dernier à l’âge de 96 ans). Issu d’une famille de juifs polonais réfugiés à Montmartre, il resta, après la rafle du Vel’ d’Hiv’ 27 mois caché avec sa mère dans une sorte de soupente. Ce téléaste fut aussi un grand metteur en scène.

À ses débuts à la télévision, il crée une émission sur la vie des gens intitulée « Et si c’était vous… », saluée par la critique. Il réalise « Le mariage de Figaro » (1961), « Don Juan ou le festin de pierre » (1965), « Beaumarchais ou les 60 000 fusils » (1966), « Le jeu de l’amour et du hasard » (1967). Il adapte Dostoïevski (« Les frères Karamazov ») ; Victor Hugo (« Les misérables »). Il lance ensuite la série Vidocq, touche au domaine des variétés. « Je traitais tous les conflits en espérant que pour le public il en sortirait une exaltation révolutionnaire. » En 2008 encore, il signera la série « À droite toute ».

Jean-Pierre Marchand (1924/2018), assistant d’Allégret, Clouzot, Daquin, Gérard Philipe, Ivans, réalise, lui, une série de documentaires sur l’indépendance des colonies françaises en Afrique, collabore à des émissions comme « La caméra explore le temps » (« La conspiration du général Mallet », 1963), « Les cinq dernières minutes » (« La rose de fer », 1966), assure des reportages pour « Cinq colonnes à la Une », collabore à « Eurêka » ou « Discorama ». Il créa le syndicat CGT des réalisateurs.

Raoul Sangla (1930/2021) réalise à partir de 1964 l’émission « Discorama » animée par Denise Glaser, ainsi que de nombreux feuilletons, documentaires et fictions, des comédies musicales aussi. « La télévision est au cinéma ce que le journalisme est au roman », estime-t-il. Il participe à la mise en scène du JT en rendant apparente la technique. Il œuvrera à l’installation de télévisions locales.

D’autres noms produiront également des œuvres marquantes : Maurice Failevic (1933/2016) réalise par exemple pour « Les dossiers de l’écran » « 1788 » ; « C’était la guerre » ; « Jusqu’au bout » ou des documentaires comme « Les agriculteurs », « Les sangliers », ou (bien plus tard) « L’Atlantide, une histoire du communisme » avec Marcel Trillat.

Jacques Krier (1926/2008) aborde volontiers les sujets sociaux, les entretiens avec « les vrais gens », dans le cadre d’émissions comme « À la découverte des Français », ou « Cinq colonnes à la Une ». Également scénariste et écrivain (« Les drôles de voyages d’un camarade errant »).

À Paul Seban (1929/2020), assistant de Renoir, Carné, Astruc, Ivens, Chabrol, Welles…, on doit notamment « Un jeune homme rebelle » ou « Contes modernes : à propos du travail ». Grand prix du documentaire de la Scam, il coréalisa « Musica » avec Marguerite Duras.

Sans oublier le très jeune réalisateur Jean-Daniel Simon, à peine plus de vingt ans ces années-là (il « passe » ensuite au cinéma) que l’on retrouve dans les émissions « Pour le plaisir », « Cinéma », « Dim Dam Dom », « Cinq colonnes à la Une » ou « L’âge de… ».

Côté politique, on l’a dit, l’administration gaulliste contrôle tout. Si Francis Crémieux, dont on a déjà parlé au premier chapitre, intègre France-Culture en 1966 avec une émission mythique « Le monde contemporain », l’information reste totalement verrouillée par le pouvoir gaulliste. La droite a le monopole de la politique sur le petit écran. C’est notamment ce que la rue lui reproche en mai 1968.

Gérard Streiff