Pour une aviation durable et éco-responsable

Ouverture des Assises de l’aéro Samedi 19 mars 2022, Intervention de Christophe Grassullo, directeur de cabinet de Fabien Roussel (extraits)

Nous parlons ici d’une filière extrêmement importante pour notre pays comme pour l’Union européenne. Avec un nombre d’entreprises, grandes et petites, très importants, de très nombreux salariés, dans l’aéronautique et l’aérien civils sur lesquels je concentrerai volontairement l’essentiel de mon propos, mais aussi dans le militaire ou dans le spatial.

Mais nous parlons également d’une filière en profonde    mutation, avec l’évolution des besoins de mobilité, des technologies, mais aussi une filière sous le coup de logiques qui, comme pour bien d’autres filières, font prévaloir la rentabilité financière immédiate, quitte à sacrifier les besoins sociaux, les besoins de recherche    et de formation, d’élévation des qualifications, les enjeux de transition écologique comme les besoins de mobilités à l’échelle du monde comme à l’échelle nationale et continentale.

Je dis cela parce que, de notre point vue, l’avenir de l’aérien, de l’aéronautique et du spatial ne relève pas d’un débat seulement technique, même s’il faut en maîtriser les principaux termes pour éclairer les choix politiques, mais bien d’un débat plus large, sur le projet de société dans lequel nous concevons son devenir.

Pour nous, le postulat, c’est que l’aérien doit être envisagé d’abord comme un vecteur de coopérations à l’échelle internationale.

Et ce, dans le cadre d’une mondialisation totalement refondée, débarrassée des logiques de guerre économique et de concurrence sans limite et du seul prisme de la rentabilité financière.

Or, ce sont bien aujourd’hui ces logiques qui structurent aussi l’aérien, quand est organisée la libéralisation tous azimuts du transport aérien ou quand sont opérés les grands choix stratégiques pour la construction aéronautique par quelques grands groupes industriels, en particulier dans le cadre de la concurrence entre les deux grands groupes mondiaux que sont Boeing et Airbus.

Je pourrais également citer la propriété des plateformes aéroportuaires, pour certaines cédées, comme les activités portuaires, à des intérêts étrangers. Tout comme je pourrais citer le dumping social et fiscal avec l’avènement de compagnies low-cost dont les intérêts ignorent ceux de nos territoires comme ceux des salariés des compagnies aériennes.

Nous voulons pour notre part sortir de cette vision de la mondialisation et en imaginer une autre, qui substitue aux concurrences libres et non faussée et aux logiques de rentabilité, des logiques d’échanges, de partages des savoirs et des coûts, de coopérations, entre les individus, entre les peuples et les nations.

Penser les mobilités dans cette mondialisation nouvelle nous conduit à considérer comme essentiel le développement de l’ensemble de la filière, de la construction aéronautique au transport aérien en passant par les plateformes aéroportuaires.

Cela vaut tout autant pour les mobilités domestiques, au sein du territoire national comme au sein de l’Union européenne, où le rôle du transport aérien, des activités connexes, de logistique, de services à l’industrie, pour l’aménagement du territoire, pour le développement local, ne doit pas être balayé d’un revers de main.

Trop souvent, les réflexions en matière de mobilités, d’infrastructures, de dessertes, ne se conçoivent que dans une vision métropolitaine, qui plus est très parisienne excluant la majorité des territoires. Nous pensons pour notre part qu’aucune région ne doit être privée par principe de desserte aérienne, dès lors que celle-ci répond aux besoins des usagers et du tissu économique et que les conditions sont créées de respecter les territoires et les populations.

Bien sûr des questions nouvelles sont posées, en particulier avec le réchauffement climatique ou avec la gestion des nuisances induites par le transport aérien comme par tous les modes de déplacements.

Mais nous contestons toutefois les réponses simplistes qui ignorent la réalité de la filière et surtout, qui renoncent du coup à des réponses progressistes aux nécessaires transitions écologiques. Alors même qu’il y a là aussi des enjeux de classes, puisque 1 % des usagers du transport aérien sont responsables de 50 % des émissions de CO2.

Il ne s’agit pas d’évacuer ou de contourner la question du réchauffement climatique et la part qu’y prend le transport aérien. Encore qu’il faille garder la mesure nécessaire en la matière et se souvenir que les mêmes qui poussent des cris d’orfraie sur le transport aérien ne pipent mot sur les traités de libre échange et les délocalisations industrielles, bien plus coupables de contribuer au réchauffement climatique.

Pour nous, l’urgence économique autant que l’urgence climatique imposent une profonde transformation des modes de production, de biens comme de services, pour les mettre au service des besoins de l’humanité, au service des peuples, tout en respectant les ressources naturelles et le vivant.

C’est pourquoi nous soutenons l’idée que concilier le développement du transport aérien et la décarbonation de la filière doivent être la priorité et qu’il est possible de bâtir une aviation durable et éco-responsable, qui réponde aux besoins de mobilités.

Et ce en agissant dans 3 directions principalement :

  • D’abord en investissant dans la révolution écologique des avions. Airbus dispose d’atouts en ce sens comme en témoigne la dernière génération de ses avions, plus économes en carburant et moins bruyants.
  • Ensuite en favorisant l’usage des carburants moins polluants, comme les SAF. L’enjeu des carburants est primordial dans l’immédiat, notamment pour les longs courriers. Les technologies déjà disponibles permettent de réduire les émissions de CO2 de plus de 80 %, et les technologies de rupture les plus prometteuses (efuels, synfuels) pourraient porter ce gain d’émissions à 120 %. Mais les SAF à partir de biomasse demeurent 3 à 4 fois plus chers que le kérosène, et les efuels sont 7 à 10 fois plus chers. Il va donc falloir agir sur un développement de la production de ces SAF à coût moindre et favoriser leur usage par une fiscalité beaucoup plus avantageuse que celle appliquée au kérosène, qui n’est aujourd’hui pas taxé. On voit là l’intérêt d’une action coordonnée des États pour une fiscalité plus efficace écologiquement.
  • Enfin, 3e axe, en transformant les usages, là encore pas pour accentuer les inégalités d’accès au transport aérien, mais bien pour le rendre plus accessible à tous.

Bien sûr nous sommes attachés à ce que les usagers privilégient les transports les moins émetteurs de CO2 et de gaz à effet de serre. Mais nous considérons tout autant que l’offre de transport aérien doit être de nouveau mieux régulée et organisée, plutôt que diminuée, voire supprimée du point de vue de certains, écologistes notamment, dont nous ne partageons pas la démarche punitive et privative. Car, en vérité, nous sommes loin de la démocratisation totale du transport aérien.