Séminaire sur le développement futur de la Chine et les relations Chine-Europe

Intervention de Lydia SAMARBAKHSH, responsable des relations internationales du Parti communiste français, lors du séminaire "Séminaire sur le développement futur de la Chine et les relations Chine-Europe" organisé par le Parti communiste chinois.

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La crise sanitaire que les pays développés traversent depuis la diffusion du coronavirus sur leurs continents a agi, selon le PCF, comme un puissant révélateur des incapacités structurelles du capitalisme et des impasses dans lesquelles il conduit l'humanité tout entière.

Au sein des anciennes puissances occidentales, la crise sanitaire est venue s'ajouter à une crise économique déjà avancée. Elle approfondit les inégalités sociales et économiques dans chaque pays et mondialement, et mis en lumière la nocivité de relations internationales fondées sur la compétition et la concurrence entre les peuples, entre les travailleurs, et sur la domination du dollar, les stratégies d'hégémonie et la loi du plus fort.

Nous sommes convaincus que c'est l'addition et l'articulation de dynamiques d'interventions des forces communistes et de gauche de transformation sociale à différentes échelles qui, à l'appui de puissants mouvements populaires, seront déterminantes pour influer sur la nature et le sens des changements structurels à venir.

Cette période de changements majeurs à l'échelle mondiale met en avant un enjeu de fond : « La place du marché, vers quelle(s) finalité(s) ? »

Les capitalistes ont bien sûr leur réponse générale et globale qu'ils tentent d'imposer aux peuples, aux travailleurs mais, confrontés aux réalités des conséquences sociales de leurs politiques et aux contradictions que le capitalisme génère lui-même, ils ont souvent opté dans la période récente sur le passage en force, les « thérapies de choc » qui tuent le malade et non la maladie, et l'alliance des ultraconservateurs et néo-nationalistes hyper-libéraux, pour y parvenir.

De ce point de vue, la réunion du Plenum du CC du PCC et ses décisions, compte tenu de la vision et des ambitions qu'elles portent, et de la place que la République populaire de Chine est en train de prendre sur la scène internationale ainsi que dans les échanges économiques et commerciaux mondiaux, sont d'une très grande importance pour tous ; pour le peuple chinois en premier lieu, mais aussi pour tous les peuples du monde.

Si les gouvernements néolibéraux européens les craignent, nous estimons pour notre part qu'elles sont, au contraire, de nature à renforcer la coopération entre nos pays, entre l'UE et la Chine. Elles pourraient aussi s'avérer un point d'appui, nous concernant, dans notre combat pour une autre Europe, une Union de libre association, de coopération et de solidarité des peuples et nations souveraines et indépendantes.

Les décisions du Plénum pourraient aussi contribuer à rétablir des relations bilatérales sino-étasuniennes dans un climat moins violent, ce qui n'est pas négligeable compte tenu des répercussions, à cette étape de la mondialisation sous domination capitaliste, des relations de la Chine et des États-Unis sur toutes les économies et sociétés du monde.

En Europe, dans les pays membres de l'UE et plus largement, les peuples ont besoin de solidarité et de coopération et, pour y parvenir, doivent se libérer des carcans du néo-libéralisme et du fardeau des politiques d'austérité qui ont dangereusement fragilisé nos systèmes de santé.

Le 5e Plenum a relevé, à juste titre, selon nous, que, dans la période écoulée, l'« 'équilibre des forces internationales s'est ajusté » mais aussi combien les enjeux de paix et de développements restent posés.

La « crise du Covid » en France a d'ailleurs fait ressurgir dans le débat public, en partie grâce à l'intervention du PCF et de ses parlementaires, mais aussi, il faut le dire, d'une partie du patronat français industriel, la nécessité pour notre pays et pour l'Europe, d'une vision d'avenir, d'un travail prospectif, stratégique et d'anticipation.

Pour tous les peuples et pays, la phase qui s'amorce est celle, comme le 5e Plénum l'a qualifiée, d'« une étape-clé ».

Pour la Chine, il s'agira d' accroître la force de son développement économique et de renforcer le rôle moteur de son propre développement et de, manière significative, son « influence politique et économique internationale » ; un double mouvement de « circulation duale » qui s’inscrit dans la perspective d’un nouveau modèle de développement répondant au plus près aux besoins de l’ensemble de la population chinoise et s’adaptant aux réalités du contexte international.

Les mêmes questions, les mêmes enjeux, les mêmes défis sont posés aux peuples de chacun de nos pays.

C'est l'intervention massive des forces du travail et de la création pour protéger les emplois existants et en créer de nouveaux, pour reconstruire nos services publics, sortir la santé et le médicament du cadre marchand, amorcer une réelle transition écologique qui sera décisive pour imposer un tournant que notre peuple, notre pays appelle de ses vœux.

Le développement de la solidarité internationale et de la coopération mutuellement avantageuse renforcera les capacités de chaque pays à conduire sa destinée. La crise et la pandémie ont illustré combien elles sont indispensables à tous, et combien, cependant, elles dépendent des luttes et de la volonté politique des peuples, des travailleurs, et des dirigeants qu'ils se choisissent.

Du point de vue des potentialités qu’il recèle, la Ceinture et la Route de la Soie par son caractère visionnaire et hors normes serait de nature à restructurer les grands échanges internationaux et la mondialisation, dans un sens plus inclusif, plus coopératif et plus pacifique.

Le projet ne peut être un simple outil d’échanges commerciaux dans un contexte de concurrence économique exacerbé par la persistance des effets de la crise capitaliste. L’immense maillage d’infrastructures civiles qu’il se propose de réaliser serait à même de connecter entre eux l’Asie, le Proche-Orient, l’Europe et l’Afrique offrant des perspectives de développement pour tous les peuples concernées. Si les coopérations issues de négociations transparentes sont conçues de manière à ce que les gains des unes ne se traduisent pas par une perte pour les autres ni la suprématie d’aucune puissance, quelle qu’elle soit, l’initiative des Routes de la Soie pourrait prendre toute sa dimension émancipatrice.

Des progrès peuvent être accomplis rapidement dans la coopération internationale dans le domaine de la santé en saisissant au bond l'enjeu des (biens) communs qui s'est imposé dans le débat d’idées et dans le champ politique au cours de cette pandémie , de même que l'exigence de démarchandisation du secteur du médicament, de la santé et de la protection sociale.

En 2017, la Chine a mis en projet sur la table planétaire ce volet de coopération sanitaire inclut dans l’initiative des BRI de concert avec l’OMS : c'est ce qui a été appelé « La route de la soie de la santé » en août 2017 lors d’une réunion à haut niveau sur la coopération sanitaire. Dix-sept protocoles d’accord bilatéraux ont été signés avec différents pays participant à la BRI ainsi qu'avec le Programme commun des Nations unies sur le VIH/Sida (ONUSIDA), le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (The Global Fund), et l’Alliance globale pour les vaccins et l’immunisation (GAVI).

La construction commune d’une Route de la soie de la santé peut être un socle pour la construction d’une « maison planétaire de la santé » qui réponde aux exigences du moment et trace des perspectives d'avenir concrète. L’appel de l’OMS et le vote de son assemblée générael à faire du vaccin contre le coronavirus un « bien public mondial », ce qui le rendrait aussi accessible et abordable pour les pays en développement, constitue un pas significatif dans cette voie.

La France et l’UE gagneraient à construire avec la Chine, comme avec tout autre partenaire qui y est prêt, des relations exigeantes mais constructives.

Dans nos pays la crise du Covid a fait naitre un débat sur le mode de production. Loin de confiner ce débat dans un nationaliste étriqué et dangereux, le défi des forces émancipatrices aujourd’hui est de s’attaquer à des fossés écologiques et sociaux qui frappent l’ensemble de la population de la planète. Les communistes français considèrent qu’il est primordial de travailler à faire prévaloir les logiques de coopération dans les relations internationales et faire reculer par conséquent les logiques de domination, d’hégémonisme, de guerre économique, d’agressivité militaire et d’irresponsabilité environnementale. De ce point de vue, l’accord global sur les investissements entre l’Union européenne (UE) et la Chine, conclu le 30 décembre 2020 après sept années de pourparlers, ne nous semble pas aller dans ce sens en adoptant une démarche qui, selon nous, se plie à la mondialisation néolibérale et productiviste.