Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN) – Une lueur dans un ciel bien sombre

Publié le 06 décembre 2023

Du 27 novembre au 1erdécembre 2023 s’est tenue au siège de l’Onu à New York la deuxième conférence des États-parties au Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN). Contrairement au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) qui date de 1968, le TIAN ne compte parmi ses signataires aucune des cinq puissances nucléaires membres permanents du Conseil de Sécurité, ni aucun des quatre autres pays détenteurs de l’arme nucléaire.

Ce traité d’interdiction est le fruit de l’action commune des organisations de la société civile regroupées dans la campagne internationale ICAN, de certains États particulièrement actifs dans le domaine du désarmement nucléaire et des institutions onusiennes dédiées au désarmement. Voté à l’Onu le 7 juillet 2017 par 122 pays sur 192, le Traité interdit la mise au point, l'essai, la production, le stockage, le transfert, l'utilisation et la menace d'utilisation d'armes nucléaires, en raison conséquences humanitaires catastrophiques qu’entraînerait leur utilisation. Il complète l’article 6 du TNP qui fait obligation aux États dotés d'armes nucléaires de négocier un traité de désarmement ; le TIAN prévoit pour ces États un processus assorti d'un calendrier, conduisant à l'élimination vérifiée et irréversible de leur programme d'armes nucléaires.

Le Traité est entré en vigueur le 22 janvier 2021, une fois franchi le seuil de 50 ratifications. À l’heure actuelle, 93 États ont signé le traité et 69 l'ont ratifié. La première réunion des États parties en juin 2022 à Vienne avait adopté un plan d’action se concentrant sur les six thématiques suivantes : l’universalisation du Traité, la vérification, les délais accordés aux États devant démanteler leurs stocks d’armes nucléaires, l’assistance aux victimes et la remédiation environnementale, la création d’un comité consultatif scientifique et la complémentarité du TIAN avec l’ensemble du régime de non-prolifération et de désarmement. La réunion de New-York marque une nouvelle étape visant à renforcer l’engagement des États parties en faveur du Traité. de cent pays ont participé aux travaux, 59 États parties, 11 États signataires et 35 observateurs, dont la Belgique ou l’Allemagne. La France se tient délibérément en dehors du processus et continue de pratiquer la politique de la chaise vide.

Les débats, loin d’être réservés aux seuls diplomates, ont permis l’expression d’une foule de représentants de la société civile, médecins, avocats, scientifiques, militants des ONG, universitaires, survivants de Hiroshima et Nagasaki et victimes des essais nucléaires de nombreuses régions du monde. Le comité d’experts scientifiques créé par la précédente réunion a communiqué les résultats de ses premiers travaux sur les conséquences de l’utilisation des armes nucléaires et une attention particulière a également été portée aux conséquences et aux victimes des essais nucléaires. 122 ONG du monde entier étaient accréditées pour cette réunion, dont pour la France des délégations d’ICAN-France et du Mouvement de la paix. Les États parties ont tous salué le travail de la campagne internationale ICAN et de la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, mais aussi la contribution des Maires pour la paix et des parlementaires qui agissent pour populariser le TIAN.

La rencontre a adopté une déclaration finale intitulée : « Notre engagement à respecter l’interdiction des armes nucléaires et à éviter leurs conséquences catastrophiques  ». Dans ce document politique d’une grande force, les États remettent en cause la dissuasion nucléaire et développent l’argumentaire suivant : « La menace d’infliger des destructions massives va à l’encontre des intérêts légitimes de l’humanité dans son ensemble en matière de sécurité. Il s’agit d’une approche dangereuse, erronée et inacceptable de la sécurité. Les menaces nucléaires ne doivent pas être érées. »Rendez-vous a été pris pour latroisième réunion des États parties du 3 au 7 mars 2025, également à New York, sous la présidence du Kazakhstan.

À une époque où le risque de guerre nucléaire n'a jamais été aussi grand depuis la crise des missiles de Cuba, à l’heure où les neuf États nucléaires construisent de nouvelles armes nucléaires et augmentent leur arsenal pour la première fois en 35 ans, il est vital de renforcer le mouvement mondial pour éliminer les armes nucléaires. Une Conférence comme celle qui vient de se dérouler à New York aurait mérité une réelle couverture médiatique ; à nous de rompre le silence sur les travaux et les campagnes qui se mènent sans désemparer pour libérer la planète des armes nucléaires, à nous d’être les porteurs des idées de paix !

Alain Rouy

Secteur International du PCF, collectif Culture de paix et désarmement global

Article publié dans CommunisteS, numéro 975, du 6 décembre 2023.