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Les récentes déclarations d’E. Macron sur l’Algérie ont suscité une vive réaction de la part des autorités algériennes. S’affranchissant des usages diplomatiques, il a accusé « le système politico-militaire » d’entretenir « une rente mémorielle » et a par ailleurs émis des doutes sur l’existence d’une nation algérienne antérieure à la colonisation.

De tels propos, qui relèvent de la surenchère et du populisme, doivent être compris à plusieurs échelles.

Ils s’inscrivent dans le contexte intérieur français. E. Macron, en compétition électorale, maraude sur les terres nauséeuses d’E. Zemmour qui, jamais avare d’une absurdité et d’un anachronisme, prétend que la nation algérienne n’existait pas avant la présence française. La nation algérienne, comme la nation française, est née de son fait dans la résistance à l’occupation coloniale et dans la lutte victorieuse pour son indépendance. Les communistes s’honorent d’avoir été aux côtés du peuple algérien pour se débarrasser du crime de la colonisation fait d’occupation militaire, de dépossession des terres, d’un ordre juridique inégal, de l’exploitation et de l’humiliation de ses habitants.

Ces déclarations du président de la République se situent dans un contexte de régression sur la question coloniale. Le couple N. Sarkozy et son acolyte d’extrême-droite P. Buisson n’avaient-ils pas voulu réhabiliter le passé colonial en évoquant « ses bienfaits » non sans écho dans une partie de la population. Cette involution s’explique fondamentalement par une dépolitisation de la question mémorielle avec un discours insuffisamment gouverné par des principes politiques claires. Il n’y a pas de condamnation sans appel de cette entreprise de domination criminelle.

E. Macron veut faire de la réconciliation un axe de sa politique mémorielle. Cela l’amène à tenir des propos contradictoires. D’un côté, il considère que la colonisation a été un « crime contre l’humanité » pour aussitôt rétropédaler en affirmant que tout le monde a été victime de la colonisation mettant sur le même plan les oppresseurs et ceux qui ont été exploités et humiliés. Ces prises de position s’effectuent non pas sur la base de principes mais avec la volonté de satisfaire un maximum de personnes engagées dans différents groupes… perpétuant le morcellement de cette mémoire. Mais plus fondamentalement, cette idée de réconcilier les mémoires tant à camoufler l’impossibilité de faire consensus en France autour d’une idée simple : coloniser est une façon d’opprimer et d’exploiter un autre peuple.
Enfin, dans l’esprit d’E. Macron, il y a également l’idée que l’on va pouvoir développer les relations, notamment commerciales ou sécuritaires, avec l’Algérie si on se réconcilie. Ce mélange des genres est un leurre.

Quelle que soit la rive de la Méditerranée, l’Histoire doit se débarrasser de l’emprise de l’État et des discours officiels dont personne n’est dupe. Le peuple algérien n’a de leçon à recevoir de personne pour bâtir son propre avenir dont le Hirak, par sa radicalité et son inventivité, trace la voix. Les diatribes d’E. Macron confortent les discours les plus rétrogrades, ici et ailleurs. Les peuples français et algérien, unis, aspirent à la vérité, à la justice et à la paix.

Pascal Torre
responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient