Comme si de rien n'était pour certains dirigeants, semble-t-il, la COP26 va s'ouvrir à Glasgow en Ecosse à l'aune des engagements – non respectés – d'il y a 5 ans à Paris. Non respectés puisque non contraignants, contrairement au souhait de l'immense majorité des participants, Etats et citoyen-nes, des « pays du Sud » ; non contraignants selon la volonté des « puissances » occidentales, avides de ne rien céder de leurs « calculs égoïstes » ; et aujourd'hui un retard considérable est pris, la terre brûle ; d'eaux glacées, les océans polaires deviennent des bains-maries ; des espèces vivantes s'éteignent ; et les inégalités socio-économiques n'en finissent plus d'exploser. Non seulement l'appel au cessez-le-feu mondial du secrétaire général de l'ONU n'a pas été entendu mais de nouveaux conflits se sont ouverts, les ventes d'armes ont encore augmenté, et leur utilisation détruit des régions entières qui mettront des décennies à rebâtir des infrastructures viables.

Cette conférence s'ouvre donc « comme si de rien n'était pour certains dirigeants », disais-je, c'est-à-dire comme si la pandémie de Covid19 et la crise sanitaire globale n'avaient pas eu lieu entre-temps. Elles représentent pourtant les manifestations concrètes des dénis, refus et manquements des politiques des pays développés au cours des dernières décennies, et particulièrement depuis la COP 21 ; les manifestations concrètes de l'impact néfaste de modes de production et de développement qui épuisent la nature, selon les mots de Karl Marx.

Ce n'est en effet pas un complet hasard si le coronavirus est apparu dans une ville comme Wuhan dont certaines caractéristiques sont semblables à celles de dizaines de villes dans le monde et espaces urbains qui ont connu une extraordinaire et accélérée extension : « L'explosion immobilière et démographique (considérable et rapide) de la ville de Wuhan, (…) cette densification urbaine, a conduit à faire exploser ses limites et à aménager en périphérie des espaces livrés à l'agro-business (…) ; on a ainsi chassé loin du centre-ville des paysans pauvres violemment dépossédés, par ce raz-de-marée, de leur petite propriété, (…) Ces derniers pour survivre se sont mis à chasser en forêt des animaux sauvages dont la consommation était devenue une mode sur le marché de Wuhan (le pangolin y était une marchandise mise en valeur non par la médecine chinoise traditionnelle ou des superstitions millénaires, mais par une campagne de marketing tout ce qu'il y a de plus moderne) », souligne Bernard Vasseur1.

L'exceptionnelle agressivité d'un virus jusqu'ici inconnu, ses modes de transmission, l'absence de traitement éprouvé, son extrême variabilité et résistance expliquent pour leur part l'étendue de la pandémie de covid19 dans un monde d'intenses mobilités humaines et échanges commerciaux.

A proprement parler mondiales, la pandémie et les crises sanitaires qu'elle a générées ont frappé de plein fouet les pays les plus développés, pays du « Nord », pays « occidentaux », qui se croyaient depuis plusieurs décennies à l'abri des épidémies virales du seul fait de l'existence de systèmes de santé organisés, publics et/ou privés. Or, la pandémie et la crise sanitaire ont révélé au grand jour l'effet général désastreux des logiques strictement financières et comptables imposées aux hôpitaux publics depuis plusieurs décennies par les chantres du néo- et de l'ultra-libéralisme, traités de l'Union européenne et autres « Règles d'or » ; ainsi que de leurs limites. Ces orientations libérales de tout acabit qui ont relégué à l'arrière-plan les exigences sociales, humaines et écologiques sont en premier lieu comptables de la crise sanitaire des pays du « Nord » – crise que les personnels soignants surexploités n'ont cessé, bien avant le covid, de prévenir par leurs mobilisations.

Les dirigeants occidentaux ont alors opposé à la pandémie des réponses exclusivement nationales, et l'ont imposé telle quelle aux peuples du monde au point qu'Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU, dénonce devant la 76e Assemblée générale de l'ONU, le 21 septembre dernier, journée internationale de la paix : « La solidarité est portée disparue – au moment même où nous en avons le plus besoin. »2.
Les crises sanitaires, climatiques et écologiques et les « urgences » sociales confirment effectivement que les menaces et sources d'insécurité sont plus « globales » qu'uniquement « nationales », et qu'elles invitent à l'élaboration de réponses politiques publiques multilatérales, inclusives, où l'interdépendance est facteur de réussite collective grâce aux coopérations (sanitaires, scientifiques, industrielles, économiques) et solidarités qu'elle permet de développer.

Les visées hégémoniques sont inconciliables avec les exigences de sécurité humaine et de sécurité collective.

Tant que l'immense majorité de la population aux 4 coins du globe ne sera pas vaccinée, l'apparition d'un ou plusieurs variants résistants aux vaccins actuels menace de provoquer de nouveaux désastres. Alors que des prouesses scientifiques ont été réalisées pour mettre à disposition des vaccins en un temps record, les logiques de profits, de rentabilité et la mise au ban en Occident des vaccins mis au point par Cuba, la Russie ou la Chine, hypothèquent les possibilités d'endiguer la pandémie. La « renationalisation » d’une question globale, comme celle de la lutte contre le coronavirus, est sur la durée vouée à l’échec tout comme pour les changements climatiques et les insécurités humaines en général.

C'est cet ordre du jour que la COP26 devra traiter avec sérieux par l'engagement, cette fois contraignant, des Etats et des trans- ou multinationales.

L'immense majorité des peuples de la planète l'exige puisque, sur un peu plus d'un million et demi de personnes interrogées par l'ONU dans 193 pays, 97% des répondant-e-s considèrent la coopération internationale comme « essentielle (52%), très (34%) ou assez (17%) importante pour relever les défis mondiaux3 ».

Lydia Samarbakhsh
responsable des relations internationales du PCF

 

1 In Après la crise sanitaire, l'après-capitalisme ? Éditions de l'Humanité, Paris, 2020
2 https://estatements.unmeetings.org/estatements/10.0010/20210921/AT2JoAvm71nq/evrRTWsE4dxD_fr.pdf
3 https://www.un.org/sites/un2.un.org/files/french_shapingourfuturetogether_executivesummary.pdf
Tendance confirmée par l'enquête YouGov en vue de la prochaine Exposition universelle (Dubaï : octobre 2021-mars 2022), dont les résultats ont été publié fin août sur le site Euractiv : « 86% des personnes interrogées expriment la conviction que la coopération internationale est « indispensable à la création d’un avenir meilleur et plus durable pour tous », citée par F. Wurtz dans sa chronique parue dans l'Humanité dimanche du 2 septembre 2021.