Djibouti : Quand les intérêts stratégiques priment sur la condition humaine

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Depuis cinq mandats successifs, obtenus par la répression et le tripatouillage électoral, Ismaïl Omar Guelleh et son clan dirigent le pays d'une main de fer. C'est qu'ils ont su se rendre indispensables à de précieux soutiens internationaux.

Djibouti, qui abrite des bases militaires françaises, étatsuniennes, japonaises, italiennes et chinoises, perçoit pour cela, chaque année, près de 170 millions de dollars de loyers. Ces bases militaires ont pour mission, entre autres, de protéger le détroit de Bab al-Mandab par lequel passent 40 % du pétrole produit dans le monde et 10 % du commerce mondial.

Mais, dans le même temps, la population djiboutienne vit dans un état de pauvreté d'une extrême gravité. Le pays occupe le 166e rang sur 189 de l'indice de développement humain (IDH) de l'ONU ; 45 % des Djiboutiens vivent en moyenne avec moins de 3 dollars par jour et 50 % n'ont pas accès à l'eau potable ni à l'électricité.

Alors que le pays est hautement endetté (70 % de la dette du pays sont détenus par la Chine), Ismaïl Omar Guelleh est, lui, un des dirigeants les plus riches du continent africain. Sa famille possède de nombreux « biens mal acquis », lesquels avaient conduit le magistrat français, Bernard Borrel, à ouvrir une enquête. C'est sans doute pour cette raison que le juge a été assassiné à Djibouti, en octobre 1995. Les investigations pour établir les responsabilités dans sa mort restent difficiles dans la mesure où les présumés coupables semblent bénéficier de nombreuses protections.

Aujourd'hui, la dictature, en raison de l'état de santé chancelante d'Ismaïl Omar Guelleh, est fragilisée mais tout est fait pour prolonger ce régime autocratique en transmettant le pouvoir à un membre de sa famille.

La répression politique se renforce notamment dans la mise en place d'une loi anti-terroriste, qui ouvre la possibilité de faire arrêter les opposants en exil. Devant cette situation, la population est souvent contrainte de fuir le pays et de se réfugier en Ethiopie, comme ont dû le faire 900 familles provenant de Syarou (nord de Djibouti).

Il est nécessaire que la ministre française des Affaires étrangères fasse part, sans délai, à son homologue djiboutien de sa préoccupation face aux nombreuses violations des droits humains, dénoncées par les organisations sur place, en contradiction totale avec les principes énoncés par la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples qui siège à Arusha.

Il y a urgence à ce que, sous l'égide de l'Union africaine et des Nations unies, s'enclenche un processus démocratique permettant au peuple de Djibouti d'exercer enfin en toute liberté sa souveraineté. Il y va là aussi de la contribution à la paix dans la Corne de l'Afrique.

Daniel Feurtet
membre du collectif Afrique du PCF
et de la commission des relations internationales