Intervention de Samba Sy, secrétaire général du PIT-Sénégal

Seul le prononcé fait foi

HOMMAGE A AMATH !

 

Camarade Sénateur, Président du Conseil national du PCF ;

Monsieur le Directeur de la Fondation Gabriel Péri ;

Camarades membres du Comité exécutif national du PCF ;

Mesdames et Messieurs les membres de la famille d’Amath Dansokho ;

Chers camarades du PIT ;
Chers camarades du PCF ;
Chers amis ;


Mesdames et Messieurs,

Le Secrétaire général du Parti de l’indépendance et du travail du Sénégal a le sentiment que ce moment et cet événement sont singuliers.

Singuliers car il s’agit d’Amath Dansokho. Singuliers parce que c’est le PCF qui organise en un lieu mythique. Singuliers au vu d’un contexte dans lequel le rapport au politique est d’une si étrange complexité.

Mesdames et Messieurs, Amath Dansokho se défiait des hommages. Il était assez caustique vis-à-vis des atmosphères empesées dans lesquelles il voyait une certaine pétrification de la vie.

Pour cette raison, à chaque fois que l’on convient d’un temps pour se recueillir sur Amath, il semble quasi indispensable d’en rendre raison. Aussi, je me fais le devoir, après avoir remercié le PCF de ce geste si éloquent de solidarité, je me fais donc le devoir de dire, qu’en tenant une telle rencontre, nous prenons prétexte d’Amath pour nous adresser à nous-mêmes. Autrement dit, nous nous livrons à cette œuvre de mémoire pour nous donner une boussole.

Non point pour trouver la bonne formule dans le cahier du maître car, à l’expérience, il n’en est pas. Plutôt, pour nous inspirer d’un mode d’être afin de frayer un chemin forcément inédit en ces temps bien nouveaux.

Je le redis : notre gratitude est bien grande vis-à-vis de nos camarades du PCF dont la solidarité nous est, une fois de plus, aussi vivement réaffirmée.

Leur geste nous rappelle à nos devoirs, à l’exigence pour nous d’être attentifs au sort de l’humain quel que soit son port d’attache sur la planète.

Que ce geste se produise à la place du Colonel Fabien est, pour nous du Parti de l’indépendance et du travail du Sénégal, lourd de sens ! Car et il ne faut pas s’en cacher, avec la France et pour des raisons qui tiennent à notre histoire commune, les rapports n’ont jamais été simples. Entre autres, parce que si nous n’avons qu’à nous féliciter des relations PCF/PIT, nous ne pouvons dire la même chose pour ce qui est des relations entre nos deux pays. Et ceci et à la vérité, ni hier ni aujourd’hui.

Vous le savez, les accords militaires et monétaires entre la France et nos pays continuent de faire débat chez nous. Des segments importants de nos peuples estiment que nos pays sont sous domination et nos économies sous contrôle de grandes entreprises françaises vidant ainsi de tout contenu les notions d’indépendance nationale et de souveraineté pour lesquels Amath Dansokho a lutté de sa tendre enfance jusqu’à sa mort.

La même politique néocoloniale a conduit – objectivement – à la déstabilisation du Sahel, depuis la mise à mort du Président libyen Kadhafi jusqu’à l’installation au nord du Mali, à Kidal, d’un groupe indépendantiste, le Mouvement national de Libération de l’Azawad (MNLA), avec la quasi interdiction à l’armée malienne et aux autorités de ce pays de s’y rendre, même aux motifs d’y rétablir la souveraineté nationale. De surcroît, c’est ce groupe indépendantiste, allié à des islamistes considérés par les autorités françaises comme « modérés » qui a créé la Coordination des Mouvements de l’AZAWAD imposé à l’État malien comme interlocuteur, à l’occasion des négociations de paix d’Alger. Des négociations que la France a parrainées avec l’Algérie et ayant conduit à un accord de paix rejeté par une bonne partie du peuple malien.

Il faut bien le dire : quelque part, la résolution de faire appliquer les accords d’Alger a jeté le Mali dans une profonde crise. Une crise politique, économique, sociale, sécuritaire qui déstabilise tout le Sahel.

La mobilisation du peuple malien contre l’application de ces accords, conjuguée avec la mobilisation dans les pays de l’Union économique et monétaire de l’Ouest africain (UEMOA) contre le franc CFA et pour une monnaie commune, dans le cadre de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sont de bon augure pour l’abrogation des accords militaires et monétaires ayant dorénavant fait date.

Autrement dit, le moment nous semble venu pour de nouvelles avancées pour nos peuples, toujours en quête de l’atteinte des objectifs d’indépendance et de souveraineté nationale ayant donné sens au combat de toute une vie de Amath Dansokho.

Il demeure, comme je le laissais entrevoir plus haut, que la place du Colonel Fabien et le PCF ont, pour nous, une résonance particulière. Ce lieu de vie est aussi le lieu à partir duquel et très régulièrement nous voyons combien est-ce à tort que l’on juge de façon comminatoire ceux que l’on appelle « les Français ». Sans distraire parmi eux ceux qui, hier comme aujourd’hui, militent pour l’égale dignité humaine, c’est-à-dire pour le respect, partout au monde, de la liberté des peuples, de leur souveraineté, disons simplement de leur droit à une vie pleinement humaine.

A cet égard, il me plait de signaler, sans avoir la prétention d’être exhaustif, le soutien constant du PCF aux émigrés africains, trop souvent exilés, malgré eux, de leur pays d’origine. Ou encore les précieux partenariats des mairies communistes avec beaucoup de communes du Sénégal, dans le cadre de la coopération décentralisée.

Instruits de cette disposition du PCF, nous n’avons jamais hésité à orienter nos compatriotes sénégalais vers nos camarades français car sachant d’expérience qu’ils trouveront toujours porte ouverte, conseils avisés et soutiens réconfortants.

Pour avoir eu très tôt la claire intelligence d’une telle situation, Amath Dansokho avait beaucoup d’amis en France. Il était dans votre pays comme chez lui et y cultivait, comme au Sénégal, des relations chaleureuses avec divers hommes et femmes, compagnons de parcours et de combat, hommes d’esprit, créateurs, hommes politiques, militants syndicaux, bref des hommes et des femmes de toutes conditions.

Mesdames et Messieurs, Amath Dansokho avait un don. Celui de pouvoir se mouvoir aussi bien dans les palais que dans les chaumières avec, partout et toujours, la même arme. Un éclat de rire clair et franc qui exposait, sans qu’il ne cherche à en rajouter, son cœur. Car notre camarade avait du cœur ou, plutôt, il était un grand cœur dont la spontanéité et l’empathie frisaient la naïveté.

Rien d’étonnant dès lors qu’il ait été, ces deux dernières décennies durant, la plaque tournante de la vie politique sénégalaise. Chez Amath, il était courant que ses cadets et camarades que nous sommes rencontrions des personnages dont certains, à nos yeux et pour dire le moins, particulièrement inattendus. Avec lui, le Sénégal a avancé dans la conquête des libertés et de la démocratie en préservant la paix civile et la stabilité.

Nous l’indiquions plus haut, Amath Dansokho était aussi un citoyen du monde. D’abord, parce que très tôt, il a dû partir de chez lui et a eu la chance de croiser, dans sa trajectoire de vie d’éminentes personnalités dont le contact ne peut laisser en vous que des marques indélébiles. Du reste, un de nos camarades, de la même génération qu’Amath, m’indiquait un jour que ce qui les différenciait de nous autres, c’est le vécu auprès de certains dont nous n’avons eu écho qu’au travers de nos lectures…

Ajoutons qu’Amath a aussi eu la chance de se mouvoir longuement dans un contexte où la solidarité internationaliste était autrement vécue. Or, quels que soient les excès ou travers de celle-ci, il me semble difficilement contestable que par les temps qui courent, les hommes de progrès sont orphelins de quelque chose. Précisément ou paradoxalement parce qu’au moment où, de plus en plus, l’on découvre combien le sort de chacun est lié à celui de tous, le liant qui devait s’instaurer entre les forces de même aspiration semble objectivement se relâcher…

Malgré tout, camarades et parce que les hommes ne se posent que les problèmes qu’ils peuvent résoudre, nous disons avec Amath Dansokho et le PCF que nous ne lâchons rien.

En atteste ce moment auquel vous avez tenu et que vous organisez. En attestent toutes les initiatives, à l’instar de la Fête de l’Humanité vers laquelle, envers et malgré tout, convergent des milliers d’hommes et de femmes venant de différents continents et pays.

Avant de finir, je voudrais, chers amis, chers camarades, mesdames et messieurs, renouveler à Babette et à toute la famille d’Amath, l’infinie gratitude du Parti de l’indépendance et du travail. La vie militante et tumultueuse d’Amath a fatalement impacté sur la quiétude et le confort des siens. Trop souvent les dangers qu’il courait ont éveillé chez eux angoisse et inquiétude. Trop souvent leur vie de famille a été perturbée par les nombreuses et interminables réunions se tenant dans le salon d’Amath. Or, malgré tout, ils sont demeurés souriants et accueillants, endurants et compréhensifs. Quelque part, leur manière d’être a permis à Amath Dansokho d’être celui qu’il a été.

Le Parti de l’indépendance et du travail vous salue camarades du Parti communiste français. Il vous redit son engagement et sa détermination avec vous de continuer à agir pour un monde de justice, de paix, de progrès partagés.