Intervention du PCF au séminaire du PCP "Droits, souveraineté, paix. Pour une Europe des travailleurs"

Intervention du PCF

Lydia Samarbakhsh
Responsable des relations internationales du PCF

 

Cher-e-s camarades et ami-e-s,

Je veux d'abord vous transmettre le salut fraternel de mes camarades du PCF, ceux de Pierre Laurent, secrétaire national du PCF et de Patrick Le Hyaric, vice-président du groupe GUE-NGL, membre de l'Exécutif national du PCF et directeur de l'Humanité qui regrettait de ne pouvoir se rendre à Lisbonne personnellement pour cette importante initiative.

Je tiens à remercier la direction du PCP et la délégation du PCP dans la GUE-NGL pour avoir initié l'événement qui nous réunit cet après-midi.

Les forces et partis politiques que nous représentons ici partagent l'essentiel du diagnostic et des causes de la crise européenne aux multiples dimensions que traversent les peuples d'Europe, et partagent largement aussi la volonté politique d'ouvrir des perspectives concrètes d'alternatives à la construction néo- et ultra-libérale de l'Union européenne ; et nous avons tous ensemble et chacun beaucoup travaillé dans ce but.

Pendant des décennies, toute alternative aura été étouffée au point d'être niée par principe (« TINA ») alors que la violence des politiques austéritaires et l'autoritarisme des dirigeants nationaux et institutions européennes pour les imposer aux peuples ont produit une si forte régression depuis la fin de la 2e Guerre mondiale que l'idée même de construction européenne est remise en cause.

25 ans après Maastricht où l'on promettait aux peuples européens l'avènement d'une nouvelle « ère de prospérité » les dégâts sont immenses et profonds au point de compromettre le développement même de nos pays.

Et près de 15 ans après son entrée en vigueur, en dépit de la volonté des peuples consultés par référendum et de tout principe démocratique, le bilan du Traité de Lisbonne – qu'ont refusé de faire la Commission européenne, le Conseil européen, l'EuroGroup et les groupes majoritaires au Parlement européen – est sans appel : pas loin de 30 millions de chômeurs européens (la France passant la barre dite symbolique des 10 millions de travailleur-se-s sans emploi) ; le quart de la population européenne (120 à 125 millions de personnes) frappée de plein fouet par la pauvreté et 20 millions d'entre elles bénéficiant du programme d'aide alimentaire aux plus démunis alors que l'UE, qui représente 8 % de la population mondiale, peut être considérée comme la première puissance économique du globe avec 25 % du PIB mondial.

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L'explosion des inégalités mondiales, intra-UE et dans chacun de nos pays, la violence des politiques anti-sociales et les dégâts qu'elles provoquent nourrissent des colères profondes, bien réelles, qui peuvent prendre différentes formes d'action, différentes expressions dont aucune ne mène « automatiquement », « mécaniquement » à des processus d'élaboration d'une Europe sociale, solidaire et pacifique.

Mais aucun statu quo n'est possible et le choix des travailleurs, des citoyens, des peuples ne peut être réduit, et nous ne pouvons le laisser enfermer, dans la confrontation qu'organisent entre eux Néo- ou ultra-libéraux et extrêmes droites – ces dernières étant promptes à récupérer, dévoyer et instrumentaliser les colères populaires.

Alors dans ces conditions, de quelle Europe sociale pourrait-il bien s'agir pour Macron, Merkel, Juncker ou Moscovici ?

Celle qui a mis à genoux le peuple grec ? Celle qui apporte sa caution au gouvernement Salvini et sa politique libérale tout en cherchant à la contraindre à plus de « discipline » en matière de dettes et dépenses publiques ?... Celle qui travaille à
l' « harmonisation des systèmes de retraite » après avoir organisé la mise en concurrence des travailleurs entre eux et le dumping social ? Celle qui pousse à consacrer 2 % des PIB nationaux à la Défense (en fait, l'armement, les opérations extérieures et le nucléaire) mais ne protège pas les savoir-faire et les moyens de production, ni les services publics...

Ceci étant dit, il ne suffit pas de dresser ce constat, il ne suffit même pas non plus d'avoir été comme c'est le cas du PCF la seule force politique à s'être toujours opposée aux traités européens pour convaincre qu'une alternative de progrès est possible dans l'état actuel de violence des politiques et des traités européens.

Des obstacles existent qui alimentent déception ou renoncement, sentiments d'impuissance ; des obstacles qu'il faut lever en les abordant de front.

Ainsi, les luttes et mouvements qui se sont développées en France n'ont pas pour autant réussi à faire « jonction » et ont abouti de façon variable : de nombreuses luttes existent et se développent pour la défense des services publics délabrés de santé (les hôpitaux, maisons de retraite, la désertification médicale et l'insuffisance de spécialistes, les dégradations de la psychiatrie...), de transport avec le mouvement inédit à la SNCF mais aussi l'impossibilité de ce mouvement à empêcher une nouvelle réforme ; les mouvements des personnels de prison, de police et justice ; les enseignants... et plus largement des luttes, dures, pour sauver des unités de production, des emplois, des brevets, des commerces et des exploitations agricoles – des luttes avec des succès : la lutte des salariés d'Air France et le référendum d'entreprise qui s'est traduit à la défaite du patronat... et puis des échecs : je pense au mouvement contre la réforme du Code du travail ou la lutte des cheminots pour la défense du statut et du service public qui ont eu un écho européen. Elles ne sont pas des luttes victorieuses bien qu'unissant ou recevant le soutien de millions de nos concitoyen-ne-s.

Et demain, 17 novembre, va se dérouler une mobilisation inédite, la journée des « gilets jaunes » qui est l'expression d'un profond mécontentement dans le pays, traduit le malaise de 18 à 20 millions de nos concitoyens que la politique de Macron maltraite autant que ses prédécesseurs (baisses des retraites, des aides sociales, des aides au logement... alors que les cadeaux fiscaux au patronat ont été faramineux) ; ce mouvement soutenu par 75 % des citoyen-ne-s réunit des catégories sociales diverses, méfiantes à l'égard des forces politiques mais dont certaines franges sont infiltrées par l'extrême droite qui veut l'utiliser. Ce mouvement, largement soutenu dans le pays, n'ira évidemment pas « mécaniquement » vers une perspective au bénéfice des catégories populaires et mettant en cause le pouvoir des marchés financiers et du capital si nous ne participons pas à la construction de cette perspective avec les acteurs et actrices de ce mouvement et si nous le laissons sans réponse de gauche.

La tâche prioritaire du Parti est, selon nous, de porter non seulement plus fortement l'exigence de rupture avec le cadre néolibéral actuel mais aussi de mettre en débat très largement comme première mesure structurante, les moyens d'amorcer ce processus de rupture en se donnant pour objectif de mettre en échec, jusqu’à son abrogation, le pacte de stabilité budgétaire européen, véritable camisole de force « austéritaire ».

Toute avancée significative en ce sens, dans chacun de nos pays européens est, selon nous, de nature à contribuer à desserrer cet étau ; aucune n'est à négliger ou sous-estimer en ce qu'elle cherche à contribuer à une inversion du rapport de force par la conjugaison de luttes sociales nationales et européennes, et de batailles politiques et idéologiques capables de porter à l'ordre du jour l'exigence de rupture avec l'orthodoxie austéritaire et libérale et de transformation de la construction européenne par les peuples, les travailleurs, les jeunesses, les retraités, les paysans, les mouvements sociaux, citoyens... pour un nouveau traité social, démocratique, écologique.

Oui, si un tournant net au bénéfice des peuples et des travailleurs, des besoins humains, sociaux, écologiques, un tournant démocratique qui plus est, n'est pas pris, il n'y aura pas d'Europe sociale du tout. Ni à la marge, ni pour quelques-uns au détriment de tous. Et il ne saurait y avoir d'Europe sociale si le choix des peuples se résume à l'alternance entre Libéraux et Extrêmes droites avec des courants populistes naviguant des uns aux autres.

Il y a donc urgence à centrer, dans les luttes sociales et politiques, le projet européen sur des priorités sociales [...].

Il y a donc urgence à centrer, dans les luttes sociales et politiques, le projet européen sur des priorités sociales qui permettent d’ouvrir la voie de manière durable à un véritable codéveloppement entre peuples européens et impulser un nouveau modèle social avancé commun à tous les Européens.

De ce point de vue, nous suivons avec grand intérêt les développements de la situation ici au Portugal (avec sur le plan des mobilisations, la journée d'action d'hier 15 novembre), en Espagne, en Grèce (quoi qu'on pense des choix faits par le gouvernement d'Alexis Tsipras en 2015 et depuis) qui sont trois situations singulières mais nous apportent beaucoup à nous Français notamment sur les possibilités de constructions politiques à vocation majoritaire sur la base d'objectifs communs à l'appui de mobilisations populaires ;

et nous nous félicitons de la déclaration commune, le 11 novembre dernier, des syndicats français et allemand pour une Europe sociale, de coopération et de paix.

Selon nous, et partant des luttes et des enjeux politiques posés, les dimensions principales et constitutives d'une véritable rupture en faveur d'une Europe des travailleurs devraient au moins les éléments suivants :

  • La promotion du plein emploi dit « travail décent ».

  • Le salaire minimum.

  • Une protection sociale de haut niveau.

  • La réduction du temps de travail.

  • La sécurisation des parcours professionnels.

  • La prévalence des droits fondamentaux sur les intérêts économiques.

  • La lutte contre le dumping social et pour la promotion du dialogue social accompagnée de droits et pouvoirs nouveaux pour les travailleurs.

  • Le renforcement de la présence syndicale dans les multinationales et l’extension des Comités d’entreprise européens (C.E.E).

  • Une politique industrielle européenne et un plan de relance de l’économie et de l’investissement public qui ouvrent les chemins de la paix et de la sécurité humaine collective.

Dans ce contexte, le PCF premièrement plaide ardemment, vous le savez, pour la création d'un Fonds européen de développement social et écologique, et Patrick Le Hyaric a encore dernièrement interpellé le président de la Commission européenne en ce sens.

Et, deuxièmement, à l'appui du rapport parlementaire de notre camarade Eric Bocquet, nous portons dans le combat politique la volonté d'une réelle lutte concertée contre l'optimisation, l'évasion et la fraude fiscale et une réévaluation de la fiscalité des multinationales afin que les peuples, les puissances publiques retrouvent les moyens de leurs politiques et choix économiques.

La bataille pour refonder l’Union européenne passe par la réorientation radicale des politiques conduites en son nom dans un pays comme la France, et à la recherche en permanence d’actions articulées du local au national à l’européen.

La proposition d'une « union de nations et de peuples souverains, libres et associés, coopérants, solidaires » parce que nos peuples en ont besoin pour relever des défis communs au lieu d’un fédéralisme au service du néolibéralisme, de la finance appelle à réinvestir plus largement la question de la souveraineté populaire et de la souveraineté nationale dont les dénis et mépris ne sont plus supportables.

Nous voulons pour cela, à l'occasion des Européennes, qui viennent et avec notre chef de file Ian Brossat porter en débat national et à partir des luttes et mobilisations actuelles :

  1. l'exigence de réorientation de la BCE pour placer son pouvoir de création monétaire au service du développement, du progrès social et de la transition écologique.

  2. l'exigence démocratique : donner un rôle accru au parlement européen et aux parlements nationaux, entraînant un recul des pouvoirs de la commission européenne sur laquelle doit s’exercer un contrôle démocratique permanent et effectif.