La lutte contre les violences faites aux femmes dans l’UE : 
De bien trop timides avancées !

Publié le 27 septembre 2023

Dans l'Union européenne, une femme sur trois a subi des violences physiques et/ou sexuelles depuis l'âge de 15 ans. Plus de la moitié des femmes ont été harcelées sexuellement et 22 % des femmes ont subi des violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur partenaire actuel ou passé. 43 % des femmes ont subi des violences psychologiques, dont la plupart ne sont pas signalées.

Lorsque l’on sait que ces violences ont augmenté de façon exponentielle depuis la pandémie, on se rend compte à quel point il s’agit d’un fléau qu’il faut traiter de façon commune en Europe. Et c’est bien là toute l’ambivalence de la question. Il s’agit ici d’un des domaines où, grâce aux mobilisations massives des mouvements féministes, des victoires ont été obtenues ces dernières années, y compris dans les institutions européennes. Mais, dans le même temps, ces avancées se retrouvent confrontées aux blocages d’un certain nombre de gouvernements et de partis politiques, notamment français, au niveau européen.

Il convient d’abord de rappeler que l’instrument international le plus abouti en termes de lutte contre les violences faites aux femmes est européen puisqu’il s’agit de la Convention d’Istanbul (1). Pendant des années, un certain nombre d’États ont bloqué la mise en œuvre de cette Convention en refusant de la ratifier ou en quittant le processus, comme la Pologne en 2020 et la Turquie en 2021. Cependant, malgré ce recul conservateur voire misogyne de certains pays, l’Union européenne en tant que telle a enfin ratifié la Convention en juin 2023 suite à un vote au Parlement européen (2). Celle-ci rentrera donc en vigueur à partir du 1er octobre 2023. C’est une victoire !

Le Parlement européen a d’ailleurs demandé à la Commission européenne, en septembre 2021, de modifier les traités pour faire des violences basées sur le sexe ou le genre un crime au sens du droit européen, au même titre que le terrorisme, la traite des êtres humains, la cybercriminalité, l'exploitation sexuelle et le blanchiment d'argent.

Mais c’est là que le bât blesse : alors qu’il n’y a pas de définition commune des violences sexistes ou sexuelles, certains députés, libéraux notamment, qui défendent une révision des traités, dans le même temps refusent d’intégrer le « viol » dans la révision en cours de la directive « sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique » sous prétexte qu’il n’y a pas de « définition commune du viol ». Autrement dit, lorsqu’il s’agit d’effet d’annonces, il y a du monde, mais lorsqu’il s’agit de protéger les victimes et de poursuivre les auteurs de violence avec des outils juridiques communs, la « grande cause du quinquennat » devient un vœu pieux !

De même en ce qui concerne la lutte contre le trafic d’êtres humains et l’exploitation sexuelle. Le Parlement européen a adopté le 14 septembre dernier un rapport sur la prostitution dans l’UE, ses implications transfrontalières et son impact sur l’égalité entre les hommes et les femmes (3). Pour la première fois depuis 2014 une approche ouvertement abolitionniste (c’est-à-dire visant à protéger les personnes en situation de prostitution tout en pénalisant les clients et les proxénètes) a été adoptée. C’est une grande avancée et un appui pour les mouvements féministes partout en Europe. Cependant, tous les groupes, y compris celui de The LEFT (ex GUE-NGL), ont été divisés (4). Ce sujet va pourtant revenir sur le tapis prochainement puisque le Parlement et la Commission travaillent actuellement à la révision de la directive de 2011 sur La prévention et la lutte contre la traite des êtres humains et la protection des victimes. Or, nous le savons, depuis les débuts de la guerre en Ukraine notamment, le trafic d’êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle ou reproductive (ce qui inclus la GPA) a encore augmenté.

C’est d’ailleurs ce que souligne un document d’orientation de l’OSCE daté de juin 20215 et qui « souligne l’importance de répondre à la demande qui favorise l’exploitation sexuelle, en particulier l’exploitation de la prostitution d’autrui. Il met en lumière le rôle de la demande dans l’encouragement de l’exploitation et le préjudice causé aux victimes ; décrit la portée des obligations et engagements internationaux des États visant à décourager la demande. »

Reste à savoir si ces enjeux seront réellement pris en compte dans les futures négociations au sein des institutions européennes et avec les gouvernements des États membres. Une chose est sûre : la question d’une Europe féministe libérée des violences machistes et de l’exploitation sera bien un des thèmes importants des prochaines élections.   

    Charlotte Balavoine, animatrice
du collectif Europe du secteur international

1. La convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (convention d’Istanbul) est le premier instrument en Europe à établir des normes contraignantes visant spécifiquement à prévenir les violences fondées sur le genre, à protéger les victimes de violences et à sanctionner les auteurs. Attention cependant, car s’il s’agit d’un « texte européen » il ne provient pas des institutions de l’UE puisque le Conseil de l’Europe est une assemblée ou siège les parlementaires nationaux de 46 États membres, dont les 27 de l’UE.   

2. Retrouvez la déclaration du PCF ici : https://www.pcf.fr/ratification_par_l_ue_de_la_convention_d_istanbul_un_pas_positif_pour_la_lutte_contre_les_violences_faites_aux_femmes

3. Retrouvez la déclaration du PCF sur ce vote ici : https://www.pcf.fr/lutte_contre_l_exploitation_et_pour_l_abolition_de_la_prostitution

4. Le rapport été adopté par les députés par 234 voix pour, 175 contre et 122 abstentions. Cependant si pour les députés européens français les LR et socialistes ont voté pour, les députés LFI (contre pour Omarjee et Pelletier, pour pour Aubry) et verts sont divisés (entre le contre pour Delbos Corfield ou Alfonsi et l’abstention pour Jadot, Cormand ou Toussaint). Le RN quant à lui a voté contre le rapport.

5. OSCE ou Organisation pour la paix et la coopération en Europe. Retrouvez la publication ici : https://www.osce.org/cthb/489388