100e anniversaire du Parti communiste indonésien - Message du PCF

L'association Solidarité Indonésie avec les Cahiers de l'Histoire et le département international du PCF a organisé une initiative autour de la création du Parti communiste indonésien (PKI) à l'occasion de son 100e anniversaire. Une quarantaine de participants se sont réunis par visioconférence. Lydia SAMARBAKHSH, responsable des relations internationales, est intervenue au nom de la direction nationale du PCF et du secrétaire national, Fabien ROUSSEL.

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Chers ami-e-s,

C'est avec beaucoup de plaisir que je prends la parole au nom de la direction nationale du PCF et de notre secrétaire national Fabien Roussel, pour saluer le 100e anniversaire de la création du Parti communiste indonésien (PKI), le 23 mai 1920.

J'ai une pensée particulière à ce moment pour notre camarade Pierre Marcie disparu en août dernier et qui avait notamment beaucoup œuvré pour la réussite de la précédente soirée que nous avions co-organisée ensemble au siège du PCF à l'occasion de l'anniversaire des massacres de 1965 qui ont fait de 500 000 à 1 million de victimes selon les estimations faisant suite au coup d’État militaire de Suharto contre le gouvernement de Soekarno .

La fondation et l'histoire du PKI (qui pris ce nom en 1924) sont fondamentalement liées à la lutte contre le colonialisme, hollandais en l'occurrence, à la lutte pour l'indépendance et la souveraineté des peuples d'Indonésie.

Le PKI est à cet égard en Asie un précurseur du mouvement communiste et sera le premier parti communiste d'Asie à adhérer à l'International communiste.

Dans un contexte différent, et un processus aux modalités propres, cela rappelle l'expérience par exemple du Parti communiste sud-africain. Et ces deux organisations communistes, très larges puisque le PKI iront jusqu'à rassembler 3 millions d'adhérents, mettront en évidence par leurs orientations, actions et démarche de rassemblement les articulations fortes entre colonialisme et développement du capitalisme. Ce n’est pas un hasard si sur le sol indonésien fut alors organisée la Conférence de Bandung, premier pas vers la création du Mouvement des Non-Alignés, marquant l’émergence du Tiers-monde comme on disait alors.

Depuis 1965 et les massacres organisés par les forces armées dans tout le pays contre les militants communistes et tout sympathisant, soupçonné ou avéré, le PKI a été décapité -, et il me faut ici rendre hommage à son secrétaire général, Dipa Nusantara Aidit dit Amat, qui fut assassiné le 22 novembre cette année-là. Des milliers de communistes et des sympathisants furent envoyés dans des bagnes comme celui de l'île de Buru où fut incarcéré le célèbre écrivain. Ils restèrent emprisonnés sans jugement durant dix à quinze ans. Estampillées ensuite "ex-prisonniers politiques" (les taipols), ils restèrent ainsi complètement marginalisées au sein de la société indonésienne.

Dissous en 1966, le PKI n'a depuis lors plus eu d'existence légale mais, régulièrement aujourd'hui encore, l'armée et les forces les plus réactionnaires du pays parmi lesquelles les organisations islamistes agitent le spectre d'un retour ou d'une «menace» du PKI comme on a pu l'observer aux élections de 2019.

Brandir cette menace a du poids dans un pays où tout symbole communiste et marxiste, tout propos se référant au PKI ou aux idées communistes est passible d'emprisonnement et de stigmatisation voire de violences dans la société. Pendant des années, à l'école, dans les espaces publics, la propagande a appelé à «tuer les communistes parce que ce sont des mécréants.

Comme c'est le cas dans d'autres pays, l'élimination des forces communistes a non seulement considérablement affaibli la gauche de transformation sociale en Indonésie mais aussi, graduellement, pour une part ouvert un espace aux mouvements religieux qui occupent l'espace politique laissé vacant par les forces du PKI et l'espace social déserté par l’État en créant des écoles, des centres de santé; et aujourd'hui en se proposant aussi comme un modèle d'enseignement religieux exportable à toutes les autres régions du monde.

Les massacres de 1965 ont constitué la troisième séquence de répression anticommuniste après celles de 1926 et 1948; et cet acharnement s'explique dans ce pays dont l'indépendance proclamée en 1945 dans la foulée de la défaite japonaise en Asie ne fut reconnue qu'en 1949 au terme de 4 ans de conflit, par le fait que le PKI était devenu une force politique incontournable et que, de par son poids national, cela fit de lui à une époque le 3e parti communiste le plus important dans le monde après les partis communistes soviétique et chinois.

Ce pays riche en pétrole, en gaz, en caoutchouc et diverses ressources agricoles, ne devait sous aucun prétexte sortir du giron occidental; en éliminant la force communiste le Gal Suharto instaurera la dictature qu'il dirigera d'une main de fer plus de trente ans à la satisfaction de son grand suzerain étasunien qui y dépêcha ses «chicago boys» chargé un régime capitaliste qui poussa dans la misère des millions d’Indonésiens. L’insurrection populaire de 1998 à laquelle participa des forces communistes dans la clandestinité, mit officiellement fin à la dictature. Mais les forces réactionnaires confisquèrent cette victoire du peuple.

Et depuis 1998 que des élections sont à nouveau organisées dans ce pays, que des commentateurs internationaux aiment à qualifier de «3e plus grande démocratie au monde» du fait de sa population (265 millions d'habitants), le parti communiste reste de fait interdit de militer ou de participer aux élections.

L'Indonésie est certes devenue la 19e économie mondiale mais elle est classée au 6e rang des pays les plus inégalitaires au monde et 18% de sa population vit en-dessous du seuil de pauvreté. Là-bas aussi la pandémie du coronavirus aura touché les plus fragiles; la crise économique mondiale que la pandémie a aggravé va percuter des millions d'Indonésiens; enfin, l'archipel fait partie des premiers pays qui subissent les conséquences du réchauffement climatique, raison pour laquelle la construction d'une nouvelle capitale pour le pays a été décidée mais que vont devenir les populations les plus précaires et modestes?

C'est pour toutes ces raisons qu'il nous a semblé important de répondre présents à cette soirée: en hommage aux militants d'hier qui trop nombreux ont payé de leur vie leur engagement mais aussi en solidarité avec les peuples d'Indonésie, avec tous ceux qui ne sont pas résignés devant les profondes inégalités sociales, économiques, les injustices et les atteintes aux libertés et aux droits fondamentaux, en solidarité et en soutien à toutes les forces qui se mobilisent pour qu'un autre avenir se dessine en Indonésie, en Asie et dans le monde.