5G : Remettons la mairie au centre du village

La 5G est tantôt présentée comme la révolution technologique incontournable ou, à l’inverse, comme un danger apocalyptique pour notre santé, nos libertés et la planète. Les exagérations des uns nourrissent les outrances des autres et inversement.

Les révolutions technologiques comme des révolutions politiques ne sont pas prévisibles, elles ont des causes multifactorielles. Le smartphone couplé à la 4G, au streaming, au Wifi et au GPS a été une révolution que personne n’avait vu venir.

La 5G se différencie de l’actuel standard de téléphonie mobile 4G par le débit (1), le temps de latence (2) et la densité du nombre de connexions simultanées (3).

La 5G utilise de nouvelles fréquences de transmissions demandant plus d’antennes, provoquant ainsi pour certains un risque accru de cancers, de dommages génétiques et neurologiques. D’autres soulignent que contrairement aux antennes 4G qui arrosent tout le monde sur une zone, une antenne 5G va se connecter et cibler uniquement les utilisateurs du service, ce qui limiterait fortement l’exposition aux ondes. Pour l’Agence nationale des fréquences, le niveau de l’exposition aux ondes est essentiellement fonction de la densité urbaine et non de l’emploi de la 4G versus celui de la 5G (4).

Il est plus facile de démontrer la toxicité d’une technologique qu’apporter la preuve son innocuité. Ainsi pour l’Agence nationale de sécurité sanitaire (5), « on ne peut pas démontrer qu’il n’y a pas de risques, on ne le pourra jamais [...] la science ne peut pas donner une réponse totalement tranchée sur ces questions ». Elle indique que pour la 3G, 4G ou 5G, le danger principal ne vient pas des antennes mais des téléphones de par leur proximité du corps.

Il existe peu d’études sur la 5G et la santé, leurs conclusions varient selon leurs commanditaires ; mais une majorité avance une nocivité équivalente ou moindre à celle de la 4G. Comme pour toute technologie, il s’agit de voir où on place le curseur du principe de précaution, mais aussi de développer des moyens publics d’expertises et de surveillance réellement indépendants des lobbies en tout genre.

La 5G est énergivore et consomme des terres rares. Ce n’est pas propre à elle mais à tout l’éco système numérique. Cet impact brut du numérique sur le climat croît de manière exponentielle à cause d’une forte demande en électricité. Ce qui pose d’abord la question de la production d’électricité décarbonée et donc de suivre les recommandations du GIEC sur le nucléaire. Mais le numérique dans son ensemble devra faire des choix technologiques réduisant significativement son empreinte écologique.

Il faut nuancer l’impact brut du numérique sur le climat par son impact relatif, car ses usages permettent aussi d’importantes économies d’énergie, de matières premières, de ressources naturelles et de déplacement. On ne peut prendre en compte le numérique et la 5G de manière isolée. Si la 5G ne doit pas être déployée sans cahier des charges limitant drastiquement son empreinte écologique, elle n’est pas pour autant en elle-même écocide et peut même contribuer à une partie de la solution.

Les dangers d’un capitalisme de la surveillance sont déjà là avec l’usage des technologies actuelles, la 5G n’y apporte pas de changement qualitatif.

Les technologies 5G des États-Unis sont en retard par rapport à la Chine, la Corée du sud et l’Europe (Ericsson, Nokia-Alcatel). Pour gagner le temps nécessaire à rattraper leur retard, les États-Unis déploient une double stratégie d’influence : les Chinois sont accusés d’espionnage, et pour bloquer les Coréens et les Européens, on lance en sous-main des campagnes via des ONG et dans les médias accusant la 5G d’être toxique, écocide et liberticide. Les États-Unis entendent refaire leur retard et imposer leurs choix technologiques comme norme internationale.

Les gains de la 5G par rapport à la 4G devraient permettre l’arrivée des véhicules semi autonomes, une robotisation couplée à l’usage du big data et de l’intelligence artificielle, en particulier dans l’industrie et la santé (6)… Ce qui implique plus que jamais de légiférer afin de protéger nos données de santé et non de les offrir à Microsoft. Il est nécessaire aussi de légiférer à partir de l’impact écologique et social, de l’usage de la 5G et du numérique en général par les industries du divertissement et de la culture : jeux vidéo, e-sport, tourisme virtuel…

La 5G ne va pas changer le monde, mais sa combinaison avec d’autres technologies aujourd’hui bridées par les limites de la 4G peut être une révolution dans les entreprises, en particulier sur les interactions entre études, productions, services : le cloud distribué, le stockage et l’analyse des données au plus proche de l’utilisation et des besoins, les réalités augmentées et virtuelles, la robotisation liée à l’intelligence artificielle ainsi que l’industrie des objets connectés. Cette convergence pourrait apporter des usages et des progrès que nous ne pouvons pas encore imaginer dans les domaines de la santé, de l’énergie (7), de l’industrie (8), des déchets, des transports, de l’écologie…

Demain on voit mal une usine s’implantant dans un territoire non connecté à la 5G (9). Une renaissance industrielle de notre pays, assise sur des unités de production distribuées et adaptables aux besoins, ne pourra guère faire l’impasse de la 5G. Un tel choix d’aménagement du territoire ne peut être abandonné aux opérateurs privés et au marché. Ils nécessitent de créer une filière nationale dans le cadre de coopérations européennes autour des télécoms incluant opérateurs du service public, équipementiers, composants électroniques, cyber sécurité et applications. Pour la 5G comme pour d’autres questions, l’État, les collectivités territoriales ne doivent pas mettre en œuvre les politiques publiques que les entreprises veulent bien leur vendre, mais au contraire il faut que les entreprises se mettent au service des choix politiques issus du suffrage universel.

La 5G, pour fonctionner, utilise des fréquences propriété de l’État qui seront mises aux enchères auprès des opérateurs de télécoms. On vend un bien commun public sans véritable contrepartie et sans cohérence de filière. La concurrence des opérateurs privés n’offre aucune garantie de couverture égalitaire des territoires. La valorisation maximum des fréquences primera sur l’aménagement du territoire.

Faute de vision stratégique, de maîtrise de la filière et d’outils publics comme un opérateur de télécoms nationalisé ou des régies de télécoms, la 5G, au lieu d’être un levier de résorption des inégalités territoriales, va creuser la fracture numérique.

Pour le PCF, la question n’est pas de s’opposer à la 5G en elle-même, mais de mettre son usage au service du développement humain sur les territoires, dans le cadre d’une maîtrise publique et citoyenne, intégrant une stratégie numérique globale bas carbone et le respect drastique des normes de rayonnement associé à une stricte surveillance des éventuels effets sanitaires.µ

Yann Le Pollotec, responsable collectif Révolution informationnelle et numérique

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1. Augmentation en moyenne d’un facteur 10G.

2. Le temps de trajet d’une donnée entre l’émetteur/récepteur est fortement réduit par rapport à la 4G.

3. À terme un million d’équipements au km2, soit 10 fois plus que la 4G.

4. https://www.anfr.fr/fileadmin/mediatheque/documents/expace/rapport-paris14-v1.pdf

5. https://www.anses.fr/fr/content/d%C3%A9ploiement-de-la-5g-en-france-l%E2%80%99anses-se-mobilise-pour-%C3%A9valuer-les-risques-pour-la-sant%C3%A9

6. https://www.institutsapiens.fr/wp-content/uploads/2020/07/5G-au-service-de-la-sant%C3%A9-22-juillet.pdf

7. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0306261919316599

8. https://lindustrie40.fr/category/reseau-5g/

9. https://www.industrie-techno.com/article/dossier-comment-la-5g-veut-transformer-les-usines.58966