80e anniversaire de Châteaubriant

« Dimanche 17 octobre 2021, nous allons célébrer le 80e anniversaire de l’exécution de 48 otages à Châteaubriant, Nantes et au Mont-Valérien. J’avais 17 ans et j’étais internée comme eux, dans le camp de Choisel, à Châteaubriant, quand ils ont été fusillés comme otages en représailles, après que le lieutenant-colonel Hotz ait été abattu à Nantes. C’étaient des pères, des frères, des oncles, des cousins, dont le seul tort était d’avoir défendu leurs idéaux et refusé le joug allemand. 27 de mes camarades sont morts pour la France ce jour-là. Il y avait des jeunes, comme moi, qui auraient eu toute la vie devant eux. Comme Guy Môquet, qui s’était épris de moi.

Contrairement à nous autres, détenus, ils ont vite compris qu’ils allaient être exécutés. Mais ils n’ont pas cherché à se rebeller, à provoquer une mutinerie car ils savaient qu’elle se terminerait dans un bain de sang. Ils ont choisi de monter, le front fier, dans les camions, qui les menaient vers une mort certaine, en hurlant une Marseillaise, reprise par les 600 internés. Elle résonna dans tout Châteaubriant, ce mercredi, jour de marché. Comme elle me hante encore aujourd’hui. Ils voulaient que leur sacrifice bouscule les consciences et nourrissent un vent d’indignation et de révolte.

Partout, en France et dans le monde, on a entendu parler des fusillés de Châteaubriant. Hélas, cela n’a été que la première d’une trop longue série d’exécutions massives. J’ai perdu d’autres camarades. Mais je reste persuadée que le retentissement de ces exécutions a définitivement fissuré la politique de Vichy et l’image de l’occupant nazi aux yeux de la population.

De tout mon cœur, à bientôt 99 ans, je souhaite qu’on ne les oublie jamais et qu’on célèbre leur mémoire, de nombreuses décennies encore, bien après ma mort, comme ils nous l’ont demandé. »

Odette Nilès, officier de la Légion d’Honneur et présidente de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt.

 

Oui, ils sont devenus immortels ou intemporels car porteurs d’un combat de classe, du refus de l’oppression, de la soumission, toujours d’actualité, ici et dans le monde. Ils avaient en commun un idéal politique et c’est celui-là qui les a conduits à mourir pour lui. Mais leur objectif final était supérieur : c’était la liberté et la paix pour leur pays, la France.

Leurs dernières lettres sont porteuses d’espoir et irrémédiablement tournées vers l’avenir, vers la vie, vers des jours heureux. Les familles de fusillés, d’internés et de déportés qui ont créé notre Amicale en 1945, avaient ce même objectif de transmission et de construction pour l’avenir. Elles ont collecté chaque centime pour acheter, rénover, développer le site même de l’exécution devenu un musée, inauguré en 2001, porteur d’un projet mémoriel et vivant d’objets personnels des familles, d’anecdotes et de photos. Le projet pédagogique de collecte de terres de lieux d’internement, de déportation ou de résistance s’inscrit dans ce schéma avec des établissements scolaires qui collectent chaque année la terre et des données pour alimenter les 185 alvéoles du monument et la base de données numériques.

Demain s’écrit avec les lettres d’hier, les mots « résistance et détermination ». Voilà ce que l’Amicale, 80 ans après, continue à transmettre pour « rester dignes » de ces hommes, morts pour la France.

Notre association est fière d’organiser une cérémonie, largement rassembleuse, pour rendre un vibrant hommage de la Nation à ses fusillés, dimanche 17 octobre 2021 à Châteaubriant, à 14 h, avec plus de 200 jeunes scolaires, des milliers d’hommes et de femmes venus de toute la France, de l’Italie, de l’Espagne, de l’Algérie, des élus locaux ou nationaux de toutes mouvances, des parents, des grands-parents, des syndicalistes et des personnalités avec, entre autres, Fabien Roussel du Parti communiste français, Philippe Martinez de la CGT, des associations d’anciens combattants et de la mémoire, et tout cela sous le haut patronage de Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants.

C’est la mémoire qui doit nous rassembler pour transmettre le flambeau de la résistance.

Carine Picard Nilès, secrétaire générale de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt.