Argentine : La réaction balayée par les féministes

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Ce vendredi 11 décembre, l’Assemblée nationale argentine a approuvé en première lecture la légalisation de l’IVG. La majorité nette rassemblée autour du texte, de 131 voix contre 117, s’enracine dans les élections législatives de 2019, qui a vu la victoire des forces de gauche, mais aussi, et surtout, dans les vastes mobilisations féministes qui secouent le pays depuis plusieurs années.

Le mouvement social argentin a une longue tradition de luttes des femmes, souvent très symboliques : ainsi les Mères et Grands-Mères de la Place de Mai ont-elles marché les premières contre la dictature, entre les années 1970 et 1980. Mais de nouvelles forces se sont levées dans les dernières années, massives, compactes, profondément renouvelées au plan générationnel et très populaires dans leur composition.
C’est d’abord la lutte contre les féminicides, autour du mot d’ordre « Ni una menos », qui a renforcé la coagulation de ces exigences. Les Rencontres nationales des femmes, tous les 12 octobre, ont permis au mouvement de prendre de l’ampleur et de gagner en organisation, méthodiquement, patiemment, rigoureusement. La dernière édition, en 2018, a rassemblé 100 000 militantes.

Dans ces moments de solidarité et de contact avec le grand nombre, les féministes argentines ont trouvé la force nécessaire d’initier le mouvement des « foulards verts » pour la légalisation de l’avortement. Le pays subit en effet une mortalité terrible du fait des avortements clandestins. La peur qu’elle suscite chez les femmes renforce les liens de sujétion qui les lient à leurs époux et à leurs pères. Il était vital d’abolir cette menace pour pouvoir continuer à avancer sur la voie de la liberté des femmes et de l’égalité des genres. C’est l’exigence qui a retenti dans toutes les rues du pays, en 2018. À l’époque, néanmoins, une forfaiture du sénat avait empêché que la loi n’aboutisse.

Arc-boutée face au mouvement populaire, la majorité conservatrice a donc été balayée comme elle l’a été en Espagne et comme elle le sera en Pologne si les femmes y trouvent les relais politiques de leur colère sociale.

Ces luttes féministes revivifient la vie démocratique dans leur pays respectif et, à l’inverse, chaque avancée démocratique se traduit par une avancée au plan des droits des femmes. Dans une période de poussée conservatrice généralisée, cette méthode a permis de stopper puis de faire reculer les forces réactionnaires et les groupements d’intérêts capitalistes qui les soutiennent.

C’est une leçon militante dont la portée est très large, bien au-delà de l’Argentine ou de l’Amérique latine, et bien au-delà des féministes. Elle oblige notamment les militant·e·s françaises. Nous sommes nous aussi confrontées à un pouvoir qui espère étouffer la voix des femmes et figer les mobilisations. Nous aussi, avons besoin d’élargir les droits démocratiques dans notre pays si nous voulons espérer faire entendre nos revendications, contre les féminicides et les violences, mais aussi, à l’image de nos camarades outre-Atlantique, contre les restrictions au droit à l’IVG et notamment la clause de conscience.

Laureen Genthon,
Conseillère départementale des Hauts-de-Seine