Brésil, une fragile victoire et une alerte de plus pour les peuples du monde

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La victoire aura été difficile et le suspense entretenu jusqu'au bout. Lula da Silva a donc réussi à battre le sortant d’extrême droite Jair Bolsonaro. Mais de peu, ça s’est joué à moins de 1 % (50,9 % pour Lula soit moins de 2 millions de voix d’avance). Le pire a été évité. Ce résultat est assurément un soulagement pour cette majorité de Brésiliens attachée au progrès social et à la démocratie, mais également pour les peuples d’Amérique latine et du monde.

Il faut cependant vite en tirer des enseignements et mesurer à quel point les crises multiples du capitalisme déstabilisent les sociétés et engendrent des monstres. Malgré la violence de la politique régressive et répressive de Bolsonaro, son incurie meurtrière face à la pandémie de Covid, son abandon des classes populaires, le saccage de l’environnement, son racisme et son homophobie, il recueille plus de 49 % des voix. C’est dire si le pays est polarisé, avec une extrême droite renforcée depuis 4 ans, et qui de plus phagocyte l’armée et la police. Malgré toutes les manœuvres, fake news et empêchements de voter, la machinerie Bolsonaro n’a pas réussi à inverser l’élection démocratique de Lula. Mais le spectre d’un coup de force ou même d’un coup d’Etat militaire n'est pas écarté.

La gauche remporte la présidentielle au Brésil dans des conditions de fragilité. La coalition de soutien à Lula est minoritaire à la chambre des députés et dans les régions, dans un contexte économique et social radicalement différent de ses 2 précédents mandats de 2003 à 2011, quand la croissance économique facilitait la lutte contre la pauvreté avec des résultats importants que Bolsonaro a anéanti. Aujourd’hui, encore plus que dans d’autres régions du monde, l’Amérique latine souffre d’une panne économique liée au contexte post-pandémie, à la crise économique et aux conséquences de la guerre en Ukraine.

Dans cette région du monde, de nombreux pays ont basculé à gauche ces dernières années (Mexique, Bolivie, Pérou, Chili, Colombie…). C’est un atout pour construire des politiques d’investissement, d’échanges et de solidarité gagnants-gagnants, pour répondre aux besoins immenses des populations, réduire les inégalités tout en préservant l’environnement. Le défi est de taille car il va falloir résister à des oppositions de droite ou d’extrême droite radicalisées et revanchardes. Sur ce continent ce n’est pas l’islam politique qui sert les intérêts de la réaction mais le pentecôtisme politique, une droite évangélique puissante comme au Brésil, capable d’enrôler les victimes du néolibéralisme pour les enfermer dans une rhétorique de haine et de régression humaine au nom de logiques sectaires. Extrêmes droites politiques ou extrêmes droites religieuses, les mêmes mécanismes dangereux sont à l’œuvre sur la planète, sur fond de nationalisme et d’obscurantisme, le tout pour servir de béquille ultime aux intérêts d’un capitalisme empêtré dans des contradictions de moins en moins dépassables. C’est le résultat de décennies d’ultralibéralisme dont les dégâts pour les sociétés humaines et l’environnement sont immenses, l’Amérique du sud en sait particulièrement quelque chose…

En cela, le résultat de dimanche au Brésil est une alerte, une de plus. Sur tous les continents, nous faisons face au retour de nouvelles bêtes immondes, hybrides et qui avancent masquées. La situation politique de la Suède et de l’Italie en témoigne. Et cette semaine, la percée de l’extrême droite en Israël la met en position de force. L’alliance « Sionisme religieux » obtient 14 députés, le double de la précédente législature, de quoi assurer à l’ancien Premier ministre Netanyahou de revenir au pouvoir, quand bien même il est empêtré jusqu’au coup dans des affaires de corruption.

Comment se fait-il que les forces les plus réactionnaires et dangereuses ont à ce point le vent en poupe sur la planète ? Comme si des millions d’électeurs, fatigués de ne pas comprendre ou de ne pas chercher, désorientés, manipulés, utilisaient leur bulletin de vote pour se jeter dans le précipice ? Pour voir, diraient certains ; comme en France, combien de fois avons-nous entendu le fameux « on n’a jamais essayé Le Pen ».

Pourtant nous ne sommes pas sans bagages pour démasquer le faux discours social du Rassemblement national. A l'Assemblée nationale il a refusé la hausse du SMIC, celle des fonctionnaires. Il est favorable à la suppression des services publics et veut mettre la sécurité sociale à terre. Il vient de voter contre le rétablissement de l'ISF (Impôt sur la fortune). Preuve en est, il est l’outil du système pour défendre la finance et les plus riches. Un piège qui bénéficie d’une large promotion médiatique tant il est efficace. En 50 ans d'existence il n'a d’ailleurs jamais rien apporté au monde du travail, aucune avancée, aucune amélioration des conditions de vie. Il faut le faire savoir !

Dans un environnement où l’analphabétisme politique grandit, des forces travaillent à semer la confusion dans les têtes, à diffuser des idées pourries. Il convient donc de reprendre ou amplifier la bataille des idées, pour démasquer l’imposture des extrêmes droites, et ouvrir des alternatives crédibles à gauche, les seules à même de répondre aux crises systémiques actuelles.

Dominique Josse
responsable du collectif Afrique du PCF
membre de la Commission des relations internationales