Chili : Comment remobiliser après la douche froide du 1er tour ?

Dimanche 21 novembre, le Chili poursuivait son agenda électoral avec le 1er tour des élections présidentielle et législatives. Les résultats de ces élections ont été une véritable surprise, que certains qualifient de « véritable tremblement de terre ».

Le candidat de l’extrême droite José Antonio Kast arrive en tête avec 28 % devant le candidat de l’alliance de gauche « Apruebo Dignidad », Gabriel Boric (26 %). De plus, la droite conserve la tête de l’Assemblée législative et du Sénat.

Personne, à gauche, ne peut cacher sa déception à la suite de l’annonce des résultats. Personne ne peut se cacher derrière un résultat en progrès du Parti communiste chilien qui a gagné douze députés au lieu de huit auparavant et entre pour la première fois au Sénat avec deux sénateurs.

Que s’est-il passé ?

En 2017, un grand mouvement féministe a commencé dans les universités dénonçant le harcèlement sexuel et les violences contre les femmes. Ce mouvement féministe s’est poursuivi et a même réussi à gagner la dépénalisation de l’avortement jusqu’à quatorze semaines. En 2019, un immense mouvement social met des millions de Chiliens dans les rues pour plus de justice sociale. Le point de départ était l’augmentation du prix des transports, mais la colère se construit contre les inégalités d’accès à la santé, contre le système des retraites par capitalisation. Ce mouvement social amènera le président de droite à négocier un calendrier électoral et un référendum sur la Constitution. C’est alors 78 % des électeurs chiliens qui votent pour une nouvelle constitution, pour en finir avec la constitution de Pinochet. Puis en mai 2021, une Assemblée constituante est élue où l’on note une certaine difficulté de la gauche à rassembler les voix et plusieurs groupes dits « indépendants » ou « autonomes » se présentent et gagnent des représentants dans cette assemblée.

À la suite de tout cela, en novembre 2021, l’extrême droite, avec un candidat nostalgique de la dictature de Pinochet, arrive en tête à la présidentielle, et un candidat n’ayant pas mis les pieds au Chili arrive en 3e position. La droite a réussi sa campagne de haine, de mensonge et de peur. La manipulation par les « fakenews », les images violentes du mouvement social de 2019 et la campagne anticommuniste ont fonctionné.

Le candidat de gauche, Gabriel Boric, n’a pas réussi à mobiliser, n’a pas réussi à se donner une posture de Président en capacité de changer la vie des Chiliens, n’a pas réussi à s’adresser au Chili populaire, n’a pas réussi à redonner confiance en la politique, à donner un espoir de grand changement. L’abstention a été forte en effet : 53 %, mais c’était aussi le cas il y a deux ans.

Alors, certes, les partis du président sortant Pinera et ceux du PS et de la démocratie-chrétienne qui avaient été au pouvoir depuis la fin de la dictature ont été sévèrement sanctionnés, mais la sanction et la colère ne renforcent pas forcément la gauche de transformation sociale. C’est un problème rencontré dans beaucoup de pays.

L’expression d’une colère individuelle, ou « corporatiste », sans discours politique, sans donner sens ni espoir en une nouvelle société, sans discours inclusif s’adressant à tout le monde peut être une colère vaine, débouchant sur le pire, l’extrême droite voulant mettre un coup à la démocratie. Cette élection montre une nouvelle fois la défiance d’une majorité de la population envers la politique, mais elle montre aussi l’importance des partis politiques organisés dans la proximité aux législatives.

Il reste maintenant un mois au candidat Boric pour rassembler les millions de Chiliens qui se battent pour un autre Chili depuis deux ans, pour rassembler celles et ceux qui veulent se débarrasser de la Constitution de Pinochet et continuer le chemin de la démocratie, de la justice sociale, du respect de l’environnement.

Cécile Dumas
responsable-adjointe du secteur International du PCF