Comme une évidence, faire taire les armes est la seule issue en Éthiopie

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C'est avec un sentiment personnel que j'écris ce texte car l'avenir de ce pays me tient beaucoup à cœur.

En effet, durant mes fonctions de maire du Blanc-Mesnil, nous avions développé un jumelage coopération avec la ville de Debre Berhan sur les questions d'accès à l'eau potable, de la scolarisation des enfants et des droits des femmes.

Avec l'aide de l'Agence française du développement (AFD), nous avons réussi à ce que l'accès à l'eau potable devienne une réalité au domicile de chaque famille ou par l'intermédiaire de fontaines publiques.

Cette présence de l'eau a considérablement amélioré les conditions d'hygiène et de santé. Malheureusement, avec une municipalité de droite extrême au Blanc-Mesnil, cette coopération s'est arrêtée. Toutefois, nous avons poursuivi, avec la création d'une association, notre coopération avec un petit village de montagne Fadji.

Avec l'aide de la Fondation EDF, nous sommes parvenus à l'électrification de l'école et grâce à l'énergie électrique, nous avons capté et distribué l'eau potable aux enfants et aux familles.

Cette coopération multiple m'a conduit à effectuer de nombreux voyages dans ce beau pays y rencontrant des populations à l'accueil chaleureux.

La guerre débutée en novembre 2020, qui oppose les forces loyales du Premier ministre Abiy Ahmed à la rébellion tigréenne (dirigée par les autorités régionales du Tigré, en dissidence avec le pouvoir central), est un désastre. Elle est insupportable car elle conduit à des souffrances incommensurables, à des milliers de personnes déplacées, à des milliers de morts, à des viols, à la famine, à la déscolarisation des enfants. Aujourd'hui, on a découvert des fosses communes de femmes et d'hommes massacrés.

Je me méfie des analyses trop partielles, trop rapides, de celles et ceux qui proposent des solutions clé en main. Les origines de cette situation sont profondes et complexes comme le souligne l'appel récent de dizaines d'intellectuels africains appelant à la paix.

L’Éthiopie, pays de 120 millions d'habitants, pour une part berceau de l'humanité, qui n'a jamais connu la colonisation, est un pays aux peuples fiers. La tentative d'invasion conduite par les Italiens à la fin du 19e siècle a conduit à la victoire des Éthiopiens à Adoua. Cette journée est fêtée chaque année par les habitants du pays.

L’Éthiopie connaît un certain développement avec une misère toujours présente, mais qui recule lentement. Elle dispose d'un des plus grands troupeaux d'Afrique lui permettant de mieux subvenir aux besoins alimentaires, pouvant également développer une industrie du cuir de qualité.

Les autorités de ce pays pourraient permettre aux paysans et à leurs familles de mieux vivre et d'avancer plus rapidement vers l'auto-suffisance alimentaire en cessant par exemple de vendre des terres et en réalisant les réformes nécessaires.

L’Éthiopie a sur son sol le meilleur du café (Sidamo), il en est d'ailleurs le pays d'origine. Il peut développer cette industrie de qualité.

On peut aussi citer l'horticulture, le tourisme, la richesse du sous-sol peu connue. C'est un pays très jeune à l'éducation qui s'élève. Tout cela peut lui permettre d'imaginer un avenir plus prospère.

La mise en activité du barrage « Renaissance » avec la distribution de l'énergie électrique en constitue un des éléments essentiels. Mais tout cela peut être rapidement remis en cause si la guerre devait se poursuivre.

Il y a donc une double urgence : une urgence permettant l'accès des convois humanitaires dans le Nord du pays, une urgence à trouver une solution politique à ce conflit qui porte en germe un risque de fragmentation. Cette dernière aurait de graves conséquences, non seulement pour l’Éthiopie, mais pour la situation générale dans la Corne de l'Afrique, voire pour le continent.

Il suffit d'avoir en tête les situations à toutes les frontières de l’Éthiopie. La dernière tentative de coup d’État au Soudan est là pour en témoigner. Il existe d'ailleurs des différends entre Khartoum et Addis Abeba sur la délimitation des frontières. Des tensions s'aiguisent avec l’Égypte et, dans une moindre mesure, avec le Soudan sur la question du partage des eaux du Nil, perturbé par le futur barrage. Sans oublier les encombrants voisins de l'autre rive de la mer Rouge.

Le Premier ministre éthiopien a reçu un prix Nobel de la Paix pour avoir contribué à l'apaisement des tensions dans la sous-région. Mais ce prix Nobel est entaché par la guerre qui ravage le Nord de l’Éthiopie. L'engrenage de la violence et l'enlisement du conflit le placent à la croisée des chemins. Raison de plus pour qu'il prenne conscience, même s'il est tard, de l'impasse de la guerre, et qu'il trouve le sursaut d'impulser une solution politique. Faire taire les armes, il n'y a pas d'autre issue.

Cela implique la fin des ingérences étrangères. Toute solution se fera sous le sceau des Nations Unies et ce malgré l'expulsion de diplomates de l'ONU qui constitue une très mauvaise nouvelle. L'Union africaine dont le siège se trouve à Addis Abeba a un rôle essentiel dans la recherche d'une solution politique.

Je crois aussi que l’Éthiopie est à un carrefour de son histoire politique, d'une nouvelle articulation avec la construction d'un Etat fort assumant avec détermination toutes ses missions régaliennes et, en même temps, une nouvelle régionalisation fondée moins sur l'ethnie que sur l'existence d'une citoyenneté du 21e siècle renforçant la concorde nationale.

Cela nécessitera peut-être un réexamen de la constitution actuelle. L’Éthiopie est un pays qui connaît la patience du temps. Faisons confiance mais surtout aidons les Éthiopiens pour qu'ils trouvent une solution politique durable à ce dangereux conflit.

L’Éthiopie, comme le monde, a besoin de paix.

Daniel Feurtet
membre du collectif Afrique du PCF