Conjoncture : de chocs en chocs, tout un système en cause

Une note d’Yves Dimicoli consultable dans son intégralité sur le blog d’Économie et politique (1)

Douze ans après la crise financière, la crise actuelle (sanitaire et économique pour l’heure, avec des effondrements financiers partiels en attendant un collapsus financier plus global) n’est pas une simple répétition de ce qui s’est passé en 2008. Elle est potentiellement beaucoup plus dommageable, l’économie mondiale, et en particulier celles des pays de l’OCDE, ayant été très gravement abîmée par l’exacerbation de la domination des capitaux financiers qu’ont engendrée les tentatives de réponses capitalistes à l’épisode de 2008.

C’est là le premier canal de transmission des chocs qui affectent l’économie mondiale. Le deuxième canal est l’effondrement de l’« offre » dans le monde entier avec la mise à l’arrêt d’une grande partie des productions, les suppressions d’emplois, les faillites, la rupture de chaînes d’approvisionnement. Le troisième passe par la chute de la demande : gel des embauches et des investissements, baisse de la consommation et ralentissement du commerce international.

La note fait la synthèse des données disponibles sur le choc ressenti par l’économie chinoise, en première ligne face au tsunami sanitaire et économique. Elle traite des premières conséquences de la mise à l’arrêt de secteurs entiers dans la zone euro, particulièrement vulnérable dans la mondialisation capitaliste, aux États-Unis où une gigantesque suraccumulation de capitaux matériels et surtout financiers est prête à exploser, au Moyen-Orient et en Afrique où une catastrophe se prépare. La crise pourrait accélérer un mouvement accru de régionalisation de la mondialisation, engagé bien avant le choc pandémique. Le thème de la « relocalisation » pourrait être ainsi mis en avant, de façon national-populiste, sans aucune préoccupation pour les dégâts sociaux engendrés dans les pays ciblés, y compris pour faire accepter des augmentations de prix finales aux consommateurs qui profiteront aux multinationales. Or ce sont elles les responsables des délocalisations encouragées par les États.

Là-dessus se greffe l’incertitude sur les effets de l’effondrement du prix du pétrole, qui risquent d’être surtout négatifs. Au total, ce sera un choc systémique entraînant le risque d’une récession mondiale de plusieurs points, phénomène jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale.

Alors que la Chine s’est montrée capable d’endiguer la pandémie due au coronavirus en mettant entre parenthèses les exigences de profit, y compris des multinationales étrangères qui y sont implantées, le bras de fer économique et financier va se doubler d’un bras de fer sur le modèle de développement et les systèmes de valeur, avec la question cruciale des services publics et des pouvoirs des salariés et populations sur l’utilisation de l’argent. Au lieu d’entrer dans une guerre d’attraction des capitaux avec les États-Unis, en faisant un bond en avant dans le fédéralisme et la soumission à la dictature des marchés financiers avec les « coronabonds », l’Europe devrait au contraire développer comme jamais son modèle social, contre le modèle anglo-saxon, en utilisant autrement la BCE et l’euro, et se rapprocher de la Chine pour imposer une alternative à l’hégémonie du dollar via une monnaie commune mondiale de coopération.

Tout semble indiquer que l’on va vers des convulsions violentes. Si reprise il y a, dans un délai incertain qui dépendra du temps nécessaire pour venir à bout de l’épidémie, celle-ci risque d’être extrêmement précaire et menacée par la guerre monétaro-financière entre États et entre multinationales. Le déclenchement d’un super-krach financier pourrait faire basculer le monde entier dans une dépression durable dont la conjuration exigera des luttes pour des changements très profonds chacun chez soi et avec les autres.

1. https://www.economie-et-politique.org/2020/03/31/conjoncture-de-chocs-en-chocs-tout-un-systeme-en-cause/