COP 27 : Face au changement climatique, le besoin d'une gouvernance globale

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La 27e conférence des Nations unies sur le changement climatique s’est ouverte le 6 novembre dernier, pour quinze jours, en Égypte. Elle se déroule dans un pays qui exerce une répression implacable envers les opposants politiques, les militants écologistes, leur infligeant des conditions de détention cruelles et inhumaines. Cette COP 27 se veut celle de la mise en œuvre des engagements climatiques adoptés antérieurement.

196 pays sont réunis à Charm el-Cheikh avec la présence d’une centaine de chefs d’État. La Chine, l’Inde, la Russie, le Japon, l’Australie, la Turquie et le Canada n’ont pas délégué de dirigeants de premier plan.
En dépit des bonnes volontés, des annonces grandiloquentes et tonitruantes qui n’ont pas manqué de se multiplier, il y a fort à parier que cette agitation éphémère ne débouche pas sur de grandes avancées.

La présence de sponsors comme Coca-Cola, Egypt-Air, d’Hassan Allam Holding (pétrole et gaz) mais aussi du PDG de Total témoigne de la volonté des grands pollueurs de la planète de peser sur les débats. Ils entendent par exemple faire intégrer le gaz, pourtant émetteur de CO2, comme énergie de transition !

Montée des périls

Nous sommes entrés dans une nouvelle période, celle de l’anthropocène, c’est-à-dire une nouvelle ère géologique qui se caractérise par l’impact déterminant des activités humaines sur les équilibres de la biosphère et par une pression sur les ressources naturelles. Mais en ne pointant que l’activité humaine, l’anthropocène semble cautionner l’idée que la pression sur l’environnement est liée exclusivement à la nature humaine et non au système économique dans lequel il a inscrit son activité. C’est la raison pour laquelle s’est développée plus récemment la notion de capitalocène.

En effet, la relation que la société capitaliste a instauré avec le vivant autorisant l’appropriation et l’exploitation des ressources naturelles est désormais en première ligne des remises en question.

Partout les catastrophes se multiplient et s’accélèrent avec des phénomènes extrêmes : destructions, incendies, inondations, submersions marines, salinisation des terres, sécheresses, exils forcés, drames humains avec toutes les conséquences économiques, sociales et culturelles. Les années 2015-2022 ont été les plus chaudes jamais enregistrées. La canicule de 2022 a fait près de 15 000 morts en Europe. Les inondations au Pakistan ont fait 1700 morts et ont touché 33 millions de personnes.

Selon le secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutteres : « les populations d’Afrique, d’Asie, d’Amérique centrale et du sud, les habitants des petits États insulaires ont 15 fois plus de risque de mourir dans une catastrophe climatique ».

Même si tout n’est pas négatif, force est de constater que les principaux objectifs de l’accord de Paris ne sont pas tenus : échec de la limitation du réchauffement climatique, progression des gaz à effet de serre (GES), insuffisance des plans de lutte nationaux, manque d’unité internationale et de volonté de financement pour l’adaptation des pays en développement, pour les préjudices subis par les pays les plus vulnérables, permanence des énergies fossiles…

Il n’y a plus de trajectoires crédibles pour limiter le réchauffement et nous nous dirigeons vers une configuration catastrophique de +2,7°C.

De plus, cette lutte nécessite une union des pays. Or le contexte international marqué par la guerre en Ukraine, les tensions entre la Chine et les États-Unis, les menaces sur la production alimentaire ou la crise énergétique augure mal de l’avenir.

Enjeux de la COP 27

Les enjeux de cette COP 27 sont multiples. Ils visent à discuter de la mise en œuvre des accords de Paris et notamment de la réduction des GES. Les États devaient présenter une feuille de route avec des ambitions à la hausse. Or seuls 24 d’entre eux l’on fait traduisant le manque d’ambition de la plupart des États. Certains bataillent même pour que la référence de limitation à +1,5°C ne figure plus dans la résolution finale.

Lors des précédentes COP, les pays européens avaient mis l’accent sur l’atténuation et la réduction des émissions de CO2. Sous la pression des émergents, de l’Afrique et des pays les plus vulnérables la priorité sera ici donnée à l’adaptation au changement climatique. Les débats se sont déplacés sur les « pertes et préjudices » pour savoir qui doit payer les conséquences du changement climatique.

Or ne perdons pas de vue que le développement des pays occidentaux, qui sont les pollueurs historiques, résulte en partie du pillage en ressources naturelles et humaines des autres pays. Cette domination a perduré après la décolonisation avec l’imposition des modèles productivistes ou de l’État-nation et la règle de la croissance impérative du PIB. Les instances financières internationales (FMI, Banque Mondiale…) ont été le bras armé de ces politiques mortifères.

Cette COP entend faire le point sur le respect des engagements financiers pris par les pays riches. Ils s’étaient engagés à verser 100 milliards de dollars mais le compte n’y est pas car seuls les ¾ de la somme ont été versés.

Enfin l’objectif de cette COP est de mettre en évidence les « pertes et préjudices » déjà irréversibles subis par les pays les plus vulnérables. Ils exigent que les émetteurs historiques ainsi que les gros émetteurs actuels (Chine) paient une juste compensation. Les intéressés reconnaissent le fait mais refusent des financements spécifiques.

L’intervention d’Emmanuel Macron

E. Macron, présent à la COP 27, a comme souvent brillé par un égrenage d’idées creuses. Il a débuté son intervention par un satisfecit de sa politique climatique oubliant de dire qu’elle est un désastre ayant conduit à une condamnation de notre pays.

Après avoir déclaré que « la guerre en Ukraine ne doit pas constituer une excuse pour reculer sur les objectifs climatiques », il s’est livré à son exercice favori : faire la leçon à tout le monde.

Même si nous pouvons nous féliciter de l’engagement d’interdire l’exploitation des grands fonds marins, aucune mesure précise n’a été énoncée si ce n’est la mise en place d’un contrat pour protéger les écosystèmes des pays du sud qui laisse craindre l’utilisation accrue de crédits de compensation carbone.

Les COP ont-elles encore un sens ?

Censées depuis 30 ans développer une lutte mondiale contre le réchauffement climatique, les COP multiplient chaque année les messages rassurants. Les résultats progressent cependant nettement moins vite que les émissions de GES !

Certes les COP constituent une arène de discussion indispensable permettant de faire dialoguer les nations et de pointer la responsabilité des puissances occidentales dans la crise écologique.

Mais ont-elles vraiment un sens lorsque l’on sait que les principales décisions se prendront lors de la réunion du club oligarchique du G20 et que les engagements ne sont pas tenus ? De toute évidence, le GIEC ou les ONG ont des actions plus structurantes que les Etats, véritables promoteurs de lenteur.

Les COP ne sont en rien l’antichambre du multilatéralisme dont nous avons impérieusement besoin.

Il devrait être évident que dans un monde globalisé, la réponse que doit apporter l’humanité à un défi commun devrait être collective. Seule une action multilatérale peut se révéler efficace. Ce ne sont pas les COP successives qui réussiront à endiguer le changement climatique. Nous avons besoin, non pas de partir de cette éternelle négociation interétatique mais de la fixation des besoins collectifs. Jamais la question de la gouvernance globale ne s’est posée avec autant d’acuité.

Pascal Torre
responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient