Covid-19: Violence, autoritarisme et mensonges au Moyen-Orient et au Maghreb

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Régions les plus inégalitaires du monde et soumises à des guerres récurrentes et meurtrières le Moyen-Orient mais aussi le Maghreb doivent faire face à une montée dangereuse de la pandémie de Covid-19. Les dénis des dirigeants, la censure, l'absence de transparence, le contrôle de l'information et les communiqués rassurants ne permettent pas de se faire idée claire de la situation même si tous les indicateurs traduisent inexorablement une progression rapide de la maladie. Dans ce contexte, la peur, la colère et la défiance déjà largement entamée montent dans les populations.

En Iran, l'un des premiers foyers mondiaux, la pandémie continue à faire des ravages mais ne fait l'objet que d'une couverture médiatique minimale et une falsification grossière sous-estime à outrance le nombre de victimes. Les sanctions adoptées par les États-Unis, en dépit d'un appel de l'ONU à les lever, accentuent la crise sanitaire et ce n'est pas l'initiative symbolique de la structure Instex (Instrument in Support of Trade Exchanges) des pays européens qui améliorera la situation. Le régime profite du contexte pour couvrir de louanges les gardiens de la Révolution ainsi que le clergé alors que les personnels soignants sont contraints au mutisme. Les informations qui circulent sur les réseaux sociaux font l'objet d'une surveillance accrue et le pouvoir a procédé à de nombreuses arrestations dans ces milieux.

En raison de son importance démographique et des fortes densités dans la région du Caire, l’Égypte constitue une véritable bombe virale. Le mensonge, pendant quinze jours, a été le premier réflexe de la dictature du maréchal al-Sissi. Les mesures de protection actuelles témoignent de l'ampleur des dissimulations du pouvoir face à la croissance des contaminations et des décès. Les autorités diffusent de fausses nouvelles, incarcèrent des blogueurs indépendants et réduisent au silence les médecins. Avec l'absence de mesures sociales en faveur des plus pauvres, il est vain d'envisager d'enrayer cette propagation.

En Turquie, la croissance exponentielle du nombre de cas est également masquée par les autorités. Le patronat turc continue à inviter les travailleurs à se rendre sur leur lieu de travail, à consommer dans les supermarchés pour soutenir une économie déjà chancelante. Dans le même esprit, les prières du vendredi se poursuivent afin d'expliquer aux fidèles la nécessité d'une certaine distanciation. Le gouvernement se refuse à prendre des mesures de confinement en dépit des protestations du CHP et du HDP et R.T. Erdogan a fait interpeller plus de 500 internautes pour "provocations" et "fausses nouvelles".

Le nouveau pouvoir algérien, dans la continuité des précédents s'en prend aux "détracteurs", aux "défaitistes" alors qu'il prétend rassurer la population en affirmant que la situation est sous contrôle. Les contrevenants sont menacés de poursuites judiciaires mais l'esprit de liberté qui flotte sur l'Algérie depuis février a conduit les médecins et les citoyens à braver ces interdits.

L'incompétence des dirigeants, les manipulations et leur mépris de leur société frappent partout à l'identique.

Dans les régions en guerre, la crainte du désastre annoncé se fait chaque jour plus pressante. Il en va ainsi à Gaza, en Syrie dans les camps de prisonniers, les zones de combats comme Idlib frappant de plein fouet les réfugiés démunis. La pandémie pourrait prendre un caractère dramatique.

En Israël, B. Netanyahou a mis en place un système de surveillance de masse par la collecte des données personnelles permettant de contrôler les populations et restreignant les libertés.

Dans les pays du Golfe (Émirats arabes unis, Arabie saoudite, Koweït, Qatar...) la pandémie accroît le mépris à l'égard des migrants du sud-est asiatique. Privés de droits, suspectés d'être des vecteurs de la maladie, assignés à des rôles dégradants, ils sont pourtant contraints de poursuivre leurs activités sur les chantiers de constructions.

L'importance et la gravité de la pandémie va mettre à rude épreuve des systèmes de santé affaiblis ou détruits par les politiques néolibérales et les guerres. A n'en pas douter, les plus puissants bénéficieront seuls de l'accès aux soins ou auront les moyens de fuir tandis que les populations subiront la mort ou la brutale répression.

Enfin, les tyrans régionaux voient dans la pandémie un moyen de calmer les contestations qui se déroulent en Irak, au Liban ou en Algérie. Ils estiment ainsi que cela retardera la déflagration sociale que pourrait provoquer l'effondrement des économies déjà vulnérables. Sur ces terreaux, les forces obscurantistes ne manqueront pas de prospérer.

Il est donc totalement illusoire de considérer qu'il y aurait des solutions exclusivement nationales à un problème global. La solidarité et la coopération constituent un impératif pour sortir de cette spirale mortifère.

Pascal TORRE
responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient