Commission des relations internationales: introduction de Lydia Samarbakhsh

Cher-e-s camarades,

C'est un plaisir de reprendre nos réunions ici au comité national du parti après quasiment deux ans de travail à distance et, notamment, les deux réunions de commissions en visioconférence ; bien que de grande qualité, elles n'ont pas toujours compenser l'avantage d'échanges plus réguliers autour d'une même table.

Nous allons consacrer nos échanges aux propositions que nous allons porter, aux initiatives et gestes à produire au cours des mois de campagne des élections présidentielle et législatives.

Plusieurs événements internationaux, de nature différente, permettent aujourd'hui au parti de donner un plus large écho à son analyse de la situation internationale et sa vision d'un nouvel ordre mondial fondé sur la promotion des intérêts des forces du travail et de la création et l'exigence de solidarité entre les peuples, enfin de ses propositions pour une autre politique internationale et européenne de la France, nourrie de culture de paix.

Sans brosser un état du monde, je veux mettre en évidence ce qui dans la situation et les événements ouvrent d'espaces à investir pour élever le niveau de notre intervention et mettre en débats nos idées et propositions. De quelle manière leur donner la force de peser sur les choix politiques : peut-être en commençant par les porter à l'ordre du jour des campagnes.

Pour saisir cette opportunité de peser dans le débat politique et dans un certain nombre de choix déterminants, nous ne pouvons nous-mêmes nous contenter d'une lecture de ces évolutions à l'aide de repères anciens. Si la nature de l'affrontement entre forces du capital et du travail n'a pas changé, il y a bien des conditions et caractéristiques inexistantes il y a cinquante ans dont il faut tenir compte. Nous savons que l'histoire, si elle lui arrive de bégayer, ne se répète pas et c'est bien le problème posé à une Administration américaine dont le mot d'ordre est « L'Amérique est de retour » et qui partage avec tous ses prédécesseurs la même orientation qui est de maintenir et consolider l'hégémonie US. Le combat internationaliste que nous menons ne consiste pas à remplacer une hégémonie par une autre mais bien d'imposer d'autres dynamiques, règles communes et politiques.

L'interdépendance des économies à l'échelle mondiale est un de ces facteurs essentiels qui entrent en opposition directe avec une conception du monde en blocs antagoniques stricts, ce monde-là n'existe plus et n'est pas celui qui se dessine malgré la volonté ferme et les tentatives des dirigeants occidentaux de le faire renaître. Il ne suffira pas comme le fait Biden de clamer la constitution d'un camp des « démocraties » contre celui des « régimes autoritaires » pour que ce soit vrai, quand, dans ce prétendu camp des démocraties, non seulement sont inclus des régimes autoritaires mais qu'au surplus les divergences d'intérêts s'accumulent entre ses membres. La crise de l'OTAN est révélatrice de l'impossibilité de faire perdurer plus longtemps des systèmes d'alliances d'un autre âge fondés sur l'antagonisme de blocs ou pôles politiques ou idéologiques, voire – et c'est encore plus dangereux, culturels. C'est précisément la même raison pour laquelle le projet de « défense européenne » dans une UE en crise et divisée et dont les forces libérales reprennent l'initiative ne peut constituer une réponse aux enjeux de sécurité collective et, qu'a fortiori arrimé à l'OTAN, il représente une étape supplémentaire de vassalisation des pays membres de l'UE à l'hégémonie US.

Le deuxième facteur qui affaiblit l'hypothèse d'une simple répétition de « guerre froide » à l'ancienne, et à la différence de la situation antagonique qui fut celle des USA vis-à-vis de l'URSS au siècle dernier, est l'interdépendance des deux premières économies mondiales elles-mêmes, qui limite leurs marges de manœuvres et invalide pour l'heure l'hypothèse d'un affrontement militaire direct. Pour autant, elle n'empêche pas, bien au contraire, l'accroissement des dépenses militaires et la compétition sur le terrain des ventes d'armes ; terrain de concurrence entre les États-Unis et aussi ses propres alliés de l'OTAN, en ce que les Etats-Unis qui considèrent comme leur « chasse-gardée » le commerce de matériels militaires majeurs avec les pays de l'Alliance atlantique – ainsi que l'affaire des sous-marins australiens vient une nouvelle fois de le montrer.

Le troisième facteur dont il faut tenir compte est la poursuite d'un mouvement d'émergence de pôles régionaux et d'acteurs régionaux sans lesquels aucune politique internationale d'une « puissance mondiale » hors de son territoire et de sa région ne peut faire abstraction. La notion même de « puissance » dans ce monde « globalisé » est à interroger quand bien même les logiques de domination perdurent et quand bien même la première puissance mondiale maintienne son ambition « impériale » ; elle n'a plus tout à fait les moyens de ses ambitions et elle le sait.

Le quatrième facteur, et peut-être le plus important, est que l'ampleur des crises financières du début du siècle, des décennies de politiques d'austérité et de privatisation, de la multiplication des accords de libre-échange et de désengagement des États dont les capacités d'action ont été affaiblies sciemment est tel que les inégalités socio-économiques atteignent des niveaux records, que les sociétés « se fracturent » et que, depuis vingt ans, des mouvements sociaux et de société sans précédents dans de nombreux pays, sur tous les continents, se développent contestant l'ordre établi ; sans pour autant trouver d'issue politique du fait surtout de l'absence de perspective à gauche certains mouvements se sont révélés capables, dans plusieurs cas notables, par exemple de mettre à bas des dictateurs installés depuis des décennies et d'ouvrir de nouveaux chapitres politiques. Les mouvements sociaux et politiques posent des questions politiques de fond ; et au déclenchement de la pandémie, c'est même le sens de nos sociétés qui a été interrogé.

Une pandémie qui perdure

Depuis son apparition, l'épidémie de coronavirus a tué 4 750 209 personnes pour 231 937 757 cas recensés, selon le comptage de l'université Johns Hopkins (JHU), au vendredi 27 septembre 20211.
Les États-Unis sont le pays le plus endeuillé avec 688 051 morts (pour 40 millions de cas). Ils sont suivis du Brésil qui compte 594 443 morts (pour 21 millions de cas), du Mexique avec 275 450 morts pour 3 600 000 de cas, de l'Inde, submergée par la dernière vague, avec 447 194 morts (pour plus de 33 millions de cas), du Royaume-Uni (136 529), de la Turquie (68 166).
En Europe, outre le Royaume-Uni, l'Italie (130 697), la France (117 195) et l'Allemagne (93 410) qui ont jusqu'à présent été les plus durement frappés. La Russie déplore 201 015 décès. En Asie, l'un des pays le plus fortement touché est l'Iran, avec 119 649 décès. »

Malgré le retour des salariés au travail, la reprise d'activités des commerces et restaurants, lieux de culture ou de sport, la reprise conditionnée au passe sanitaire de déplacements internationaux et malgré le taux, dans notre pays, de vaccination, la pandémie de Covid19 reste d'une intense actualité du fait de l'absence de véritables coordinations internationales de lutte contre la pandémie et la diminution de 8,8% au plan mondial des heures travaillées soit l'équivalent de la destruction de l'équivalent de 255 millions d'emplois à temps plein ; une baisse des revenus du travail de 8,3% soit 4 points du PIB mondial2. A l'augmentation du chômage et de l'inactivité, à la baisse des revenus, s'est ajoutée l'augmentation des prix de base alimentaire et de prix de l'énergie, faisant plonger ou replonger une part de la population mondiale dans la pauvreté, et c'est aussi vrai en France.

Le caractère profondément inégalitaire d'accès au vaccin au plan international, imposé par les compagnies pharmaceutiques occidentales, lesquelles sont appuyées par les autorités étasuniennes et européennes qui refusent la levée de brevets, sont, avec la sélectivité d'homologation par l'UE des vaccins russes, chinois ou cubains, les premières causes d'une situation sanitaire qui peut, à nouveau, connaître une crise mondiale. « L’urgence désormais, pour la sécurité mondiale est de vacciner le plus de personnes possible sur Terre. » dit Antoine Flahault , épidémiologiste à l’Institut de santé globale de Genève.

Antonio Guterres a eu raison d'affirmer devant la 76e Assemblée générale de l'ONU, le 21 septembre, journée internationale de la paix : « La solidarité est portée disparue – au moment même où nous en avons le plus besoin. »3

Tant que l'immense majorité de la population aux 4 coins du globe ne sera pas vaccinée, l'apparition d'un ou plusieurs variants résistant aux vaccins actuels menace de provoquer de nouveaux désastres. Alors que des prouesses scientifiques ont été réalisées pour mettre à disposition des vaccins en un temps record, les logiques de profits et de rentabilité hypothèquent les possibilités d'endiguer la pandémie.

De ce point de vue, les dons annoncés ces jours derniers, dans le cadre du mécanisme COVAX (critiqué pour son manque de prise en compte des réalités et besoins sanitaires des pays du Sud), par la France, les États-Unis ou l'Union européenne ne suffiront pas à rectifier le tir ; ils demeurent largement en-deçà des besoins quand, pire, les doses en question n'arrivent pas périmées. La course à l'achat de doses des pays développés a fait passer à l'arrière-plan la fourniture des pays du Sud et se solde au Nord par d'importants gâchis de doses non administrées dans la date limite de leur validité.

En résumé, ce qui fait obstacle dans la lutte contre la pandémie et au « redémarrage » de l'économie, ce sont bien les logiques dominantes de l'ordre international.

Le mécanisme COVAX est certainement parlant des limites de la situation actuelle du multilatéralisme, et de la fragilisation des institutions multilatérales par la première puissance mondiale et les logiques de puissance, de domination et de profits. Ce mécanisme aurait dû et devrait outre coordonner la solidarité et la coopération pour un accès équitable au vaccin, se faire instrument de la bataille pour la levée des brevets et les transferts de technologie qui, seuls, permettent une quelconque égalité de traitement de la population mondiale : « Tant qu’on n’aura pas réussi à mondialiser le vaccin, à obtenir la levée des brevets, le risque de mutation sera toujours présent », a résumé Matthieu Lafaurie, infectiologue à l’hôpital Saint-Louis (AP-HP) de Paris.

Cette pandémie se joue des territoires et renforcent les inégalités. Pour y faire face, les dirigeants occidentaux lui ont opposé des réponses exclusivement nationales alors que la « renationalisation » d’une question globale est sur la durée vouée à l’échec dans ce domaine comme sur le changement climatique et les insécurités humaines en général.

Un « autre » ordre mondial

La pandémie et les crises sanitaires, écologiques et économiques mettent en évidence un besoin de changement et de basculement vers de nouvelles logiques de société, de civilisation humaine et de relations internationales.

La question de la « gouvernance », c'est-à-dire de l'ordre mondial et de son fonctionnement est bien posée, et de manière un peu neuve. Un renforcement de caractère démocratique de ces institutions, un accroissement de leurs moyens financiers, humains et politiques sont devenus indispensables pour leur permettre de remplir leurs missions définies par la Charte des Nations unies. De même que des réformes profondes du FMI et de la Banque mondiale seront indispensables pour appuyer une gouvernance mondiale, émancipée des pressions des forces de l'argent, et au service d'une sécurité humaine collective (PNUD) et des intérêts des peuples et des travailleurs. A cet égard le secrétaire général de l'ONU ne dit pas autre chose lorsqu'il reconnaît la semaine dernière que « le système multilatéral actuel a ses limites : ses instruments et ses capacités ne suffisent pas pour assurer l’efficacité de la gouvernance des biens publics mondiaux. Ce système est trop axé sur le court terme. Nous devons renforcer la gouvernance mondiale (…) Nous devons adapter l’ONU à une nouvelle ère. »

De ce point de vue, pour ce qui nous concerne, nous aurions bénéfice à nous remettre concrètement au travail sur ce thème en sollicitant largement autour de nous divers acteurs de la paix et de la solidarité internationale, et en réalisant notre propre évaluation du rapport assorti de 90 recommandations publié en 2020 par le secrétaire général de l'ONU. Et de le faire sur la base d'une compréhension aussi fine que possible des stratégies à l’œuvre.

Les caractères notamment inclusif et interdépendant de la mondialisation obligent les États-Unis, confrontés à leurs échecs, à opérer un redéploiement stratégique. Ils ne renoncent aucunement à leur visée hégémonique mais se concentrent sur l’enjeu déterminant selon eux : la région indo-pacifique.

En reprenant la ligne d'une confrontation directe avec la Chine instaurée par Trump, Joe Biden assure la continuité de la stratégie US qui consiste à prendre sa rivale en étau en, je cite Francis Wurtz, coalisant autour de lui : « d’une part, (grâce à) l’Alliance quadripartite (formée avec) l’Inde, le Japon et l’Australie – le « QUAD », créé en 2007, revitalisé par l’administration Trump et destiné à devenir sous Biden une espèce d’OTAN pour l’Asie et le Pacifique –, et, d’autre part, (grâce à) ce que Biden appelle « l’Alliance des démocraties », à savoir les Etats, notamment européens, qui se reconnaissent dans la « famille occidentale », et que le nouveau Président américain était venu, en juin dernier, lors d’un sommet de l’OTAN, enrôler dans sa croisade anti-chinoise. » Il exercera toutes les pressions possibles sur les Européens pour les entraîner dans son sillage.

Cependant, et malgré l'efficacité a priori de ce dispositif qui, souligne avec raison Pascal Boniface, « structure le monde » et les relations internationales, cette stratégie se heurte néanmoins à des obstacles, le premier d'entre eux étant son obsolescence du fait de l'anachronisme d'une telle conception dans un contexte global d'interdépendance très avancée des économies – et des sociétés- et qui représente une différence nette, je l'ai souligné, avec les années de « guerre froide ».

D'autant que le développement dans la dernière période de nouveaux événements ont provoqué une « crise de confiance » entre les États-Unis et ses alliés : depuis les conditions du départ des troupes américaines en Afghanistan puis, dans d'autres mesures, l'affaire Pegasus (qui n'est pas sans rappeler le précédent des écoutes de la NSA) ou encore celle du contrat de ventes de sous-marins français cassé par l'Australie... épisodes qui troublent profondément dans les sphères dirigeantes occidentales, les milieux conservateurs comme libéraux, parmi les pays membres de l'Alliance atlantique, au sein de l'UE, dans les pays d'Asie, dans les milieux d'affaires.

Semblant (re)découvrir que la stratégie US ne répond qu'aux intérêts étasuniens exclusifs, nombre de ses alliés, la France notamment, qui elle-même oriente désormais son action sur l'Indo-Pacifique paie son « vide stratégique » au prix fort comme l'illustre l'épisode de la vente ratée de sous-marins ; et alors qu'elle a escamoté l'essentiel : la sur-militarisation de l'Asie, au prétexte de prévenir les prétendues ambitions militaires de la Chine, alors que c'est la dernière chose dont les peuples ont besoin.

La situation du Sahel et l'intervention militaire française qui s'y déroule depuis fin 2013 sont un cas de figure éloquent de la persistance dans l'erreur des orientations françaises. Outre qu'aucun des objectifs affichés – l'éradication de la menace terroriste et le rétablissement d'un État malien fort et stable – n'a été rempli, c'est précisément l'inverse qui s'est produit en disséminant les groupes djihadistes dans la région et conduisant au coup d’État militaire de l'été 2020.

Invariablement, et dans un parfait esprit de continuité que l'on peut faire remonter aux années 19604, les autorités françaises se sont engagées dans la course au surarmement en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie sans faire la fine bouche sur la nature des régimes et l'utilisation de ces armements contre des populations civiles, quelquefois la population même de ces régimes. Alors que très majoritairement 88% des Français-e-s, interrogées en 20185, souhaitaient que « la France cesse ses ventes d'armes à des pays risquant de les utiliser contre des populations civiles »

Autre élément que je veux souligner c'est le décalage net entre ces orientations et les attentes et exigences exprimées par les peuples/travailleurs si tant est qu'on prenne le temps de les entendre.

Une exigence de coopération internationale plébiscitée par les peuples

La pandémie et la crise sanitaire ont aussi renforcé la défiance à l'égard des personnels politiques, des gouvernements, et même des scientifiques ; des dynamiques très dangereuses de « théories du complot » et de rejet même de la science empoisonnent des consciences, allant même jusqu'à diviser au sein des forces politiques et syndicales. Il y a pour nous et d'autres forces démocratiques beaucoup à faire pour combattre ces tendances en engageant dans le débat et l'action politiques les forces existantes qui aspirent à des changements de logique au service de « l'humain et la planète d'abord ».

Bien que le taux soit plus fort parmi les habitants des pays du Sud que ceux du Nord, l'inefficience de la « nationalisation » des enjeux mondiaux n'échappe pas à l'attention des populations6 qui considèrent de leur côté à 97 % que la coopération internationale est « essentielle » (à 52 %), « très » (à 34 %) ou « assez » (à 11 %) « importante pour relever les défis mondiaux ».

Parmi ces défis, les préoccupations majeures sont, sans surprise, la santé, le climat, l'environnement et les conséquences socio-économiques des crises sanitaires et climatiques qui viennent aggraver les impacts du néolibéralisme et de la financiarisation des économies.

Ainsi, plaider pour un nouvel ordre mondial et international fondé sur la lutte contre les inégalités socio-économiques, la coopération et la solidarité bénéficie d'un crédit sans doute inédit.

Et la tonalité d'ailleurs des interventions de représentants de gouvernement et chefs d’État à la tribune des Nations unies ces jours-ci confirme que parmi les éléments qui font le cœur des débats sur la scène internationale il y a des idées et propositions dont nous sommes porteurs.

Les crises sanitaires, climatiques et écologiques et les « urgences » sociales suggèrent que les menaces et sources d'insécurité sont plus « globales » qu'uniquement nationales et elles invitent à l'élaboration de réponses politiques multilatérales, inclusives, où l'interdépendance est facteur de réussite collective par les coopérations et solidarités qu'elle permet de développer, contrecarrant dès lors toute ambition hégémonique. Au surplus, l'exemple afghan vient confirmer une nouvelle fois que la voie militaire n'instaure pas de sécurité « globale » ou « régionale » en ne traitant que les effets et jamais les causes structurelles, pas plus qu'elle n'ouvre de perspective politique viable. C'est vrai aussi de l'opération Barkhane au Sahel.

Notre réunion de ce soir portera plus spécifiquement sur les initiatives et gestes à produire au cours des mois de campagne des élections présidentielle et législatives qui s'ouvre.

La campagne de la présidentielle et des législatives

Les questions de la paix, de sécurité collective et du développement inclusif doivent être un axe fondamental de la campagne avec la proposition de retrait de l’OTAN et de construction de cadres communs de coopération et sécurité collective garantissant la sécurité sanitaire, alimentaire et climatique.

Considérée comme l'apanage du chef de l’État, par la constitution et les institutions de la Ve République, et par sa nature présidentielle renforcée depuis l'instauration du quinquennat et l'inversion du calendrier électoral national, la politique internationale, européenne et de Défense souffre dans notre pays de l'absence de débat démocratique.

En outre, les erreurs d'analyse et stratégiques, leurs biais idéologiques, ont au cours de ces dernières décennies conduit au renforcement de leur allégeance atlantiste et de leur militarisation. En décalage constant avec les réalités, les mouvements de société et les rapports de force régionaux et internationaux, la politique menée par la France obéit à des principes et des pratiques hérités d'un temps révolu. Comme le souligne à raison le politologue Bertrand Badie : « La France ne fait plus face au monde bipolaire, mais au monde tout entier, dans lequel l'« Occident » est en tout point minoritaire, démographiquement, économiquement, culturellement. (…) Dès lors, le projet des quinquennats qui se sont succédé depuis la fin de la bipolarité est constant dans une orientation majeure, qui consiste à se servir de la présence française dans le multilatéralisme pour tenter de contrôler la mondialisation, maintenir autant que faire se peut sa souveraineté, contenir les pressions venues du « nouveau monde »7. »

→ vous trouverez dans les deux notes qui vous ont été envoyées les éléments politiques de contexte et d'orientations que nous avons soumis au débat du dernier conseil national ; une vision internationale qui, si elle devait être résumée d'un ou trois mots, porte l'exigence de paix et sécurité humaine partagée.

Pour nous, la défense des intérêts nationaux de la France doit nécessairement s'articuler à la défense et la promotion d'intérêts communs à l'échelle mondiale ; ce que les enjeux contemporains mettent en évidence c'est la nécessite de faire émerger un « ordre global profitable » à tous les peuples tout en en « retirant un maximum d'avantages » pour chacun. C'est vrai pour la santé, aujourd'hui l'accès au vaccin contre le coronavirus, mais aussi dans la lutte contre le réchauffement climatique ou pour la biodiversité comme pour ce qui est du développement économique et social, des emplois et des salaires.

Dans cet esprit, parmi les propositions que notre candidat à la présidentielle et nos candidats aux législatives peuvent porter, il y a par exemple la bataille sur la levée des brevets des vaccins et pour la démarchandisation des domaines de la santé, des médicaments et de la protection sociale ; la signature et la ratification du Traité international d'interdiction des armes nucléaires (TIAN) et l'enjeu du désarmement nucléaire multilatéral ; la substitution des accords de libre-échange par la mise en œuvre de nouveaux traités internationaux de maîtrise des échanges, garantissant la souveraineté alimentaire des peuples, et au service de grands projets de développement des infrastructures, des biens communs mondiaux, de l’emploi et des services publics, dans le respect des droits sociaux, des écosystèmes et de la biodiversité ; ou encore, à l'échelle européenne, l'organisation d'une conférence « paneuropéenne » inclusive (nord, sud, ouest, est – Russie comprise) pour poser les fondations d'un cadre commun de coopération et de sécurité collective qui permettrait notamment d'amorcer un processus de baisse des dépenses d'armement et de dissolution de l'OTAN.

Toutes ces propositions partent des urgences qui préoccupent le pays et montrent les possibilités d'autres choix pour y répondre dans l'intérêt aussi bien de notre peuple que de celui des peuples du monde entier.

A partir de nos échanges ce soir, il s'agit pour nous de proposer des initiatives de campagne qui nous permettent de mettre à l'ordre du jour des débats de la présidentielle puis des législatives un certain nombre de questions que nous voulons porter.

Au passage je précise que sur le plan organisationnel, Fabien Roussel a nommé en juin 4 porte-paroles sur les questions européennes et internationales : outre Vincent et moi, il s'agit de Jean-Paul Lecoq qui, vous le savez, siège à la commission des Affaires étrangères de l'AN et de Charlotte qui est assistante au groupe de la GUE ; elle et Simon, l'assistant parlementaire de Jean-Paul Lecoq, sont conviés le temps de la campagne aux réunions hebdomadaires du secrétariat d'animation du secteur qui devra le temps de la campagne coordonner notre action quotidienne et de long cours avec notre engagement dans la campagne électorale.

Au moins deux initiatives sur les enjeux européens strictement sont déjà envisagées : l'une parmi les Rencontres des Jours Heureux sur les enjeux économiques et financiers, l'autre à élaborer pourrait se tenir début 2022 en marge des journées parlementaires de la GUE qui se tiendront en France et qui reste entièrement à concevoir.

Nous avons commencé à sérier de nombreux sujets d'actualité ou enjeux « structurants » que le candidat communiste devra porter au cours de ces mois. Nous pourrions imaginer une ou plusieurs initiatives nationales avec le candidat ou le/la représentant-e qu'il désignera pour donner de la visibilité à nos idées et propositions.

 

 

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2 « Ces pertes d'heures de travail sont environ quatre fois plus importantes que pendant la crise financière mondiale de 2009 » – https://ilostat.ilo.org/fr/topics/covid-19/

3 https://estatements.unmeetings.org/estatements/10.0010/20210921/AT2JoAvm71nq/evrRTWsE4dxD_fr.pdf

4 Avec les ventes d'armes à l'Afrique du Sud (apartheid), à l'Espagne (dictature de Franco), au Portugal (dictature de Salazar), au Brésil, à la Grèce et l'Argentine (dictatures militaires)...

5 A. Elluin, S. Fontenelle, Ventes d'armes, une honte française, Le passager clandestin, Paris, 2021.

6 « Plus d'un million et demi de personnes dans 193 pays ont fait part de leurs priorités à court et à long terme, de leurs idées d'action et de leurs appels en faveur d'une ONU plus inclusive et plus transparente pour diriger la réponse face aux défis mondiaux urgents. » https://www.un.org/sites/un2.un.org/files/french_shapingourfuturetogether_executivesummary.pdf Tendance confirmée par l'enquête YouGov en vue de la prochaine Exposition universelle (Dubaï : octobre 2021-mars 2022), dont les résultats ont été publiés fin août sur le site Euractiv : « 86% des personnes interrogées expriment la conviction que la coopération internationale est « indispensable à la création d’un avenir meilleur et plus durable pour tous », citée par F. Wurtz dans sa chronique parue dans l'Humanité dimanche du 2 septembre 2021.

7 B. Badie, L'état du monde 2022. La France, une puissance contrariée. « Introduction »,p.13.