Donner force à la République laïque

Le débat qui s’annonce à l’occasion du projet de loi visant à renforcer les principes républicains, inscrit dans une manœuvre de précampagne présidentielle, s’annonce piégé. Il promet d’être le théâtre de toutes les outrances de la part d’une extrême droite et d’une droite extrême occupées depuis plus de deux décennies à dévoyer la laïcité, pour justifier des visées contraires aux valeurs de la République.

Partout dans le monde se développent des intégrismes, des mouvements politiques qui instrumentalisent des religions pour imposer leurs visions réactionnaires ou leurs visées totalitaires. Ces dernières années, notre peuple a subi les monstrueuses violences terroristes qui découlent des courants les plus radicaux. Ces réalités sont le témoignage d’un affrontement identitaire qui se développe sur le terreau d’une crise profonde que traverse l’humanité, marquée par les inégalités, les atteintes aux libertés, la marchandisation de tout, l’évanouissement du sens... Cette crise est le produit du capitalisme à ce stade de son évolution.

Face à cette menace, ce qu’il faut rendre toujours plus fort c’est la République et ses principes. La République ne doit surtout pas reculer, ni se renier face au danger. Elle doit s’appliquer à accomplir jusqu’au bout sa promesse d’égalité, de liberté, de fraternité. Pour cela, elle doit permettre dans toute la société que se lève un mouvement populaire conscient du danger et décidé à ne pas laisser faire.

Ce n’est pas dans une fuite en avant liberticide que peuvent se trouver les issues. Or, le projet de loi du gouvernement, dit de « renforcement des principes républicains », s’inscrit dans une séquence sinistre pour les libertés fondamentales : état d’urgence, sécurité globale, justice des mineurs... Il contient 54 articles traitant de sujets tellement divers qu’ils ne manquent pas de convoquer des associations d’idées et des amalgames qui devraient pourtant être combattus. L’habileté consiste à aborder des questions qui peuvent parfois légitimement préoccuper, mais en déployant une logique de contrainte qui, de fait, pointe du doigt les musulmans. Il peut y avoir dans les nombreux articles des dispositions nécessaires, comme la transparence financière des associations cultuelles. Mais on y trouve notamment la volonté de modifier le cadre de la vie associative et de l’action des collectivités locales en permettant un interventionnisme discrétionnaire de l’État sur l’invocation des valeurs de la République. Ce projet de loi, qui pourrait aboutir de fait à une modification d’ampleur de l’esprit de la loi fondatrice de 1905, apparaît confus, dangereux et à bien des égards contre-productif.

Nous voulons donner force à la République laïque. Nous combattons les courants politiques qui veulent entraîner le monde dans une prétendue guerre des civilisations. Nous refusons farouchement toute religion d’État et nous affirmons l’égalité des droits et la liberté de conscience dont découle la liberté de croire ou de ne pas croire et qui se conjugue avec la liberté d’expression. La laïcité n’est pas un outil d’exclusion et de discrimination. Dans ce monde qui fabrique des victimes désunies, nous voulons au contraire unir. Dans cette société aux multiples fractures, où l’on entend si souvent nier les discriminations et le racisme, nous voulons une République pour toutes et pour tous, une République en mouvement vers sa promesse encore tellement inaccomplie. Le Président de la République n’en prend pas le chemin. Sa politique est un renoncement permanent à lutter pour faire entrer pleinement dans la vie les principes qui nous rassemblent.

La République doit se donner les moyens humains nécessaires à lutter contre les offensives séditieuses et terroristes. Nous proposons de renforcer les moyens donnés à la mobilisation citoyenne autour d’une laïcité vivante. Nous appelons à un grand plan de lutte contre les discriminations. Nous proposons de développer une école de la République portant en actes le projet de permettre à chaque enfant l’épanouissement. Nous proposons le développement des services publics sur tout le territoire pour porter l’ambition de la République. Le nouvel acte fondateur que nous appelons de nos vœux pour une nouvelle République s’inscrit dans cette volonté laïque d’un refus de toutes les intimidations, de toutes les dominations, de toutes les discriminations et d’un désir profond de démocratie, de liberté, de partage. D’un monde en commun.

Pierre Dharréville, député des Bouches-du-Rhône.