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En dépit de ses promesses de réformes de la relation Afrique-France, Emmanuel Macron marche dans les pas de ses prédécesseurs. Ce conservatisme ne fait qu’exacerber le « sentiment antifrançais » en Afrique francophone.

Le 28 novembre 2017, dans un discours prononcé en présence de son homologue burkinabè à l’université Joseph Ki Zerbo de Ouagadougou, Emmanuel Macron qui venait de boucler son premier semestre à l’Élysée proposait « d’inventer une amitié pour agir » entre la France et le continent africain. Avec la verve et la flamboyance qui font son style, il annonça comme ses prédécesseurs la mort de la Françafrique et— nouveauté —« qu’il n’y a plus de politique africaine de la France ». Malgré une brève coupure d’électricité et quelques ratés de la sonorisation, les 800 étudiants qui avaient pris place dans l’amphithéâtre avaient été séduits par les talents d’orateur et les promesses de rupture avec les errements du passé, d’argent pour le développement, de priorité à l’éducation, etc. du président français.

Des promesses de Ouagadougou

Las ! À un an du terme de son mandat, le bilan est plutôt maigre, même si à la vérité historique on doit noter les progrès qu’il a insufflés au processus de réconciliation avec le Rwanda. Autre point positif, les changements à la législation sur l’inaliénabilité du patrimoine muséal qui ont permis la restitution aux pays d’origine de quelques œuvres du patrimoine africain. Au Sahel, malgré la croissance des budgets et des effectifs militaires français on ne peut que constater l’échec des réponses à une crise qui n’en finit plus. Après huit ans de présence, l’opération Barkhane est perçue comme une force d’occupation et les critiques se font de plus en plus virulentes à son égard. La réforme du franc CFA annoncée le 21 décembre 2019 à Abidjan par Emmanuel Macron et le président ivoirien Alassane Ouattara n’a tenu aucune des promesses d’en finir avec cette relique d’un temps que tous les deux annonçaient révolu. Le franc CFA reste une monnaie contrôlée par l’État français !

Marche à l’ombre de Jacques Chirac

Les engagements d’aggiornamento d’Emmanuel Macron dans la relation entrent la France et l’Afrique « où se jouera une partie du basculement du monde » ont fait long feu. La dernière preuve en date, son hommage posthume à Idriss Deby « l’ami courageux » de la France qui a « œuvré sans relâche pour la sécurité du pays et la stabilité de la région durant trois décennies. » Comme Jacques Chirac qui a adoubé en 2005 la dynastie dictatoriale togolaise des Gnassingbé père et fils, Emmanuel Macron a déclaré « prendre acte » de la transition non constitutionnelle de dix-huit mois imposés par des militaires tchadiens dirigés par le général Mahamat Idriss Deby, commandant de la Garde présidentielle et fils du défunt.

Le président français a fait le déplacement de Ndjamena le 24 avril 2021 pour les obsèques d’Idriss Deby Itnoqui a rendu « son dernier souffle en défendant l’intégrité territoriale sur le champ de bataille » selon la propagande de la soldatesque putschiste. Ce voyage a accordé une légitimité internationale à un pouvoir issu d’un coup d’État. Plus grave, il a entériné l’usage de la force, le mépris pour le droit et la constitution comme mode d’expressions politiques. Ça n’a pas manqué ! Quatre jours après ce voyage, la junte adoubée par le président français a fait tirer à balles réelles sur des manifestants aux mains nues. Des morts : « cinq pour les autorités judiciaires tchadiennes et neuf pour la Convention tchadienne de défense des droits de l’homme (CTDDH) » rapporte l’Agence France-Presse (AFP). Cette énième entorse aux principes que la France prétend promouvoir ne fera que renforcer la réputation de duplicité et de garante d’ordres iniques et antidémocratiques qui lui est faite par ses critiques les plus radicaux. Et que dire de la « stabilité de trente ans » du Tchad invoquée par l’Élysée ? Dans ce pays, la constance c’est l’état de guerre et de la répression de toute contestation politique. De la région du lac Tchad au Tibesti, la conflictualité armée est la règle ; la pauvreté, le quotidien de la majorité de la population.

Il n’est jamais trop tard

Ces dernières années, la France a été conspuée, comme jamais, en Afrique francophone. Du Sahel au golfe de Guinée, les rues des capitales bruissent de récriminations ; les réseaux sociaux et les débats médiatiques rivalisent de mots durs pour la caractériser. Dernier signe en date de cette montée du « sentiment antifrançais » : au cours, des émeutes qui ont secoué le Sénégal au début du mois de mars (14 morts, plus de 600 blessés et la destruction de biens matériels) les enseignes françaises ont été spécifiquement ciblées par les manifestants. Pour mettre un terme à cette situation, « renouveler le narratif entre la France et l’Afrique », la mobilisation d’intellectuels talentueux comme Achille Mbembe, Alain Mabanckou, Felwine Sarr ou Kako Nubupko ne suffira pas ! « Aux grands maux les grands remèdes », pas la poudre de perlimpinpin ! Si les communistes ont une demande à faire au président de la République, c’est qu’il rompe avec les vieilles recettes de la Françafrique et mette l’influence diplomatique et la puissance de la France au service d’un cadre international juste et équitable. L’image de la France n’en sera que rétablie. Les jeunes générations africaines, si l’on s’en tient aux échos que nous avons, ne demandent rien d’autre.

Félix Atchadé
membre du Collectif Afrique du PCF