Espagne - Elections législatives du 28 avril 2019 - Note

 

  2019 2016
Partis politiques % Sièges % Sièges
Parti populaire (PP) 16,69 66 33,01 137
Parti socialiste (PSOE) 28,69 123 22,63 85
Unidas Podemos 14,31 42 21,15 71
Ciudadanos (C'S) 15,85 57 13,06 32
Gauche républicaine de Catalogne-Souvrainistes (ERC-Sobiranistes) 3,90 15 2,66 9
Junts per Catalunya 1,91 7 2,01 8
Parti nationaliste basque (PNV) 1,52 6 1,19 5
EH-BILDU 1,0 4 0,77 2
Compromis (Pays valencien)   1   4
Coalition Canaries   2 0,33 1
Vox (extrême droite) 10,26 24 - -

Participation : 75,35% (66,4 %)
350 sièges étaient à pourvoir (majorité absolue :176 sièges)

 

Les principaux enseignements du scrutin

Contexte politique

En mai 2018, le PSOE était arrivé au pouvoir après avoir gagné la motion de censure contre le gouvernement de droite de Mariano Rajoy, avec l’appoint de Unidas Podemos, du PNV et des partis indépendantistes catalans (ERC et Junts per Catalunya). Minoritaires au Congrès des députés avec 85 sièges sur 350, les socialistes s’étaient entendus avec Unidas Podemos en octobre sur un projet de budget pour 2019 censé inverser la politique d’austérité et de régression sociale des gouvernements précédents. Parmi les principales mesures : hausse du salaire minimum de 736 à 900 euros sur 14 mois; augmentation des petites retraites et revalorisation de toutes les pensions en fonction de l’inflation, aides spécifiques pour les chômeurs de plus de 52 ans ; renforcement des mesures concernant la protection des droits des femmes ; congé de paternité porté à huit semaines. Par contre, dans un contexte de très forte précarisation du travail, PSOE et UP n’ont pu s’entendre sur la réforme du droit du travail (conventions collectives) et sur celle concernant les retraite.

Début mars 2019,ne disposant plus d’un soutien majoritaire au Parlement pour faire voter le budget (vote contre des partis de droite et des indépendantistes catalans) ;le gouvernement de Pedro Sanchez dissolvait les « Cortes » et convoquait de nouvelles élections le 28 avril 2019.

Avec 28,69% et 123 sièges contre 22,6% et 85 sièges en 2016 ; le Parti socialiste (PSOE) remporte nettement les élections. Il ne peut néanmoins réunir une majorité au Parlement sans l’appoint de Unidas Podemos et de ses alliés (165 sièges sur 176 nécessaires) et du Parti nationaliste basque PNV. Il peut néanmoins espérer compter sur l’abstention de ERC et de Bildu lors du vote d’investiture. Pendant la campagne, le PSOE avait suggéré qu’il pouvait envisager de gouverner avec de personnalités progressistes et Unidas Podemos, sans pour autant fermer complètement la porte -mais cela semble exclu dans un premier temps- à Ciudadanos. Après les élections du 28 avril, le PSOE a confirmé son choix d’un gouvernement minoritaire plutôt que d’un gouvernement de coalition avec Unidas Podemos. Néanmoins il est probable que pour s’assurer d’un vote positif de UP et du PNV notamment, lors de l’investiture de Pedro Sanchez au Parlement -vote qui interviendra après les élections régionales, municipales et européennes du 26 mai – le PSOE devra s’entendre avec ses partenaires potentiels sur des orientations programmatiques suffisamment ancrées à gauche.

Enfin il faut également noter que le PSOE obtient la majorité absolue des sièges au Sénat, ce qui ne l’exposera pas au véto de la droite pour certaines réformes comme celles régissant le rapport aux collectivités territoriales.

 

A droite, le Parti populaire de Pablo Casado s’effondre en perdant la moitié de sa représentation, avec 16,69% et 66 sièges contre 33% et 137 sièges. C’est un échec historique qui aura beaucoup de conséquences sur l’avenir de la droite espagnole. La chute du PP n’est pas compensée -loin de là- par la progression de Ciudadanos (15,85% et 57 sièges contre 13,06 % et 32 sièges) et l’entrée pour la première fois au Parlement de l’extrême droite de VOX, avec 10,26 % et 24 sièges. Avec 147 sièges au total,la droite qui se voulait coalisée est loin de pouvoir prétendre à constituer une majorité aux Cortès.

Unidas Podemos (Podemos, IU, EQUO, En Comu-Podem et ses confluences en Galice et Pays valencien) recule nettement par rapport à ses résultats de 2016 (14,31% et 42 sièges contre 21,15% et 71 sièges). Dans une première réaction, Pablo Iglesias a néanmoins fait savoir que  ce résultat était suffisant pour atteindre les objectifs de son organisation . « Nous sommes une force politique indispensable pour un gouvernement de gauche en Espagne. Le poids parlementaire du bloc progressiste dépasse celui des trois droites  ». Unidas Podemos accepte le principe de gouverner avec le PSOE sur la base d’un programme négocié (« sans lignes rouges ni arrogance »). Pablo Iglesias a également souligné qu’il faudrait compter avec la réalité plurinationale de l’Espagne au vu des résultats en Catalogne et au Pays basque. Alberto Garzon  coordinateur fédéral de la Gauche unie (IU), a déclaré que « Pedro Sanchez devait éviter la tentation de s’allier avec Ciudadanos parce que c’est le moment de profiter de ces résultats électoraux pour blinder les services publics et protéger les familles des travailleurs ». Contrairement à Podemos, IU semble vouloir privilégier un accord avec le PSOE sans entrer pour autant dans une coalition gouvernementale. Les différentes options seront discutées lors des réunions que tiendront Podemos et IU avant l’engagement de la campagne des élections du 26 mai.

Unidas Podemos a souffert des divisions intervenues en son sein et dans la configuration de ses alliances (Confluences), notamment en Catalogne (avec En comu Podem), en Galice (avec En marea) et dans le Pays valencien où Compromis s’est présenté en solitaire. Pablo Iglesias reconnu que «l’un des problèmes fondamentaux de Podemos c’est d’avoir donné une mauvaise image de notre situation et des confrontations internes. La plus forte fragmentation du vote UP + Confluences peut lui porter un préjudice encore plus important lors des élections municipales, régionales et européennes du 26 mai prochain. Pour ce qui concerne Izquierda Unida et les communistes qui sont parvenus à un accord de coalition équilibré avec Podemos, ils ont perdu quelques élus -au pays Basque et en Navarre notamment- mais Alberto Garzon et Eva Garcia Sempere sont élus à Malaga, Enrique Santiago, secrétaire général du PCE à Madrid, Yolanda Diaz à Pontevedra, Joan Mena sur la liste En Comu Podemen Catalogne et deux autre élus dont un à Valence.

En Catalogne, les forces indépendantistes obtiennent un très bon résultat ; surtout pour ERC qui, avec l’appoint de « Souverainistes », organisation récemment créée par « Communistes de Catalogne » (Joan Josep Nuet est élu) et « Nova » d’Elisenda Alemany (scission de En comu Podem) ; devient pour la première fois le premier parti avec 3,90% et 15 sièges contre 2,66 % et 9 sièges en 2016. Les partis indépendantistes catalans ont énormément bénéficié de la mobilisation constante autour de leurs responsables emprisonnés qui se présentaient néanmoins aux élections. Dans le nouveau contexte post-électoral, ERC dont l’influence sera décisive dans la constitution de majorités progressistes, notamment à Barcelone ; mesurera ses relations avec le gouvernement mis en place par le PSOE, en fonction des signes d’ouverture que celui-ci donnera pour que s’instaure un nouveau dialogue et trouver ainsi un début de solution à la crise ouverte du fait de l’intransigeance montrée par la droite espagnole et les forces indépendantistes catalanes à envisager une réforme démocratique et négociée du cadre institutionnel établi en 1978 ; dans ce contexte, le fait que ERC semble avoir renoncé à la voie unilatérale pour imposer la convocation d’un référendum d’autodétermination va plutôt dans le sens d’un apaisement devant conduire à une régénération démocratique des institutions de l’Etat espagnol .

Au Pays basque, le PNV devient le premier parti avec 1,52 % et six sièges (+1) et les indépendantistes de EH-BILDU obtiennent 1% et 4 sièges (+2).

Des élections régionales avaient lieu dans le Pays valencien où la gauche (PSOE+ Compromis avec le soutien de Unidas Podemos) était au gouvernement. La gauche consolide cette fois-ci son influence, dans une région historiquement dominée par le PP, avec une plus forte hégémonie du PSOE en son sein.

José CORDON
membre de la Commission des relations internationales - Europe