Importante rencontre entre le Parti communiste japonais et le Parti communiste français

Une délégation du secteur international du Parti communiste japonais (PCJ) effectue actuellement une tournée dans les pays européens. L’objectif est de rencontrer des forces progressistes de pays capitalistes développés afin de confronter des analyses respectives et de faire le point sur la situation internationale afin de travailler des convergences pour faire progresser la cause de la paix.

Une réunion fraternelle s’est déroulée entre nos deux partis le 7 novembre 2022 au siège national du PCF1.

Les priorités politiques du PCJ

Le PCJ, interdit dès sa naissance en 1922, a d’emblée dénoncé le joug despotique du système impérial, la dictature nationaliste et militariste ainsi que les guerres d’agression et de domination coloniale contre les autres pays asiatiques.

Aujourd’hui, première force politique de gauche (7,25%), il dispose de 10 députés au Parlement et de 11 sièges à la Chambre des conseillers. Il situe son action dans la perspective d’avancées vers une « société future2 » en dépassant le capitalisme. Il défend la position d’un « progrès par étapes » considérant que « tout changement social ne peut être réalisé que lorsque le peuple pense qu’un tel changement est nécessaire et que les conditions pour le faire sont en place ».

Ces derniers mois, le PCJ a combattu résolument le programme économique « Abenomics » de l’ancien Premier ministre Shinzo Abe que poursuit son successeur Fumio Kishida, favorisant les plus riches, les intérêts des multinationales par l’intermédiaire de trois axes : la relance budgétaire, la politique monétaire accommodante et les réformes structurelles notamment celle du marché du travail. Ces orientations avaient vocation à relancer la croissance économique en état de stagnation depuis les années 90 et sont devenues impopulaires dans la mesure où elles se sont traduites par des hausses fiscales pour les foyers, une augmentation de la précarité et un accroissement des inégalités.

Engagé aux côtés du peuple japonais alors que la colère sociale est très forte, le PCJ est pleinement mobilisé dans la lutte pour la défense des droits démocratiques, l’égalité des sexes, le changement climatique mondial, le révisionnisme nationaliste et la glorification du militarisme nippon en lien avec les tensions internationales.

La montée des tensions régionales

Les provocations de la Corée du Nord, les tensions avec la Chine aggravées par les surenchères américaines ainsi que les conséquences de la guerre en Ukraine accélèrent des évolutions au sein du pouvoir mais aussi dans l’opinion publique qui se dessinaient déjà depuis plusieurs années.

Les récents essais de missiles balistiques, par le régime hypernationaliste de la Corée du Nord, qui visent à transporter des charges nucléaires constituent une menace d’ampleur. Il en va de même de la volonté chinoise de contrôler tout son espace proche dans le Pacifique et l’Océan indien, afin d’accroître son réseau de points d’appui potentiels pour sa marine civile et militaire. Enfin, le PCJ est fermement opposé à toute expression d’hégémonisme qui violerait la souveraineté d’autres nations. Pour ces raisons, il condamne l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Il appelle à la cessation des opérations militaires et propose que la communauté internationale s’unisse sous la bannière de la Charte des Nations unies.

Ce contexte général sert de base à la remise en cause de la constitution pacifiste et notamment son article 9 qui stipule un renoncement à la guerre. Le pays, qui dispose de forces d’autodéfense mais pas d’armée à proprement parler, se place sous le parapluie de Washington avec une présence significative de soldats américains sur son sol. En 2015, le Premier ministre Shinzo Abe imposait déjà une clause permettant au Japon de venir en aide à un pays ami en difficulté ou en guerre marquant un tournant dans la politique extérieure.

Le nouveau Premier ministre, Fumio Kishida, fort d’une majorité consolidée lors du dernier scrutin, veut aller plus loin et accélérer le processus. Il vise à réviser trois documents clefs : la stratégie de sécurité nationale, les directives du programme de défense nationale et le programme de renforcement des forces de défense à moyen terme.

Fumio Kishida a participé, fait sans précédent, au sommet de l’OTAN de Madrid et le sommet de Shangri-La (Singapour) a mis en évidence le rapprochement militaire avec l’Australie et les États-Unis témoignant de la montée des tensions.

Le Japon, même si cela n’est pas totalement nouveau, participe de plus en plus à des exercices militaires communs avec les États-Unis et la Corée du Sud notamment pour détecter les missiles balistiques (« Pacific Dragon »).

Face aux manœuvres chinoises, Tokyo va déployer son porte-avion, un porte-hélicoptère et différents destroyers se sont rendus dans les pays de la région, dont les îles Tonga, Fidji ou Salomon à des fins de « dissuasion ».

L’augmentation du budget militaire stimule un réarmement généralisé soutenu désormais par une majorité de la population. Seul le PCJ s’y oppose fermement. Les changements proposés comprendraient l’acquisition de « capacités de contre-attaque » pour cibler les bases ennemies et les nœuds de commandement et de contrôle. Il est également envisagé un accord de partage d’armes nucléaires de type OTAN avec les États-Unis.

Ces orientations sont périlleuses et le Japon risque d’y perdre son âme pacifiste. Pour ces raisons, les fondements de l’action diplomatique du PCJ reposent sur la dénucléarisation de toute la région Indo-Pacifique, l’élimination des armes nucléaires, le désarmement général, le démantèlement des blocs, la rupture de l’alliance entre Tokyo et Washington et le retrait des bases militaires américaines. Le PCJ « œuvre à la résolution des conflits par la mise en place de structures inclusives pour la paix et le dialogue en renforçant le cadre existant du sommet de l’Asie de l’Est en coopération avec l’initiative de l’ASEAN ».

Les ambiguïtés françaises

La France, qui se veut une puissance Indo-Pacifique, adopte une posture ambiguë dans la région. Paris répète vouloir être une puissance d’équilibre mais endosse le concept stratégique de Madrid donnant un rôle mondial à l’OTAN. Le gouvernement multiplie les participations à des exercices militaires dans une logique de confrontation avec Pékin. La nouvelle loi de programmation militaire prévoit une forte augmentation des dépenses, dont 5,9 milliards d’euros pour la seule modernisation de ses forces nucléaires, et une redéfinition stratégique atlantiste dans la région.

L’initiative de parlementaires français en faveur de la dénucléarisation et de la ratification du Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN) a été saluée par les représentants du PCJ. Les députés communistes et apparentés, dont les trois représentants de la Polynésie, y jouent un rôle de premier plan.

Le PCJ et le PCF ont convenu d’intensifier leurs relations sur la région Indo-Pacifique afin de faire prévaloir la paix.

Pascal Torre
responsable adjoint du secteur international du PCF

1 Le PCJ était représenté par Yasuo Ogata, vice-président du PCJ, responsable de la commission internationale et ancien sénateur, et YONEZAWA Hiroshi Yonezawa, membre de la commission des relations internationales, et le PCF par Pierre Laurent, Méline Le Gourriérec et Pascal Torre.
2 Document interne du secteur international du PCJ.