Investiture de Joe Biden : Vers une nouvelle ère ?

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L’investiture de Joe Biden pourrait signifier la fin d’une séquence marquée par la violence et le chaos de la présidence de Donald Trump. Le quadrillage de Washington et de nombreuses villes par les forces de sécurité et la garde nationale en dit long sur l’ampleur des fractures qui affectent la société américaine. Le pays, qui se présentait comme le parangon de la démocratie, traverse une crise majeure tant les inégalités, le racisme, la ségrégation, les volontés hégémoniques et les guerres impérialistes le minent en profondeur.

Les événements du Capitole demeureront l’expression la plus aboutie du trumpisme. Répondant à l’appel du président sortant, afin de renverser le résultat des élections, des suprémacistes blancs, des milices d’extrême droite et des complotistes ont convergé dans leur projet de rupture avec la démocratie en connivence avec le parti Républicain. Certes, si tous les électeurs de D. Trump ne se retrouvent pas dans cette tentative de putsch, ils n’en partagent pas moins les objectifs et les perspectives qu’il a pu développer.

Joe Biden a, durant sa campagne, exprimé le souhait de tourner la page du trumpisme sur le plan moral et politique, se faisant ainsi l’écho de la répugnance exprimée par une majorité d’américains. Il a aussi été porté par les aspirations d’une nouvelle gauche progressiste qui s’est retrouvée dans la campagne de Bernie Sanders ou du formidable mouvement Black Lives Matter qui, tous deux, aspirent à une société plus juste, égalitaire, fraternelle et libre. Cela s’est manifesté par l’élection de députés socialistes au Congrès. Rompre avec le trumpisme sur la forme ne suffira pas car la situation exige une rupture radicale avec les dégâts du néolibéralisme et les logiques de domination.

La publication de premiers décrets marque une césure avec l’ère de D. Trump et il y a tout lieu de considérer que cela va dans le bon sens. Pour faire face à la crise sanitaire, la nouvelle administration rend désormais le port du masque obligatoire dans les bâtiments fédéraux, les transports entre États et décide de réintégrer une institution internationale, l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Des dispositions ont été adoptées pour faire face à l’explosion de la pauvreté comme le moratoire sur les expulsions de logement, le gel du remboursement des emprunts des étudiants et l’annonce d’une augmentation des bas salaires. La lutte contre le réchauffement climatique se traduit par la réintégration des accords de Paris, mais aussi l’adoption d’un moratoire sur l’extraction pétrolière en Alaska, le blocage de l’oléoduc Keystone XL et un décret sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Toutes aussi significatives apparaissent les décisions en matière de politique migratoire. Le rétablissement du statut temporaire, l’annonce de la régularisation par étapes de onze millions de sans-papiers et des « dreamers » ainsi que l’arrêt de la construction du mur à la frontière mexicaine répondent aux attentes des communautés latino-américaines qui jouent un rôle essentiel dans l’économie du pays et ouvrent des perspectives pour faire reculer les haines. Enfin des mesures symboliques, mais qui demeurent déterminantes, visent à lutter contre les discriminations raciales et prennent en compte l’exigence d’égalité entre tous les citoyens.

Mais ne nous y trompons pas, les milieux d’affaires, au cœur de la nouvelle équipe gouvernementale, piloteront le plan de relance et d’investissements de 1800 milliards de dollars qui suscitent déjà l’euphorie de Wall Street. Sur le plan international, si la politique conduite pourra être plus cohérente, marquée par une éventuelle reprise des discussions sur le nucléaire iranien et un certain multilatéralisme, les fondamentaux demeureront les mêmes. L’escalade des tensions avec la Russie mais surtout avec la Chine restera l’axe principal avec une dimension idéologique plus marquée comme en témoigne l’annonce de la tenue d’un « sommet des démocraties ». L’équipe de Joe Biden ne s’est pas prononcée sur le blocus illégal de Cuba et n’a pas répondu à l’appel au dialogue de son président Miguel Diaz Canel. Elle a été favorable à la guerre en Irak et ne reviendra pas sur le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem. Elle n’entend pas non plus remettre en cause l’inique législation d’extraterritorialité et réaffirme la volonté des États-Unis de diriger à nouveau le monde. La menace est grande de voir pérenniser les politiques antérieures ce qui aura, à n’en pas douter, des effets désastreux et amplifiera à terme les divisions, les brutalités et les souffrances des peuples.

Le Parti communiste français exprime sa solidarité avec toutes les forces progressistes américaines qui ont contribué à la défaite de D. Trump et luttent, dans des conditions difficiles, pour faire prévaloir un monde de justice et de paix, pour une rupture avec les politiques en faveur des milieux d’affaires, anti-sociales, anti-écologistes, racistes et autoritaires.

Pascal TORRE
responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient